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Qu'est-ce qu'a fait la vôtre en fuyant la vertu,
Que suivre le chemin que vous aviez battu?
Si vous l'eussiez guidée en une bonne voie,
Elle vous y suivroit avec bien plus de joie.
Aussi, loin de vous plaindre et de vous appuyer,
C'est vous que de son crime on devroit châtier :
On ne sauroit causer de douleurs assez amples
A qui perd ses enfants par de mauvais exemples.

AMINTE.

Et qui prend dans son sort plus d'intérêt que moi ?
Le danger qu'elle court me cause tant d'effroi
Que je souhaiterois, avec un zèle extrême,
Au péril de mes jours l'en retirer moi-même.
La friponne! à son âge en savoir déja tant!

ÉSOPE.

Quand on est fils de maître, on est bientôt savant.
Pouvez-vous, dites-moi, la blâmer d'aucun vice,
Sans avoir plus de tort que n'en eut l'écrevisse ?

AMINTE.

J'ai pu la marier, et ne l'ai pas voulu.

ÉSOPE.

Vous eussiez bien mieux fait; elle eût bien mieux valu:
Ses désirs satisfaits n'auroient eu rien à faire.

AMINTE.

Mais vous ne songez pas que je serois grand'mère.
Je ne le cèle point, je mourrois de dépit

Si quelqu'un m'appeloit de ce nom décrépit.
Grand'mère! moi, bons dieux! que personne n'accuse
D'avoir sur le visage aucun appas qui s'use!

Moi qui, grâces au ciel, ait le teint aussi frais,
Aussi beau....

Théâtre. Com. en vers. 3.

R

9

est malicieux comme un petit dragon;

Il ne me laisse rien de ce que j'ai de bon.
Le miroir qu'il a pris, dont la glace est si belle,

Est à moi seule.

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Vous me pardonnerez, vous-même, s'il vous plaît. Dès quand j'étois enfant, ma sœur me le conserve; Et c'est elle aujourd'hui qui veut que je m'en serve.

AGATHON.

Elle m'a dit à moi, pendant notre dîné,

Que c'étoit à nous deux qu'elle l'avoit donné:
Je m'y veux mirer.

CLÉONICE.

Vous? vraiment je vous admire! Il n'est rien de si beau qu'un garçon qui se mire.

Fi!

AGATHON.

Pourquoi fi?

CLÉONICE.

Pourquoi? Fi! vous dis-je.

AGATHON.

On dit que mon visage est assez ragoûtant.
Si je vous ressemblois, et que je me mirasse,
Quand je me serois vu, je casserois la glace.

Pourtant

1

CLÉONICE.

Vous croyez donc, mon frère, avoir beaucoup d'appas?

AGATHON.

Et pourquoi, s'il est vrai, ne le croirai-je pas ?
CLÉONICE.

S'il pouvoit vous venir la petite vérole!

Tenez, ma grande sœur me garde une pistole
Pour avoir du ruban plus beau que celui-là,
Et je la donnerois volontiers pour cela.

Plus vous deviendriez laid, plus je serois joyeuse.

AGATHON.

Vous qui ne craignez rien, vous êtes bien heureuse.
CLÉONICE, à Ésope.
Ne vous ai-je pas dit que c'étoit un dragon ?
Si je ne suis pas belle, est-ce ma faute?

É SÓPE.

Non.

Je vous trouve tous deux un charmant petit couple ;
Mais il faut l'un pour l'autre avoir l'esprit plus souple.
Aimez bien votre frère.... Et vous, bien votre sœur,
Me le promettez-vous, mes enfants?

AGATHON ET CLÉONICE, ensemble.
Oui, Monsieur.

ÉSOPE.

Écoutez bien tous deux ce que je vais vous dire.
Il faut que fort souvent ce beau garçon se mire;
Mais plus dans le miroir il se verra d'appas,
Plus il doit prendre garde à ne les salir pas ;
Des dieux qui l'on fait naître il gâteroit l'image.

Il faut, quand on est beau, qu'on soit encor plus sage. (A Agathon.)

Entendez-vous, mon fils?

Je vous rends grâce.

AGATHON.

Oui, monsieur, j'entends bien

ESOPE, à Cléonice,

Et vous (car je ne cèle rien),

Vous pour qui la nature a paru plus cruelle,

Mirez-vous, mais pour voir que vous n'êtes pas belle.
Si vous manquez d'attraits pour plaire et pour charmer,
Amassez des vertus qui vous fassent aimer;

Et par une conduite exempte de murmure 2.
Réparez la rigueur dont usa la nature.
Beaucoup de modestie et beaucoup de bonté
Ont des charmes plus grands que n'en a la beauté.
Souvenez-vous-en bien, ma petite mignonne.

CLÉONICE.

Oui, monsieur. Grâce au ciel, j'ai la mémoire bonne.
UNE VOIX, de derrière le théâtre.

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Nous craignons, vous et moi, quelque chose de pire.

ÉSOPE.

Pour vous sauver de tout, je vais vous reconduire;

Et si la gouvernante ose nous raisonner,

Vous verrez de quel air je m'en vais la mener.

FIN DU TROISIÈME ACTE.

SCÈNE I.

AGENOR, DORIS.

DORIS.

N'ALLEZ pas sottement, pardonnez-moi ce terme,

(Mais dans votre dessein je vous trouve si ferme,
J'appréhende si fort quelque coup de travers
Que je ne prends pas garde aux mots dont je me sers)
N'allez pas exciter la douleur d'Euphrosine.

AGÉNOR.

Quoi! son père me perd, Esope m'assassine,
A me percer le cœur je les vois disposés,
Et pendant ce temps-là j'aurai les bras croisés ?
Je veux bien me contraindre à l'égard de son père,
Conserver du respect jusque dans ma colère,
Et sans être emporté, ni paroître brutal,
Montrer qu'il me préfère un indigne rival';

Mais pour Ésope, non. Quoi que j'en puisse craindre,
Je ne lui promets pas de pouvoir me contraïudre.
Je prétends lui parler; et s'il en est besoin,
Alier jusqu'à l'insulte, et peut-être plus loin.
Mon ardeur outragée est ce que je consulte.

DORIS.

Et que peut-on lui faire au-delà de l'insulte?
Fût-il, plus qu'il ne l'est, votre ennemi mortel,
Je vous crois trop bon sens pour lui faire un appel.

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