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Avec civilité m'en a donné l'adresse ;

Et par le zèle ardent que j'ai pour ma maîtresse,
A vous trouver chez vous n'ayant pas réussi,
Je me suis hasardé à venir jusqu'ici.

Avant qu'à vous y voir elle-même s'expose,
Apprenez-moi, monsieur, comment va toute chose.

ORONTE.

Tout va comme Cécile à peu près l'a voulu.
De ce logis entiér je suis maître absolu.
La plus tendre amitié qu'inspire la nature,
M'unit étroitement à l'auteur du Mercure.
Nous portons même nom, avons mêmes aïeux,
Et son père et le mien étoient frères.

LISETTE.

Tant mieux.

Pour faire le contrat qui vous est nécessaire,
A point nommé, monsieur, il falloit un faussaire,
Un notaire fripon, prêt à prévariquer :

Je sais bien qu'à Paris vous n'en pouviez manquer ;
En payant largement, sans autre inquiétude,
On rencontre son fait en bien plus d'une étude.
Mais du gendre qu'on cherche ayant le même nom,
De votre tricherie on n'aura nul soupçon.

Ce qui peut mettre obstacle au bien qu'on vous destine,
C'est que pour un auteur vous avez bonne mine :
Cette grande perruque, et ce linge et ce point,
Avec le nom d'auteur ne sympathisent point..
J'en vois par-ci, par-là ; mais ils ont tous l'air mince
Et sous cet équipage on vous croiroit un prince.
Par là votre dessein peut être divulgué.

Songez...

Théâtre. Com. en vers. 3.

3

ORONTE.

Je représente un auteur distingué,

A qui, de compte fait, le débit de ses livres
Rapporte tous les ans plus de dix mille livres.

LISETTE.

Vous ne me dites pas que je m'arrête trop.
Pour regagner le temps, je m'en vais au galop.
Encore une parole et puis adieu. Cécile,
Comme je vous ai dit, n'a pas l'esprit tranquille;
Et pour chagrin nouveau, ce matin d'un billet
Ayant incognito chargé votre valet,

Elle a craint qu'en chemin il ne prêtât l'oreille
A qui le convieroit d'aller boire bouteille,

Et qu'après le

repas il ne fût assez sot

Pour offrir un quadruple à payer son écot.

Celui qu'il croit avoir, et dont l'appât le touche, Quoique marqué de même, est une boîte à mouche: Elle enferme un billet, à l'aide d'un ressort.

MERLIN.

Monsieur, qui l'a reçu, m'en a payé le port.
Tu peux lui demander si je ments.

ORONTE.

Non, sans doute :

Mais je l'ai mal payé, quelque prix qu'il m'en coûte. De la part de Cécile un billet m'est si doux...

LISETTE.

Il suffit que le sien soit venu jusqu'à vous.
Dans le cœur inquiet de ma jeune maîtresse
Je vais diligemment rapporter l'allégresse;
En dissiper la crainte, y remettre l'espoir,
Et flatter son amour du plaisir de vous voir.

Du feu dont vous brûlez rendez-vous bien le maître :
Gardez qu'il ne paroisse en la voyant paroître :
Monsieur de Boisluisant, le beau-père futur,
A toujours l'œil au guet, et n'a pas l'esprit dur.
Profitez de l'avis que mon zèle vous donne.
Adieu, monsieur. Adieu, monsieur Merlin.

MERLIN..

Friponne,

Tu m'as fait un affront dont il te souviendra.

LISETTE.

A la première vue on le réparera :

Prends courage.

SCÈNE III.

ORONTE, MERLIN.

ORONTE.

Tu vois comme elle agit de tête.

Ne la trouves-tu pas jolie, aimable, honnête ?

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Et de qui le patron est bâti comme vous,

A de justes raisons de paroître jaloux.

Je connois plus d'un sot que je ne veux point suivre.

SCÈNE IV.

LONGUEMAIN, ORONTE, MERLIN.

LONGUEMAIN.

N'EST-CE pas vous, monsieur, qui faites ce beau livre
Qui n'est pas plutôt vieux qu'il redevient nouveau ?
Le Mercure?

ORONTE.

Je n'ose avouer qu'il soit beau,

Mais tel qu'il est, monsieur, oui, c'est moi.

LONGUEMAIN.

Je vous jure

Que par toute la France on chérit le Mercure.
A Tours, il faut savoir quelle estime on en fait.

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LONGUEMAIN.

Avant que je me nomme,

Je crois en vous, monsieur, trouver un honnête homme.

ORONTE.

Si vous m'estimez tel, quoi que vous me disiez,
Vous ne trouverez point que vous vous abusiez.
Croyez-en ma parole, et n'ayez aucun doute.

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LONGUEMAIN.

Êtes-vous assuré que personne n'écoute?

ORONTE.

Parlezi sans vous contraindre, et n'appréhendez rien.

LONGUEMAIN.

Pour vivre en honnête homme il faut avoir du bien.
La vertu toute nue autrefois étoit belle,

Mais le vice à son aise est aujourd'hui plus qu'elle :
Et de quelques talents dont on soit revêtu,
On ne fait point fortune avec trop de vertu.
Cela posé, j'ai cru pouvoir tout me permettre
Dans les divers états où l'on m'a voulu mettre.
Dès mes plus jeunes ans, dans mes plus bas emplois,
J'ai toujours eu le soin d'étendre un peu mes droits.
Cette inclination augmentant avec l'âge
Dans des postes meilleurs je prenois davantage;
Mais tous ces petits gains, par leurs foibles appas,
En flattant mes désirs ne les remplissoient pas.
Si bien que tout d'un coup, l'occurrence étant belle,
De deux cent mille francs j'ai fraudé la gabelle:
Et vous m'obligeriez, après ce beau coup-là,
De donner dans le monde un bon tour à cela.
Quand on a, comme vous, une plume si bonne....

ORONTE.

Et quel diable de tour voulez-vous que j'y donne?
Après un vol si grand....

LONGUEMAIN.

Comment vol! parlez mieux,

Et ne vous servez point de ce terme odieux.

Tant pour vous que pour moi mettez vous dans la tête,

Que frauder la gabelle est un mot plus honnête.

C'est me déshonorer qu'employer de tels mots.

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