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SCÈNE VI

PIERROT, ÉSOPE.

PIERROT.

TESTIDIE! je vois bien que vous êtes mon homme.
Vous seriez un menteur, si vous disiez que non :
Malgré vous, votre bosse enseigne votre nom.

Serviteur,

ÉSOPE.

Avez-vous quelque chose à me dire ?

PIERROT:

Je ne saurois vous voir et m'empêcher de rire.
Je n'ai vu de ma vie un plus drôle de corps.
Ce que j'ai sur le cœur, je le boute dehors.
Au reste, bon vivant, tout aussi-bien qu'un autre.

ÉSOPE.

Venons au fait. Mon temps m'est plus cher que le vôtre. Voulez-vous quelque chose?

PIERROT.

Eh! mordié! l'on sait bien

Qu'on ne voit pas les gens quand on ne leur veut rien : Voici ce que je veux; écoutez bien.

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J'ai, comme vous voyez, un peu d'esprit ?

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D'un village ici près je suis le fin premier :

J'ai bon vin dans ma cave, et bled dans mon grenier

J'ai des bêtes à corne, et des troupeaux à laine,
Et ma cour de volaille est toujours toute pleine;
Mais, tenez, franchement, j'en dis du mirlirot.
Testidié! je suis las d'être appelé Pierrot.

J'ai dans un sac de cuir, raisonnablement large,
Plus d'argent qu'il n'en faut pour avoir une charge.
Enfin, bref je veux être apprentif courtisan.
J'ai mon cousin germain, comme moi paysan,
Qui sortit de chez lui le bissac sur l'épaule,
Des sabots dans ses pieds, dans sa main une gaule,
Et qui, par la mordié! fait si bien et si beau,
Qu'il est auprès du roi comme un poisson dans l'eau.
Il n'est pour bien nager que les grandes rivières.

Je ferai notre femme une des chambrières

De la reine.... et puis crac. Et, mordié! que sait on?
Vous qui du roi Crésus êtes le factoton,

Je vous prie, en payant, de me rendre un service,
Car chez vous autres grands, point d'argent, point de Suisse,
Choisissez-moi vous-même une charge.

ÉSOPE.

A vous ?

PIERROT.

Qui.

A votre aise demain, si ce n'est aujourd'hui.
Prenez-en une.... là........ qui soit bien mon affaire,
Qui rapporte beaucoup, et qui ne coûte guère.

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Qu'importe ? connétable, ou bien valet-de-pied.

Théâtre. Com. en vers. 3.

I 2

Vingt francs plus, vingt francs moins, que rien ne vous emp

Je ne sais ce que c'est que de faire le blêche.
Qui dira le contraire en a, mordié! menti;
Et voilà, palsandié! comme je suis bâti.
ÉSOPE.

Eh! monsieur le manant, apprenez-moi, de grâce,
Puisque vous êtes bien, pourquoi changer de place.
Pourquoi vous transplanter et sortir de ces lieux ?

PIERROT.

Pardié! si je suis bien, c'est pour être encor mieux.
ÉSOPE.

Fort bien; c'est raisonner, et j'aime qu'on raisonne;
Voyons si dans le fond votre raison est bonne.
Vous dites que chez vous rien ne vous manque?

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Vous mangez sans nulle défiance,

Sans d'aucun héritier craindre l'impatience?

Oui, pardié!

PIERROT.

ÉS OPE.

Non.

Vous dormez, sans trouble et sans effroi,

Tant qu'il vous plaît?

PIERROT.

Mordié! je dors comme je boi,

Tout mon sofil!

ÉSOPE.

Vous avez quelques amis sincères ?

PIERROT.

Je le sommes tretous, je vivons comme frères :
Quand l'un peut servir l'autre, il n'y manque jamais;
Et si j'avons du bien, je le mangeons en paix.
Les fêtes, sous l'ormeau j'allons jouer aux quilles,
Ou bien j'allons sur l'herbe avec les jeunes filles ;-
Et je batifolons tant que dure le jour.

É SO PE.

Et tu veux acheter une charge à la cour?
Où peux-tu rencontrer une plus douce vie?

Tu manges, bois et dors quand il t'en prend envie;
Et je sais force gens de grande qualité,

Qui n'ont pas à la cour la même liberté.
Il n'est point là d'amis dont on ne se défie :
On n'y boit point de vin que l'on ne falsifie;
Quelque pressant besoin qu'on ait d'être repu,
On n'y sauroit manger sans être interrompu,
Et quand de lassitude en soi-même on sommeille,
Quelque peine qu'on souffre, il faut souvent qu'on veille.
Préfère ton repos à tout cet embarras,

Et sois sage,

Écoute.

du moins, comme un de ces deux rats.

LES DEUX RATS,

FABLE.

Un rat de cour, ou, si tu veux, de ville, Voulant profiter du beau temps, S'échappa du cellier qui lui servoit d'asile, Et fut se promener aux champs.

Comme il respire l'air dans un sombre bocage,

Il rencontre un rat de village:

D'abord bras dessus, bras dessous,

Après s'être bien dit «< Serviteur... Moi, le vôtre. » Le rat campagnard pria l'autre

D'aller se rafraîchir dans quelqu'un de ses trous.
Lá, le villageois le régale

De raisins, de pommes, de noix;
Mais, quoi que son zèle étale,
Rien ne touche le bourgeois;
Et pour un rat d'un tel poids
Cette vie est trop frugale.

« Venez-vous en, dit-il, me voir à votre tour;
« Je veux avoir ma revanche,

<< Et vous régaler dimanche ;

« Je loge en tel endroit, proche un tel carrefour.»
Le sobre rat des champs, qui du bout d'une rave
Dînoit assez souvent, et ne dînoit pas mal,
Trouve l'autre dans la cave
D'un gros fermier général.

Huile, beurre, jambon, petit salé, fromage,
Tout y regorge de bien;

Et ce qui pour le maître est un grand avantage,
Cela ne coûte guère, ou, pour mieux dire, rien.
Nos deux rats étant à même,

Avoient de quoi se soûler:

Mais un chat, par malheur, s'étant mis à miauler, Ils se crurent tous deux dans un danger extrême. Le péril étant passé,

Ils revinrent à leur proie;

Mais leur repas à peine étoit recommencé

Qu'on revient troubler leur joie:
Tantôt c'est un sommelier

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