Et pour me faire voit la nuit marche devant; Mais à quel defefpoir ne fuis-je point réduit › Avec fes traits ardens Apollon me pourfuit, Alors que je me cache à l'ombre de Diane. J'ay recours vainement à mes charmes divers, Devant un fi grand Dieu je fuis comme un profane, Et je me vais fauver dans un autre Univers. J XLI. 'Ar d'un fameux Empire obtenu la Couronne Par ma vive blancheur, par ma rare beauté D'un Peuple floriffant à mes pieds arrêté, Soit le jour, foit la nuit, la pompe m'environne. Je paffe en pureté la fille de Latone, Mon haleine au parfum eft égale en bonté ; Et je dois à Junon, qui m'a feule enfanté, La blancheur de non teint dont l'éclat vous étonne. Une Reine qui vient du beau-fang de Cypris, Et dont la pourpre & l'or gagnent partout le prix, Se lie avecque moi d'une étroite alliance. De vos auguftes Rois les peres m'ont élu, Je les fais reconnoître, & qui ne m'a point vu, N'a jamais vu le Dieu qui préfide à la France. B Q Je porte XLII Ur pourroit en beauté contre moi disputer Précipiter ensemble & les eaux & les flâmes, Les divers mouvemens dont je fuis agitée, Empêchent que fur moi l'on fonde aucun deffein, Et je change de forme autant que fait Prothée: POUR XLIII. OUR rendre un lieu fecret on m'en ouvre l'entrée, Tout le monde me voit, & je n'ay point de corps, Et du fond de l'abyme où defcendent les morts, Je m'éleve fouvent à la voûte azurée. Comme il plaît au Soleil, je change de contrée; Tandis qu'à me chaffer tendent tous fes efforts, Des lieux où je régnois il me jette dehors, Et ne me laisse point de retraite affurée. De ce Roi des faifons l'incomparable fœur, Dans fon plus grand éclat redoute ma noirceur, Qui donne à fes beautez une atteinte mortelle. J'embraffe l'Univers de l'un à l'autre bout, Jaime tant les humains que je les fuis partout, Mon fort veut que leurs yeux ne me trouvent point belle. XLIV. E fais ouir harmonie JE Dont les différentes douceurs Auffi divine qu'Uranie Je plais aux Dieux mes Poffeffeurs, Un efprit anime mon corps, Je fais toute feule un concert, XLV. 'UN frere & d'une fœur je raconte l'histoire? DTelle que la nature & le tems le font voir L'un ne fçauroit fouffrir de l'autre le pouvoir, Encore que l'un foit blond, & que l'autre foit noire, Leur naiffance eft illuftre, ils font enfans des L'une comme un Argus eft toute pleine d'yeux, Des céleftes Jumeaux ils imitent le fort, XLVI. MON' corps eft fans couleur comme celui des eaux, Je change à tout moment fans perdre ma figure; Je fais plus d'un feul trait que toute la Peinture, Et puis mieux qu'un Apelle animer mes tableaux. Je donne des confeils aux efprits les plus beaux, Et ne leur montre rien que la vérité pure; J'enfeigne fans parler pendant que le jour dure, Et la nuit on me vient confulter aux flambeaux. Parmi les curieux j'établis mon empire, Je repréfente aux Rois ce qu'on n'ofe leur dire, Et je ne puis flatter ni mentir à la Cour. Comme un autre Pâris je juge les Déeffes, Qui m'offrent leurs beautez, leurs graces, leurs richeffes; Et je leur entretiens les charmes de l'amour. J XLVII. E fais fuivre partout mes inconftantes loix, Au Roi des Animaux, à la bête, à la plante; Et c'eft pendant la nuit que je fuis triomphante, Je vois deffous mes pieds les Peuples & les Rois. Des Cieux & des Enfers je puis faire le choix, Je ne repofe point, tant je fuis vigilante ; Et l'on me reconnoît à ma trace brillante, Soit au milieu des eaux, foit au milieu des bois. L'Amour dont le pouvoir eft égal à l'audace De mes froides beautez n'échauffe point la glace, Sans paffer en mon cœur il s'arrête à mes yeux. Dans un Palais d'azur je porte un Diadême Tiffu des belles mains de la nature même, Il ne peut s'ébranler qu'à la chûte des Cieux. E puis donner aux eaux un frein de diamant, J'échauffe les Tritons, & les couvre d'écume; Comme un efprit de feu ma colere s'alume, Et remplit de frayeur l'un & l'autre élement. J'ébranle des mortels l'éternel fondement, Lorfque je prens un corps de fouffre & de bitu me; Mon fouffle est un venin dont l'ardeur me con fume, Et qui ternit l'éclat des feux du firmament. Souvent à mon abord tout le Ciel fond en larmes, Et les traits d'Apollon fon moins forts que ines armes, Quand la fureur de l'Ourse à la mienne se joint. Je fuis un grand Tyran auffi vieux que le monde, Dans le régne inconftant où mon trône se fonde; L'on me connoît partout, & l'on ne me voit point |