Sculpteur Bolonois, donna l'effor à fon talent décidé pour la Sculpture. A l'âge de vingt ans il fuivit à Mantoue Gabriel Bertazzuoli, architecte du duc Ferdinand, au fervice duquel il entra, dans l'intention de travailler en ivoire, & à de petits modèles de figures & d'ornemens qui étoient enfuite exécutés en bronze & en argent. Ses talens & fa bonne conduite lui méritèrent bientôt la permiffion d'étudier non-feulement, d'après les peintures de Jules-Romain qui font au palais du T, mais même d'après les pierres gravées, les camées, les médailles & les figures tant en marbre qu'en bronze, dont étoit compofée la galerie des ducs de Mantoue, avant le fac de cette ville arrivé en 1620.

Lorfque l'Algarde eut fini fes études à Mantoue, il projeta le voyage de Rome, & le duc en fit généreufement les frais, à condition qu'il se rendroit enfuite auprès de lui; la mort du prince & les malheurs qui la fuivirent l'en empêchèrent. Il prit la route de Venife, & après quelques mois de féjour en cette ville, il se rendit à Rome en 1625. Le duc l'avoit recommandé au cardinal Ludovifi, neveu de Grégoire XV, qui l'occupa à reftaurer des antiques dans fa ville fur le mont Pincio. L'Algarde fculpta

pour cette éminence un enfant de marbre affis appuyé fur une tortue, fymbole de la sûreté, & portant un chalumeau à fa bouche. Cet ouvrage étoit deftiné à faire pendant à un enfant qui exprime la douleur que lui caufe la morfure d'un ferpent caché fous l'herbe, image de la fraude & de la tromperie.

Le cardinal lui fit connoître le Dominiquin avec lequel notre artifte lia une étroite amitié. Ils étoient compatriotes & élèves du même maître. Lorsque ce dernier peignit la chapelle Bandini à faint Sylveftre, il propofa l'Algarde pour sculpter les ftatues qu'on devoit mettre dans les niches, & lui fit donner celles de faint Jean & de la Madeleine; elles font en ftuc, & plus grandes que nature. On y reconnut les talens de l'Algarde, furtout dans la figure de la Madeleine, qui regarde le ciel, a une main fur fa poitrine, & de l'autre elluie fes larmes avec un mouchoir.

Il manquoit à notre artifte des occafions de fe faire connoître. Il s'occupoit, à leur défaut, à reftaurer des antiques ( 2 ), & à modeler pour

(2) L'Algarde fut chargé de reftaurer un Hercule qui combat l'hydre, confervé à Rome dans le palais Verofpi.

des orfévres des crucifix, des enfans & des ornemens. Quelques années se passèrent dans ces occupations peu dignes d'un auffi grand homme, après lefquelles on lui confia plufieurs ouvrages. confidérables. Un des principaux eft la figure de faint Philippe de Néri placée dans la facriftie des Pères de l'Oratoire à Rome. Le faint eft revêtu de fes habits facerdotaux, lève les yeux au ciel, a une main étendue, & l'autre pofée fur un livre que tient un ange. On reprochoit à l'Algarde de favoir mieux modeler que manier le marbre: il impofa, dans cette occafion, filence à l'Envie, qui fut obligée d'applaudir à l'expreffion du faint & aux graces de l'ange. Sa réputation en reçut un nouveau luftre.

Le cardinal Bernardino Spada lui commanda un grand grouppe de la décollation de S. Paul pour l'églife des Barnabites de Bologne. L'Algarde entreprit enfuite le tombeau de Léon XI placé dans l'églife de S. Pierre, & ce beau bas

Il s'en acquitta fi bien, que les parties rétablies ayant été retrouvées dans la suite, on a respecté l'ouvrage de l'AIgarde, & on a placé près de la ftatue les parties antiques, pour mettre les amateurs à portée d'en faire la comparaison.

relief qu'Innocent X fit faire pour cette même Bafilique, ouvrage qui mérita à fon auteur des fuffrages unanimes, la croix d'or & la dignité de chevalier.

L'Algarde avoit eu le bonheur, au commencement du pontificat d'Innocent X, de gagner les bonnes graces du prince Camille Pamphile fon neveu, alors cardinal, qui lui donna l'intendance générale de tous les ornemens de l'architecture & des fontaines de fa ville del bel Refpiro à Saint Pancrafle.

Par ordre du même pape, l'Algarde perfec tionna au palais du capitole celui des confervateurs de Rome; le peuple romain, pour témoigner au pontife fa reconnoiffance, voulut que notre artiste fît fa ftatue en bronze. Le jet manLe pape s'efforça de le confoler par plufieurs marques de bonté, lui donna cinq cents écus d'or avec l'ordre de chrift, & lui mit au cou une chaîne d'or de la valeur de trois cents écus.

qua.

Ces honneurs lui firent infenfiblement oublier fon malheur. Il reprit fon travail, & refondit fa figure avec beaucoup de fuccès. On la voit préfentement dans le mufée du capitole, pofée fur une bafe de marbre, en attitude de

bénir

bénir le peuple, & c'eft la plus belle de toutes les ftatues des papes qu'on voit à Rome.

Le prince Camille l'employa enfuite à la décoration de l'église de faint Nicolas Tolentin. L'Algarde commença par le maître autel, orné de très beaux marbres, & de quatre colonnes corinthiennes cannelées qui foutiennent un fronton, au milieu defquelles eft une grande niche remplie de plufieurs ftatues de marbre. Elles furent faites par fes élèves d'après fes modèles, & il fe contenta de les retoucher. Ses forces commençoient dès-lors à diminuer, plus encore par un excès d'embonpoint que par l'âge & la fatigue. Il n'acheva que l'architecture de l'autel, & le refte de l'églife fut continué par Jean-Marie Baratta fon élève.

Son dernier ouvrage fut fait pour Philippe IV; roi d'Espagne, en 1650, lorfque Diego de Velafquez, fameux peintre de portraits, vint à Rome : les quatre élémens deftinés à décorer des feux en font le fujet. L'Algarde mourut quatre années après d'une fièvre maligne, en 1654, âgé de cinquante deux ans. Il laiffa à la chapelle de faint Philippe de Néri la chaîne d'or que le pape lui avoit donnée, avec un legs, & un autre à l'académie de faint Luc, dont les membres acTome II.

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