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vouloient laiffer voir les grâces & les mouvemens du nu comme dans les statues des filles de Niobé, ils facrifièrent tout à la beauté des chairs. Les vêtemens qui y font adhérens sont extrêmement légers & collés fur les éminences, tandis qu'ils ne forment des plis qu'aux cavités. Ainfi on peut affurer qu'étudié avec intelligence & difcernement, le pliffé des draperies grecques donnera d'utiles leçons. L'ordre & le choix qui ont préfidé à l'arrangement d'un grand nombre de petits plis les uns contre les autres, rendent estimables ces draperies mefquines, fortement appliquées aux figures, & fouvent dénuées de goût & de vérité. C'est ce qui s'aperçoit aisément dans la Cléopâtre, & dans quantité d'autres.

Les modernes ont furpaffé les anciens en cette partie. Leur faire, plus varié & moins froid, emploie heureusement les étoffes larges & jetées d'une grande

manière.

manière. La matière la moins fufceptible en apparence de devenir tranfparente, l'eft devenue fous leur cifeau, & le marbre de la même couleur fert à diftinguer les différentes étoffes.

C'est un grand art que celui de bien draper. On n'y réuffit qu'en jetant les draperies de façon qu'elles careffent le nu toujours foupçonné fans être aperçu; il faut que la figure fe deffine & que fes parties fe retrouvent. Nulle indécision, nul embarras. Leur intention eft de couvrir les membres, fur-tout ceux qui méritent le plus de l'être, elles font destinées à empêcher que la ftatue ne paroiffe nue & dépouillée. L'Artiste éclairé évitera les plis femblables à des veffies enflées par le vent, & des draperies voltigeantes, à moins qu'il ne traite des sujets où elles doivent nécesfairement être agitées. S'il arrange leurs plis avec élégance, ce ne fera que dans les vêtemens qui prennent leur forme Tome II.

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de celle des parties du corps. Enfin il ne perdra point de vue qu'il eft avantageux d'indiquer la naissance des plis des draperies, comme d'en faire un beau choix, & de les jeter d'une manière large avec nobleffe & légèreté. Paul Véronèse & le Pouffin, parmi les Peintres, ont excellé dans ce genre, & parmi les Sculpteurs, l'Algarde, le Gros, le Pautre & Couftou l'aîné.

Un Poëte moderne (11) a renfermé dans ces vers les règles de l'art de draper.

Sint faciles pannis flexus, fit grande volumen,
Sublimes amplique finus, vaga lintea, parvi
Anfractus: ut flamma, volent, ut lympha dehifcant
Molliter, ut ferpens finuofo tramite currant,

Ac teretes palpent tactu leviore figuras,

Nous poffédons ce qu'a produit de

(11) L'Abbé de Marfy, defcendant des fameux Sculpteurs du même nom, dont on trouvera la vie dans cet Ouvrage. Il eft auteur d'un Poëme latin fur la Peinture.

plus beau l'antiquité dans les arts, dont l'objet eft de plaire par l'imitation de la nature. Son étude marche de pair avec celle des ouvrages des anciens, & ce n'eft que par l'examen réfléchi des belles ftatues, qu'on apprend à la connoître dans ce qu'elle a de plus élégant & de plus parfait. La vue de ces chefsd'œuvres échauffe l'imagination & l'élève à l'idée des grâces & de la nobleffe. Le confeil qu'Horace donnoit aux Pifans de feuilleter jour & nuit les modèles que les Grecs nous ont laiffés, convient parfaitement aux Sculpteurs. C'est en étudiant la faine antiquité que nos meilleurs Ecrivains ont compofé les ouvrages qui pafferont à la postérité. On l'a dit, & on ne fauroit trop le répéter, que les productions des anciens font des fources inépuisables où font renfermées toutes les fineffes de l'art. L'homme intelligent doit choifir les beautés pour fe les rendre propres, également en garde contre

la fingularité bizare & l'imitation fervile. Aveccejufte difcernement Cicéron a imité Eschine & Démosthène, & Virgile a fuivi les traces d'Homère.

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