ÉSOPE. Jamais ne vous querellez-vous? COLINETTE. Non, monsieur, dieu marci, Pierrot est assez doux. Et vous nourrissez donc ce petit orphelin? Oui, monsieur. COLINETTE. ÉSOPE. Vos enfants l'aiment-ils ? COLINETTE. Pour les nôtres, Ils sont devenus morts; mais j'en referons d'autres : Pierrot est jeune. (A Pierrot.) ÉSOPE. Eh bien! à quoi yous suis-je bon? Qui te fait revenir? est-ce ta charge? PIERROT. Oh! non. Si je venons vous voir, c'est pour ce petit drille, (4 Colinette.) Tu sais cela par coeur, jase un peu, Colinette: Dis ce que c'est. COLINETTE. Monsieur, l'orphelin qui me tette Un bichon contre un dogue a peine à se défendre. Il me disit des mots qui me firent rougir; Et comme je suis douce, et qu'il a bonne gueule.... (A Pierrot.) Tiens, Pierrot, de mes jours, je n'y vas toute seule. Un loup dans un troupiau n'est pas plus mal-faisant. PIERROT. Rien n'est, mordié! pour lui, trop chaud, ni trop pesant. Tous les jours de sa poche il tire un droit nouviau: COLINETTE. Les fossés du châtiau sont tout pleins de grenouilles, Dites-moi. ÉSOPE. De tout temps le foible eut toujours tort. Le plus cruel des droits est le droit du plus fort. Il faut que le plus foible ait dans son infortune, Pour fléchir le plus fort, trente raisons contre une; Encore, assez souvent, celles qu'il peut avoir, Servent-elles de peu, comme vous allez voir. LE LOUP ET L'AGNEAU. FABLE. Un loup se trouvant à boire Pour lui vouloir faire accroire Qu'il avoit troublé son eau : « Qui te rend si téméraire ? » Lui dit ce traître, en courroux. L'agneau, qui justement craint sa dent sanguinaire, « Où tu te déclaras mon mortel ennemi : << Depuis six mois entiers j'en cherche la vengeance. » « Je n'ai, répond l'agneau, que deux mois et demi : << Comment pouvois-je alors vous faire quelque offense?»> « Ta mère, qui me hait, et qui ne sait pourquoi, << Hier, par deux mâtins, me fit long-temps poursuivre.» << Ma mère cessa de vivre, << Quand elle accoucha de moi, » « Du boucher inhumain a senti la fureur. >>> « C'est donc ta sœur, ou ton frère. » « Je n'ai ni frère, ni sœur. »> << Oh bien ! qui que ce soit, il faut que je me venge : Force grands font de même à l'égard des petits; COLINETTE, à Pierrot. Piarrot, le joli petit conte! PIERROT. Eh! fi! mordié! le loup devroit mourir de honte : L'agneau buvoit à part, et ne lui disoit mot. ÉSOPE. a pauvre Colinette, et mon pauvre Pierrot, oilà comme, peu près, par le commun usage, înt envers leurs vassaux les seigneurs de village. uand d'un bois ou d'un champ il leur plaît un morceau, es agneaux malheureux troublent toujours leur eau; t pour peu qu'on résiste aux raisons qu'ils se forgent,' ion contents de les tondre, on voit qu'ils les égorgent. I sera bientôt nuit, et vous êtes de loin; dieu. De cet enfant ayez beaucoup de soin. e ne partirai point sans lui rendre justice. PIERROT. Ecoutez, je savons comme on paie un sarvice : i vous en usez bien, à biau jeu biau retour. COLINETTE. Fallez point nous bailler d'eau bénite de cour. É SOPE. Allez, je suis sincère, et le suis en tout lieu. PIERROT. Adieu; je vous quittons: voici du monde. Mordié! plus je le vois, moins je devine comme Théâtre. Com. en vers. 3. 17 |