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De quoi n'eft pas capable le génie animé par ces motifs ? D'ailleurs la nature fimple & belle dans leur climat ne présentoit à leurs yeux que des objets d'imitation. Leurs mœurs, leurs ufages fecondoient leurs efforts. Les exercices de la gymnastique leur offroient inceffamment diverfes natures nues. De-là, l'avantage inestimable de faifir les mouvemens dont elles font fufceptibles. A l'égard des femmes publiques, loin d'être parmi eux un objet de mépris, elles jouiffoient de quelque eftime. Quelle facilité n'y trouvoit-on pas pour deffiner d'après les plus parfaits modèles, & les étudier avec choix & difcerne-, ment! Enfin la danfe des Grecs étoit un tableau fi parfait des paffions, que les Sculpteurs en faifoient l'objet de leurs études. Ils faififfoient les attitudes. qu'infpiroient aux danfeurs les différens caractères de leur art, pour les exprimer avec autant de chaleur que de vérité

dans leurs figures. Tels font les avantages auxquels les Grecs dûrent uniquement les beautés réelles, beautés fublimes, dont leurs fculptures offrent des modèles.

Si l'on cherche ce qui conftitue cette beauté réelle, on le trouvera dans les proportions qui approchent de la perfection. Et ces proportions naiffent de diverses beautés réunies, après qu'elles ont été remarquées dans différens objets. L'homme ne peut rien fe figurer au-delà de la belle nature. Ses défauts ne s'offriront à fes yeux qu'en comparant foigneufement les individus. Ces comparaisons heureufes étoient trèsfaciles aux Grecs. Quel peuple, comme on vient de le voir, avoit des fecours plus multipliés pour apercevoir les genres de beautés dans les diverses natures des deux sèxes? Malgré la variété infinie de leurs caractères, il en résulte néceffairement un tout,

dont les parties ont entre elles un rapport parfait.

Ce choix de la belle nature ne diftingue pas moins fupérieurement les ouvrages grecs, que la manière avec laquelle elle est rendue. On y découvre des graces févères, vrai caractère de la beauté, un faire noble & fimple, & prefque toujours exempt d'affectation. Quel morceau que le Gladiateur mourant ! L'Antinoüs raffemble les perfections du corps humain ; la Vénus de Médicis, les attraits & les charmes de la beauté; l'Apollon du Belvedère a l'air d'une divinité; l'Hercule Farnèfe une vigueur que de longs travaux ont un peu altérée. Le Laocoon paffe pour l'ouvrage le plus parfait, né fous le cifeau des Grecs (5). Les auteurs de ces chefs-d'œuvres y ont conftamment cher

(5) Il a été fait de concert par trois Sculpteurs Rhodiens, Agesander, Polydore & Athenodor,

ché les belles formes, & y ont prouvé leur connoiffance profonde de l'Anatomie qui les a quelquefois conduits à une trop forte expreffion des muscles. Si l'on ne les a point encore égalés dans ces parties, on a découvert depuis eux des vérités de chair, des beautés de fentiment qu'ils ont fouvent négligées, ou qu'ils femblent avoir méconnues. Quelle fculpture grecque égale le Milon de Puget par les plis, les mouvemens de la peau, & la souplesse de la chair? Le fang paroît couler dans fes veines. La carnation d'Andromède ne fait-elle pas illufion?

Les Romains, devenus maîtres de la Grèce, la dépouillèrent de fes plus précieux monumens pour en décorer leur capitale, mais le génie des Sculpteurs Grecs échauffa peu celui de leurs Artiftes, qui ne parvinrent pas même à les égaler.

Sous leurs premiers Rois & dans les

commencemens de la République on aperçoit de foibles traces de la culture. des arts. Pline entre dans quelques détails à cet égard, auxquels je ne m'arrêterai point, pour paffer rapidement au temps de Jules-Céfar & fur tout au règne d'Auguste. C'est à cette époque qu'on peut dire que l'Architecture & la Sculpture ont paru avec quelque éclat chez les Romains. Les dépouilles de la Grèce, jufqu'alors vain ornement de leur capitale, commencèrent à devenir des objets d'imitation, leur nombre se multiplia, & les Artistes Grecs arrivèrent en foule à Rome.

Ceux qui ont lu l'histoire n'ignorent pas que chez les Romains leurs efclaves & leurs affranchis exerçoient feuls les arts. La vanité, l'oftentation, le fafte qui animoient toutes leurs démarches, leur faifoient employer à leurs édifices des milliers de peuples foumis à leurs loix. En général les Romains excellèrent

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