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le laiffa fans maître & livré à lui-même. Les avis de Carle Maratte & de Jofeph Chiari y fuppléerent. Ce dernier lui confeilla de fréquenter l'Académie, & de deffiner d'après nature. Il lui apprit auffi à jeter une draperie, & à chercher des attitudes gracieufes, & de beaux airs de têtes.

Rufconi mit heureufement ces leçons à profit, & modela pour fon étude le Laocoon du Belvedère & l'enlevement de Proferpine par Pluton, qu'il envoya à l'Académie le jour de la réception. Ses premiers ouvrages ne furent exécutés qu'en ftuc; il employa dans la fuite une matière plus propre à immortaliser un grand artiste. Les tombeaux de Paravicini & de Fabretti, l'un à S. François à ripa, l'autre à la Minerve ( 2»), furent faits en marbre, ainsi que le médaillon de monseigneur Sacrifta, qu'on voit dans l'églife de faint Augustin.

Le marquis Pallavicini qui aimoit beaucoup les arts, commanda à notre artiste le modèle d'un crucifix pour être exécuté en argent, & les faifons fous l'emblême de jeux d'enfans. Par ces

(a) Rufconi n'a fculpté dans celui-ci que le bufte de Fabretti.

différens ouvrages il fe fit connoître de plus en plus, & il mérita d'erre affocié aux habiles Sculp teurs qui devoient décorer de ftatues & de basreliefs la belle chapelle de S. Ignace au Jéfus. Les deux anges qu'y plaça Rufconi lui valurent l'eftime du cardinal Albani qui fut enfuite Innocent XII. Ce nouveau pape imagina d'orner la nef de S. Jean-de-Latran de douze figures de dixneuf pieds, repréfentant les apôtres. Camille en eut quatre à faire; favoir, S. André, S. Matthieu, S. Jean, & S. Jacques le majeur. La première n'étoit pas encore achevée, qu'à la fête de faint Bruno, en 1711, le pape allant à la Chartreufe vint la voir avec tout fon cortège, & en parut fort content. Sa fainteté fit payer également tous les Sculpteurs qui avoient fait ces figures; mais elle diftingua Rufconi de fes confrères, en lui donnant deux penfions & l'ordre de Christ.

Vers ce temps-là, Camille entreprit le maufolée de Grégoire XIII (3), placé dans l'églife de S. Pierre. Un anglois lui demanda une copie de l'Hercule Farnèfe, le marquis Pallavicini voulat en avoir une femblable, accompagnée d'un

(3) Il est fort estimé des connoiffeurs, & a été gravé par Frey.

Apollon fait d'après celui du Belvedère. Ces deux figures ont été depuis vendues & portées en Angleterre,

Le pape qui ne perdoit pas de vue les talens de notre artiste, les exerça enfuite dans deux occafions différentes. Il lui commanda le bufte de fon frère en médaillon de quatre pieds de haut, & le tombeau d'une de fes tantes Camille y travailla inceffamment, & étoit fur le point de terminer ce dernier ouvrage, lorfque fa fainteté l'honora pour la feconde fois de fa préfence.

Rufconi fe remit enfuite au tombeau de Grégoire, & ne le quitta plus qu'il ne l'eûr fini, Lorfque ce monument qui avoit attiré les amateurs dans fon attelier fut découvert, leur concours augmenta. Après avoir confidéré les Sculptures de l'Algarde, du Bernin, & de Jacques, de la Porte, ils revenoient avec plaifir regarder l'ouvrage de Camille où ils admiroient un heureux génie foutenu d'une belle exécution. Sous une grande arcade, Grégoire XIII eft représenté affis dans une chaire, & revêtu de ses habits, pontificaux. Plus bas font affifes les figures de la Piété & de la Juftice qui foulèvent une grande draperie pour laiffer voir un fort beau basrelief.

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Cet ouvrage fut fuivi de celui du bienheureux François Regis (4), & du tombeau du prince. Alexandre Subbieschi qui devoit être placé dans l'églife neuve du couvent des Capucins. Occupé de l'exécuter en marbre, les Jéfuites lui demandèrent une ftatue de S. Ignace pour la mettre dans une niche à S. Pierre, fuivant l'usage obfervé à l'égard des fondateurs d'ordre. Rufconi en fit deux modèles qui font reftés fans exécution.

Notre artiste fut nommé, en 1728, prince de l'Académie de faint Luc, & fut chargé des préparatifs pour la cérémonie de la diftribution des prix qui fe fait tous les ans avec pompe dans la grande falle du capitole. Il revint chez lui extrêmement fatigué, il ne laiffa pas néanmoins de travailler le lendemain à un troisième mo-` dèle pour la figure de S. Ignace, dont les deux déjà faits lui plaifoient peu. Il passa le refte de la journée fort agité, & mourut la nuit d'un catarre fuffoquant, en 1728, âgé de foixante

dix ans.

Camille étoit grând, bien fait, & d'un fort

(4) Il a dix-huit pieds & demi de hauteur, & fut porté en Espagne,

tempérament. Dans une attaque d'apoplexie qu'il eut à trente-cinq ans, fa lèvre inférieure s'étoit un peu tournée; cet accident l'empêcha de fe marier. Il laiffa douze mille écus romains à une fœur qui avoit deux enfans, une fille religieufe à Milan, & un garçon nommé l'abbé Cizoni.

Peu de Sculpteurs contemporains de Rufconi ont approché comme lui de l'antique & de la nature. Ses attitudes font belles & majestueufes, fes têtes peu communes, & fes draperies trèsélégantes. Il donnoit à fes figures l'action qu'elles demandoient; elles paroiffoient vivantes & animées, tant il favoit bien exprimer les paffions de l'ame. On y trouve la correction & le goût des anciens, le feu & l'expreffion des modernes.

Il vécut long-temps à Rome, fort aimé de Clément XI. Son ame étoit noble & généreufe, travaillant plus pour la gloire que pour l'intérêt, plein d'égards pour tout le monde, très-mo defte, & ne parlant jamais mal des ouvrages de fes confrères. Sans être favant, il s'exprimoit en bons termes, & avec une facilité naturelle. Son humeur, quoiqu'elle parut férieufe, étoit auffi vive qu'agréable. Ses élèves furent Jofeph Rufconi & Jean-Baptiste Maini, habiles gens qu'il aimoit beaucoup.

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