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de Niobé représentée en quinze figures liées ensemble par une feule action prouve l'ufage qu'un habile homme peut faire de la Poëfie. Telle est à Rome la fontaine de la place Navone. Le Bernin, pour exprimer l'inutilité des tentatives faites de tout temps pour trouver les fources du Nil, lui a couvert la tête d'un voile; idée que Lucain avoit rendue dans ces vers:

Arcanum natura caput non protulit ulli,

Nec licuit populis parvum te, Nile, videre.

Tel eft encore le bas relief où l'Algarde a représenté S. Léon, menaçant Attila de l'indignation de S. Pierre & de S. Paul, s'il a la hardieffe de faccager Rome. Cette compofition fublime rappelle l'idée du tableau de Raphaël, qui expose le même sujet, mais avec quelle différence!

A l'égard du deffin, comme c'est lui qui donne la forme aux chofes

représentées, on ne peut, fans lui, faire aucun usage des parties de la Peinture & de la Sculpture, au lieu que par le moyen du deflin feul il eft facile de se rendre intelligible; un feul trait de plume ou de crayon indique la chose qu'on veut exprimer. D'après ce principe, il est certain que la moitié des études d'un Peintre fuffit pour devenir Sculpteur. Le reffort de la Peinture est immense, puisqu'il embraffe tout ce qui est visible, & qu'au contraire celui de la Sculpture est borné. Du reste la perfpective & l'optique, excepté dans les bas-reliefs, lui font moins néceffaires, fa figure étant ronde par elle-même, au lieu que le Peintre est obligé de lui donner de la rondeur fur une superficie unie, de colorier les objets fuivant quils doivent l'être, de difpofer fes figures fur des plans différens, & de produire par la magie du clair-obfcur ces merveilleux effets, dont la nature avare a refufé

L'intelligence à de très-habiles

leurs.

gens d'ail

On pourroit conclure que la Sculpture est moins difficile que la Peinture, par le grand nombre d'élèves qui fe diftinguent en peu de temps dans le premier de ces arts, au lieu que dans le second un feul entre vingt s'élève à un degré éminent. La France fournit plus de Sculpteurs que de Peintres. La raifon en est bien fimple; la manière d'y étudier les arts; l'école Françoife s'eft toujours principalement attachée au deffin. Au reste, si la médiocrité est plus fréquente dans la Sculpture, parce qu'elle est moins compliquée & qu'elle exige moins de parties, toutes néanmoins difficiles à acquérir, il eft certain que pour les grands talens la difficulté est égale dans les deux arts. Ils demandent tous deux le même fentiment du beau & une imagination auffi fublime.

On a vu quelquefois la Peinture & la

Sculpture pratiquées par la même main: l'hiftoire des arts nous cite l'exemple de quatre (8) Sculpteurs célèbres qui ont manié le pinceau. Un même génie les anime, un même feu les allume, ainsi que les Peintres : ils ont également pour objet l'imitation de la nature, ils ne diffèrent que dans la marche. La Peinture, dont le point est fixe, emploie les ombres pour faire jouer fes lumières; dans la Sculpture ces ombres varient dans leur point, l'Artiste est obligé de les penfer quand il compofe, ou qu'il travaille d'après nature, c'eft ce qu'on appelle en Sculpture le dénouement, & dans la Peinture, effet. Peu accoutumé à cette harmonie plus étendue, le Sculpteur doit le plus fouvent en manquer lorfqu'il veut peindre.

Enfin la Peinture & la Sculpture font fœurs, leur nobleffe eft égale, & ce

(8) Michel-Ange, Bernin, Sarazin & Puget.

n'est que la prééminence de leurs productions qui peut faire préférer l'une à l'autre. Elles ont deux excès également à éviter, de ne prendre avis de perfonne & de s'arrêter aux diverfes idées de chacun. Quant au premier l'histoire nous apprend qu'Apelle & Praxitèle cachés derrière leurs tableaux ou leurs ftatues, écoutoient les difcours des connoiffeurs, & que d'après l'avis de ces juges de leurs travaux, ils les retouchoient & les finiffoient. Par rapport au fecond nous lifons que Polyclète faifoit deux ftatues du même sujet, l'une en fecret & l'autre d'après un modèle expofé dans fon attelier, qu'il retouchoit fuivant l'avis du public. Toutes deux achevées, la première fut admirée & la feconde méprifée.

Il n'y a que le bas-relief qui rapproche le Sculpteur du Peintre, & où le premier doive mettre en pratique les règles de la perfpective & de la dégradation.

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