agréable occupation. L'expérience lui avoit appris que fon art étoit fans bornes, auffi disoit-il qu'un Sculpteur qui avoit achevé une feule ftatue pouvoit le vanter d'avoir beaucoup travaillé. Cette façon de penser retarda fon génie & son exécution; dans tout le cours de fa vie, il ne fit que deux figures qui l'occupèrent un temps confidérable. Ses ouvrages n'étoient dus qu'à de longues réflexions & à de nombreuses études d'après l'antique & d'après la nature, il étoit obligé de faire plufieurs modèles, non - feulement du corps, des bras & des pieds, mais même des doigts & des plis des draperies. Le Laocoon qu'il modela pour le cardinal Maffimi l'occupa fix mois entiers. On convient qu'il excelloit à faire choix des meilleurs modèles de l'antiquité. Un ami lui représentoit un jour qu'il ne devoit pas finir davantage une figure qui étoit pour lui, & qu'il la trouvoit parfaite. Vous avez raison, répondit le Quenoi, parce que vous ne voyez pas l'original, mais je dois faire mon poffible pour rendre cette copie femblable à l'original & au modèle que j'ai dans la tête.

ૐ

Les enfans qu'a fculptés Flamand femblent avoir été formés par la main des Graces; il a fu leur donner tout ce que l'efprit peut y fouhaiter

.

hors la parole. Sa fcience dans l'anatomie les fait paroître vivans & animés. Les foffettes exprimées aux genoux, aux coudes, & aux doigts, leur procurent beaucoup d'élégance; leurs joues, chargées d'une enflure blanche comme du lait, les rendent d'une vérité inimitable. Les petits modèles en cire qu'il en a faits avec beaucoup de foin, font aujourd'hui répandus presque dans tout le monde, & fort recherchés. A l'égard de ceux qu'il a fculptés en marbre, il a fu tellement amollir cette matière dure, qu'ils femblent plutôt être de lait que de marbre. La tendreffe qu'il leur a donnée ne paroît pas bien naturelle, parce que la force & l'action de ces enfans fuppofent une connoiffance qu'ils n'ont pas. Ceux qui ont fuivi du Quenoi ont rendu ce défaut plus fenfible en groffiffant la tête, les joues, les mains,

le

ventre, & les pieds des enfans, défaut que les peintres ont imité. Il eft certain que la plus tendre enfance n'a pas encore la forme qu'elle acquiert à quatre & cinq ans, & que jusqu'à cet âge il paroît affez inutile d'alonger fes membres, de contourner fes reins, & de lui donner des proportions fveltes. Les grecs ont excellemment fculpté & peint les amours & les génies, comme les dépeint Calliftrate en parlant de ceux qui en

tourent la ftatue du Nil, & Philostrate en décrivant les jeux des amours. Michel-Ange a caractérisé les fiens par beaucoup de vivacité, mais fans aucune fouplesse. Raphaël eft le premier qui les ait rendus gracieux, fveltes & doués des proportions d'un âge qui croit avec la beauté; le Titien & le Corrège ont mis encore plus de mol leffe dans les formes, Annibal Carrache a tenu le milieu entre ces différentes manières; le Dominiquin a le plus approché de la perfection, en affignant diverfes attitudes aux enfans au maillor & aux adultes, & leur donnant les mouvemens & les caractères convenables à leur âge. Flamand s'attacha prefque uniquement à imiter la forme tendre & fouple de l'enfance, & dans cette imitation il s'eft fi fupérieurement diftingué, que tous les artiftes ont adopté fa ma

nière.

Les autres ouvrages de Flamand font, à Rome Jes anges du baldaquin de faint Pierre; dans l'églife de l'Anima deux tombeaux. On voit dans le premier deux enfans qui lèvent un voile pour : découvrir une épitaphe, l'un exprime fa douleur en fe couvrant les yeux avec le bout de ce voile; dans le fecond, il y a auffi deux enfans qui déploient une draperie, afin de laisser voir

une infcription Ces morceaux, quoique d'après fes modèles, ne font pas entièrement de lui. A faint Laurent, hors des murs de Rome, le médaillon du profeffeur Bernard Gabrieli eft placé fur fon tombeau. A Naples, dans l'église des Saints - Apôtres, pour la chapelle du cardinal Filomarini, ua concert d'anges en basrelief, morceau admirable & du plus beau fini; chez le Cardinal François Barberin, deux têtes en regard d'un Chrift & d'une Vierge, elles font en terre cuite, & ont été jetées en argent. La première avoit été faite pour la reine d'Angleterre, & la feconde pour le cardinal Maffimi. Le connétable Colonna avoit une écritoire ornée de deux enfans: l'un dort, & fa tête eft pofée fur un oreiller; l'aut.e affis, tient une taffe, & avec un chalumeau fait des bulles de favon.

A Monaco, dans les bains du palais, un Cupidon en bronze; dans celui de Florence, un enfant qui rit. Au palais des Confervateurs, les potres de la grande falle font d'un beau travail dû à notre artifte.

On cite encore un Apollon & un Mercure de trois pieds de haut, fait pour le marquis Juftiniani, lequel le retourne en arrière pour regarder un petit amour qui lui attache une corde

à un pied; Bellori affure que ces figures égalent l'Antinous du Belvedère. Le même auteur parle d'une ftatue de notre Seigneur en marbre, dont les mains font attachées par devant à la colonne; elle fut faite pour Heffelin, Me de la chambre aux Deniers. Un des plus beaux buftes sculptés en 1635 par Flamand, eft celui du prince Maurice, cardinal de Savoie, qui le protégeoit.

Il reftaura auffi deux fameufes ftatues antiques, un Faune dont les bras & les jambes manquoient, & une Minerve d'albâtre oriental, à laquelle il ajusta une tête armée d'un casque, les mains & les pieds en bronze.

ALEXANDRE ALGARDE(1) CELUI dont nous allons parler fut un de ces génies rares qui naiffent de temps en temps pour la gloire & le progrès des arts. Né à Bologne en 1602, l'Algarde s'occupa d'abord à deffiner & à peindre dans l'école de Louis Carrache. La connoiffance qu'il fit de Jules - Céfar Conventi,

(1) Bellori. Baldinucci.