Imágenes de páginas
PDF
EPUB

CLAIRE.

A vos yeux détrompés ne parois-je plus belle?

M. DE LA MOTTE.

Ce n'est point tout cela, ma chère demoiselle.

ORONTE.

Vous a-t-elle engagé par d'indignes moyens ?
CÉCILE.

Vous a-t-on déguisé sa naissance et ses biens?

CLAIRE.

Ai-je trahi la foi que je vous ai donnée?

M. DE LA MOTTE.

Non, vous êtes en tout bien conditionnée,
Belle, sage, fidèle ; et malgré tout cela
Il plaît à mon destin que je vous plante là.
Laissez-moi, pour raison, m'excuser sur mon âge;
Et ne me forcez pas d'en dire davantage.

CLAIRE.

Non, monsieur, dites tout, ne soyez point contrain; Vous laissez des soupçons dont ma vertu se plaint.

ORONTE.

Elle a raison. Parlez. Que voulez-vous qu'on pense?

M. DE LA MOTTE.

Mais je vais l'offenser si je romps le silence.
Pour n'en pas venir là je fais ce que je puis.
Rendez-moi seulement mes deux mille louis,
Et bon jour.

CLAIRE.

Pour cela c'est un autre chapitre.
Je les prétends à moi par un assez bon titre ;
En m'en faisant un don, vous en fîtes mon bien.
Mais vidons l'autre affaire et ne confondons rien,
Dussiez-vous m'offenser, expliquez-vous.

ORONTE.

Sans doute.

Je saurai de monsieur quel affront il redoute,
Il ne sortira point qu'il ne m'ait convaincu....

M. DE LA MOTTE.

Puisqu'il faut m'expliquer, je crains d'être cocu.

CLAIRE.

Impudent!

ORONTE.

Supprimez ces discours téméraires.

M. DE LA MOTTE.

Mon prétendu cousin, chacun sait ses affaires.
Pouvez-vous m'empêcher d'avoir peur?

CÉCILE.

Mademoiselle est sage, a de l'honneur.

M. DE LA MOTTE.

C'est à tort

D'accord.

ORONTE.

Ses manières, son air, sa pudeur naturelle,
Ce sont des cautions qui vous répondent d'elle.

M. DE LA MOTTE.

Elle a plus de vertus encore que d'appas;

C'est, je crois, dire assez qu'elle n'en manque pas.`
De quelqu'autre que moi qu'elle soit la conquête,
Des dangers de l'hymen je garantis sa tête :
Mais tout ce que j'entends, et tout ce que je vois,
Pour m'appeler cocu semble prendre une voix.
Ecoutez quatre mots, sans aucune incartade,
Et traitez-moi de fou si j'ai l'esprit malade.
Ce fut jeudi dernier que l'enfer en courroux
Du plaisir que j'aurois si j'étois votre époux,

Déchaîna contre moi tout ce qu'il crut capable
De pouvoir me contraindre à me donner au diable.
Ce jour-là, que depuis j'ai maudit mille fois,
Ayant beaucoup marché sans dessein et sans choix,
Je fus me reposer vers les bornes de pierre,
Qui d'un jaloux voisin ont séparé ma terre,
Pour rêver à mon aise au moment bienheureux
Où l'amour dans vos bras rempliroit tous mes vœux.
A peine étois-je assis sur une de ces bornes,
Que deux gros limaçons me présentent les cornes :
Plus je donnai de coups pour les faire rentrer,

Plus ils prirent de peine à me les mieux montrer;
Et de leur insolence ayant pris quelque ombrage,
Je me levai sur l'heure e' les tuai de rage,
Étant persuadé qu'à moins d'un prompt trépas,
Les affronts à l'honneur ne se réparent pas.
Je venois en héros de venger mon injure,
Quand par méchanceté, pour confirmer l'augure,
Un misérable oiseau pensa me rendre fou
A force de crier coucou, coucou, coucou.'
Enragé contre lui, mon fusil sur l'épaule,
J'entre dans la forêt, et je cherche le drôle,
Fortement résolu, pour venger mes soupçon's,
De lui faire éprouver le sort des limaçons.
Mais zeste. Le coquin de branchage en branchage,
De son maudit coucou redoubla le ramage,
Et quatre coups en l'air, loin de l'épouvanter,
Lui servirent d'appât pour le faire chanter.
Limaçons et coucou, mon âge et votre sexe,
Tout rendoit à l'envi ma pauvre âme perplexe,
Lorsque dans mon chemin, et presque sous mes pas,
Je trouve un bois de cerf fraîchement mis à bas;

Et vois un peu plus loin cette maligne bête,

Qui sembloit m'annoncer que c'étoit pour ma tête,
« Vous en aurez menti, malheureux animaux,

« Je rendrai malgré vous tous vos présages faux, »
M'écriai-je ; et soudain je gagnai ma chaumière,
Sans vouloir regarder ni devant ni derrière.
Ainsi vous avez beau menacer ou prier,

Qui diable après cela voudroit se marier?

ORONTE.

Eh! monsieur, donnez-nous des raisons plus honnêtes.
Ma cousine est croyable un peu plus que vos bêtes :
Et c'est de sa vertu faire trop peu de cas

Que de les vouloir croire, et ne la croire pas.
Je suis las de souffrir un si cruel outrage.

M. DE LA MOTTE.

Je vous ai déja dit que je la crois fort sage;
Mais si l'astre s'en mêle, et veut me voir cocu,
Pensez-vous que par elle il puisse être vaincu ?
Ce qu'avec un autre homme elle auroit d'innocence
Deviendra contre moi fidèle à l'influence;

Et moins par son penchant que pour remplir mon sort
Je me verrois cocu sans qu'elle ait aucun tort.
Je veux de ce malheur sauver mademoiselle;
Elle me touche assez pour ne vouloir point d'elle :
S'il faut être cocu, c'est par un autre choix
Que je veux ressembler à tous ceux que je vois.
Pour l'honneur de mon front et de votre mérite,
Rendez-moi mon argent, et sortons quitte à quitte.

ORONTE.

Puisque par ses raisons monsieur est convaincu
Qu'on lui rendra justice en le faisant cocu,

La rupture qu'il cherche est une preuve insigne
Que de remplir son sort il ne vous croit pas digne.
Vous n'auriez pas l'esprit de lui manquer de foi.
Finissez. Quel argent lui devez-vous?

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Que me demandez-vous? parlez en honnête homme. Que vous dois-je ?

M. DE LA MOTTE.

L'argent que vous me retenez,

Les deux mille louis que je vous ai donnés.

CLAIRE.

A moi, monsieur?

M. DE LA MOTTE.

A vous: pourquoi tant de grimaces?

CLAIRE.

Lorsque je les reçus, je vous en rendis grâces;
Me les ayant donnés, ils ne sont plus à vous.

M. DE LA MOTTE.

Je me flattois alors de me voir votre époux.
Jamais félicité ne me parut plus haute.

CLAIRE

Si vous ne l'êtes pas, monsieur, est-ce ma faute?
Tous les dons qu'en m'aimant vous pouvez m'avoir faits,

Me sont trop précieux pour les rendre jamais.

CÉCILE.

Ce refus obligeant que fait mademoiselle,

« AnteriorContinuar »