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Les anciens n'avoient pas affez d'intelligence de l'harmonie & du clair-obscur. Leurs bas-reliefs, quoique recommandables par la correction du deffin, font pleins de féchereffe, leur champ est d'une même couleur.

Dans le temps qu'a été faite la colonne Trajane, on remarque ces défauts. Les figures y font prefque toutes fur la même ligne ; fi quelques-unes ont un plan différent, elles ne font ni moins grandes ni moins marquées que les autres. Ainfi nulle proportion, nulle dégradation. Les modernes plus inftruits placent sur le devant des figures prefque de ronde boffe: les traits de celles qui font derrière, font plus ou moins articulés, & le fond eft couvert d'objets fimplement deffinés. Le bas-relief qu'a fait Girardon à la fontaine de la pyramide à Versailles, est un beau modèle en ce genre. Non-feulement les figures paroiffent fortir de leur fond, mais éloignées les

unes des autres, on diroit qu'elles se perdent dans le lointain du paysage.

Ainfi ce n'est point un paradoxe d'avancer que les exemples des bas-reliefs anciens font peu propres à inftruire la jeuneffe. Il n'y a que les perfonnes avancées dans les arts qui puiffent en tirer quelque utilité pour la forme des vases, des inftrumens & des uftenfiles employés dans les cérémonies & les facrifices.

L'antiquité nous offre trois fortes de bas-reliefs; ceux de la colonne Trajane font prefque de relief; celui qu'on appelle communément les danfeufes, eft de demi-relief; le troifième, le plus agréable pour la forme, où font des figures qui portent des animaux destinés à être facrifiés à Jupiter, eft plus plat & plus uni.

Les bas-reliefs fervent à différens ufages. Ou ils font un acceffoire dans l'Architecture, comme dans les frifes,

les tables, les panneaux & les frontons; ou ils font le fujet principal, comme dans les arcs de triomphe : on peut encore les confidérer à l'égard de leur fituation & de la diftance de la vue. Les premiers doivent être fort doux, parce qu'il faut qu'ils foient fubordonnés à l'Architecture, & que les membres & les moulures foient dominans, pour conferver la beauté des ordres, mais quand ils font le fujet principal de l'ouvrage par la représentation d'actions mémorables, ils exigent plus de faillie, tout ce qui lès accompagne ne devant fervir que d'ornement, comme les bordures aux tableaux. A l'égard des bas-reliefs éloignés de la vue, on doit leur donner beaucoup de relief, les toucher artiste ment, & marquer les contours avec fermeté fur le fond, afin de les rendre plus visibles, en obfervant néanmoins de quelle façon les places des bas - reliefs recevront la lumière, & consultant les

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règles de l'optique pour ceux qu'on met dans les voûtes, qui doivent être vus d'une certaine distance.

Nous avons dit que les règles de l'optique & de la dégradation étoient peu connues des anciens. L'art de draper l'étoit-il davantage? Beaucoup d'ouvrages excellens font déparés par les draperies, quelques-uns en font fi chargés, qu'on peut leur appliquer ce qu'Ovide difoit d'une femme trop parée:

Pars minima eft ipfa puella sui.

Les anciens fingulièrement touchés de la beauté du nu, commençoient par mouiller les linges de leurs modèles, pour leur faire prendre les plis qu'ils avoient foigneufement arrangés. Ils fe servoient d'étoffes fi fines qu'elles se colloient aisément fur la peau, & ils les deffinoient enfuite. Accoutumés à ufer de vêtemens prefque tranfparens les draperies larges n'auroient pas réuffi

à leurs yeux, leur habillement étoit la règle de ces draperies ferrées.

Je demande s'il eft naturel qu'un morceau d'étoffe qui doit pendre, reste collé contre un bras ou une jambe. On y remarque auffi peu de variété dans la forme & dans les plis fuivant l'âge l'état, l'attitude & le sèxe. Les habits des hommes ordinairement plus groffiers ne doivent-ils pas avoir des plis affez forts & en petit nombre, tandis que ceux des femmes étant d'une étoffe plus légère badinent au vent, & que deurs plis font très-fins ? Malgré ces défauts, la manière de draper des Sculpteurs Grecs a fouvent de grandes beautés. Y a-t-il rien de plus élégant & de plus noble que la draperie de la Niobé antique ? Les ouvrages dûs à l'âge le plus éclairé de l'art, offrent une variété fingulière dans les plis de la robe & du manteau, conformes à ceux des vêtemens réels. Mais lorfque les Artistes

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