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Un louis pèse plus que ce quadruple-là.

Cécile avoit sa vue en te jetant cela.

Avec autant d'esprit que j'en trouve à Cécile,
Un objet si charmant ne fait rien d'inutile;

Et puisque son désir est de me rendre heureux...
Ah! Merlin, je me trompe, ou ce quadruple est creux.
Je ne me trompe point, il est creux, oui, sans doute
Et je crois qu'il enferme un billet. Tiens, écoute.

MERLIN.

Oui, j'entends remuer quelque chose.

:

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Son esprit me ravit, sa beauté me désarme.
Le ciel en la formant épuisa ses trésors;
Elle a l'âme, Merlin, belle comme le corps :
Plus on la considère, et plus on y découvre...

MERLIN.

Voyez, sans perdre'temps, comment sa pièce s'ouvre.
La chose est curieuse à savoir.

ORONTE.

C'est par là,

Justement, j'aperçois son billet, le voilà.

( Il lit. )

« J'arrivai hier au soir à Paris avec mon père, qui est «< plus entêté que jamais de l'auteur du Mercure galant. « Il ne trouve point de mérite égal au sien. Si vous avez

:

« fait ce que je vous ai mandé par ma dernière lettre,
<< nos affaires sont dans le meilleur état du monde. >>

Jusqu'ici pour mes feux tout est de bon augure :
Je suis cousin germain de l'auteur du Mercure;
Et pour contribuer au succès de mes feux
Il en use sans doute en parent généreux.
Quel zèle plus ardent peut-on faire paroître ?
De son logis entier il me laisse le maître :
Déja depuis trois jours, sans avoir son talent,
Je passe pour l'auteur du Mercure galant;
Et selon l'apparence il me será facile
De plaire sous ce nom au père de Cécile.
Jamais rien à mon sens ne fut mieux inventé.

MERLIN.

Oui pour vous: mais pour moi j'en suis fort dégoûté,

La raison ?

ORONTE.

MERLIN.

Croyez-vous ma cervelle assez bonne

Pour résister long-temps à l'emploi qu'on me donne ?
Tant que dure le jour, j'ai la plume à la main;
Je sers de secrétaire à tout le genre humain.
Fable, histoire, aventure, énigme, idylle, églogue,
Epigramme, sonnet, madrigal, dialogue,

Noces, concerts, cadeaux, fêtes, bals, enjouements,
Soupirs, larmes, clameurs, trépas, enterrements,
Enfin quoi que ce soit que l'on nomme nouvelle,
Vous m'en faites garder un mémoire fidèle.
Je me tue, en un mot, puisque vous le voulez.

ORONTE.

Crois-moi, cinq ou six jours sont bientôt écoulés.

Tu sais que Licidas, pour me rendre service,
Me fait de sa fortune un entier sacrifice:
A son propre intérêt il préfère le mien;
Et je serois ingrat de négliger le sien.
Je te l'ai déja dit, une de mes surprises
C'est de voir tant de gens dire tant de sottises :
Licidas est le seul, délicat comme il est,

Qui puisse avec tant d'art démêler ce qui plaît.
Depuis deux ou trois jours que je le représente,
Je ne vois que des fous d'espèce différente :

L'un qui veut qu'on l'imprime, et n'a point d'autre but,
Croit que hors du Mercure il n'est point de salut;
L'autre dans la musique ayant quelque science
Croit de celle du roi mériter l'intendance;
Celui-ci d'une énigme ayant trouvé le mot

Se croit un grand génie, et souvent n'est qu'un sot;
Cet autre d'un sonnet ayant donné les rimes
Croit tenir un haut rang chez les esprits sublimes;
Enfin, pour être fou, j'entends fou confirmé,
A l'envi l'un de l'autre on veut être imprimé.
As-tu chez le libraire appris quelques nouvelles?

MERLIN.

Oui, monsieur.

ORONTE.

Et de qui?

MERLIN.

D'un commis des gabelles,

Qui n'ayant pas trouvé ses profits assez grands
A fait un petit vol de deux cent mille francs.
Qui pourroit de sa route avoir un sûr mémoire
Auroit, pour droit d'avis, mille louis pour boire
Voyez.

(Il donne un papier à Oronte.)

OR ON TE.

Mille louis? C'est un homme perdu.

MERLIN

Plût à Dieu les avoir, et qu'il fût bien pendu!

Cela, qu'est-ce ?

ORONTE.

MERLIN.

Un portrait d'une jeune duchesse

Qui se fait distinguer par sa délicatesse.

Un pli qui par hasard est resté dans ses draps

Lui semble un guet-apens pour lui meurtrir les bras :
Il n'est point de repas qui pour elle ait des charmes,
Si l'on met de travers l'écusson de ses armes :

Qui lui porte un bouillon trop doux où trop salé
D'auprès de sa personne est sûr d'être exilé :
Et même elle refuse, étant fort enrhumée,
De prendre un lavement lorsqu'il ́sent la fumée.
Mais, chut! Un gentilhomme entre ici.

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Le Mercure est une bonne chose!

On y trouve de tout, fable, histoire, vers, prose,

Théâtre. Com, en vers. 3.

2

Sièges, combats, procès, mort, mariage, amour,
Nouvelles de province, et nouvelles de cour.
Jamais livre à mon gré ne fut plus nécessaire.

ORONTE.

Je suis ravi, monsieur, qu'il ait l'heur de vous plaire. Je ne le cèle point, j'ai toujours souhaité

Les applaudissements des gens de qualité.

Je ne puis exprimer les plaisirs que je goûte....

M. MICHAUT.

Vous trouvez donc, monsieur, que j'ai l'air grand?

ORONTE.

Sans doute

Vous êtes fort bien fait, on ne peut l'être mieux.

M. MICHAUT.

Pourriez-vous, en payant, me faire des aïeux ?

Des aïeux ?

O'RONTE.

M. MICHAUT.

Ecoutez, je parle avec franchise.

J'aime depuis six mois une jeune marquise,
Belle, bien faite, noble; et grâces à mes soins
Si j'ai beaucoup d'amour, elle n'en a pas moins.
Ses parents, dont le moindre est baron ou vicomte,
Délicats sur l'honneur, sensibles à la honte,
Consultés tous ensemble ont approuvé mes feux,
Pourvu que mes parents soient aussi nobles qu'eux ;
Et je viens vous trouver pour anoblir ma race.

ORONTE.

Moi, monsieur? Et comment voulez-vous que je fasse? A moins d'avoir un titre et solide et constant

Puis-je....

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