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manier le pinceau ou le ciseau ; à un génie élevé ils joignoient la connoiffance de l'Hiftoire, de la Fable, de la Géométrie, de la Perspective, de l'Anatomie, toutes sciences utiles à ceux qui profeffent les arts. En effet, qu'est-ce que la Peinture & la Sculpture ? finon une histoire vivante, deftinée à inftruire la postérité des circonftances du fujer qu'elles repréfentent. On diftingue avec beaucoup de raifon les fujets allégoriques ou fabuleux d'avec les hiftoriques. Un Artifte doit favoir que la licence des Poëtes convient aux premiers, mais qu'il faut bannir de la compofition des autres tout ce qui n'a pas une exacte conformité avec la vérité de l'action, eu égard aux temps, aux lieux ou aux perfonnes. S'il s'en rapporte aux ouvriers, bornés pour la plupart à la pratique de leur art, dans combien d'erreurs ne donnera-t-il pas? de combien de fautes fes ouvrages ne feront-ils pas Tome II.

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parfemés? Au lieu que s'il joint fes lumières & fes connoiffances personnelles aux avis des perfonnes intelligentes dans les Beaux-Arts, tout ce qui fortira de fes mains aura l'empreinte de l'homme de lettres, de favant. Sanmazar expliquoit la fable à MichelAnge, & Rubens lifoit les Poëtes & les bons Auteurs.

Le Sculpteur n'est pas moins obligé que le Poëte, de mettre fous les yeux de fon fpectateur des images capables de l'émouvoir. Il ne peut y réuffir que par le choix de traits frappans & animés d'une vive expreffion. Sans cela le plus beau marbré, la Sculpture le mieux travaillée ne feront pas plus d'impreffion qu'une verfification pompeufe qui ne frappe que l'oreille. C'est à quoi l'on diftingue le grand homme de l'homme médiocre. Le premier, toujours occupé de la partie poëtique de fon art, retiendra fon imagination ardente à mettre

dans fes ouvrages plus d'efprit que la nature du sujet në le comporte, d'où il arrive que les traits les plus connus de l'histoire ou de la fable deviennent méconnoiffables. Souvent pour représenter un sujet ufé d'une manière en quelque façon neuve, on fait prendre le change au fpectateur. Lyfippe reprocha autrefois à Apelle d'avoir peint Alexandre avec des fymboles qui ne lui conve→ noient point. Vous repréfentez ce héros, difoit Lyfippe, la foudre à la main (7), & moi je lui ai donné une lance, parce que c'est ce qui le caractérise.

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Combien donc le choix du fujet est-il important au Sculpteur ! J'ose dire qu'il l'est beaucoup plus qu'au Peintre. Privé du fecours des épifodès qui font au moins rares & en petit nombre, pour aider à l'intelligence &à l'intérêt du fujer, le Sculpteur ne peut s'exprimer oldo not bi

(7) Plutarq. de Ifide & Ofiride.

que par

l'action de fes figures qui leur donne le mouvement & la vie, & annonçant clairement fon fujet y jette de l'intérêt.

La Sculpture a l'avantage d'être l'interprète de tous les fiècles. Nous lisons qu'Alexandre faifoit porter dans fes voyages un buste d'Hercule, fait par Lyfippe, pour s'encourager par la vue d'un auffi parfait modèle. La reffemblance des héros s'est bien mieux confervée fur le marbre & fur l'airain que fur la toile. Tandis que les tableaux des Peintres de l'antiquité ne nous font guère connus que par les descriptions des Historiens, nous poffédons des statues & des buftes dont les auteurs vivoient fous Auguste & même sous Alexandre. C'est un des grands avantages que la Sculpture a fur la Peinture. De plus elle représente la nature même & rend fon objet visible de tous les côtés. Une de ses principales difficultés

vient de l'obfervation de la diverfité des vues, difficulté que n'a pas la Peinture qui jouit de l'avantage d'effacer & de corriger fes défauts. Les fautes de fa rivale, au contraire, font irréparables dans les grandes figures fur-tout, qu'il eft fort aifé de gâter, fi l'on ôte tant foit peu au-delà du nécessaire.

Trois parties font effentielles à l'imitation de la nature, favoir l'invention, le deffin & la couleur. La Sculpture est affranchie de la troisième, dont la difficulté eft telle que peu de Peintres l'ont poffédée. Par rapport à la première, il n'est pas douteux que l'invention, fi néceffaire à tous les arts en général, n'ait plus d'étendue dans la Peinture que dans la Sculpture, moins souvent occupée à des grouppes qu'un Peintre qui peint plus rarement une figure feule. La Poësie est aussi effentielle à l'un qu'à l'autre, elle élève celui qui la possède fort au-deffus de fes confrères. L'histoire

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