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que tôt ou tard, elle eft la plus forte (a).

Soyez prudent, fans quoi vous ferez duppe, & bientôt victime. La prudence confifte à ne pas prendre l'ombre pour le corps, en fait de bonheur ou de malheur. Armez-vous de force & de conftance , pour être prêt à tout évenement: cela dépend de vous, il eft effentiel de le croire : le découragement ne fait que doubler les maux de la condition humaine.

rêter

Enfin foyez tempérant & modéré en tout. La nature a marqué les bornes où il faut vous ar, pour votre propre intérêt. Elle ne nous a point donné le ventre du bœuf, ni le cou du chameau, ni l'eftomac de l'autruche. Il faut donc vous foumettre à fes loix, ufer de fes préfens, & vous arrêter, au néceffaire.

(a) Voyez II.Part. Art. 2. Max. 34. & fuiy

Si nous étions nez comme les autres animaux, dont les idées font renfermées dans les bornes du préfent & du besoin réel, ces efforts de vertu nous feroient inutiles nous n'aurions qu'à nous laiffer aller au courant des impreffions reçûes. Mais l'impétuofité & l'étendue de nos penfées emportant notre cœur au-delà du but de la nature; & quelquefois notre cœur trop lâche reftant endeçà, c'est une néceffité d'ufer de. mords & d'éperon: point de bonheur pour l'homme fans la vertu.

Ce difcours étonne ceux qui croient que la vertu ne peut être fans la Religion & le refpect de la Divinité. Ils demandent fi cette vertu eft bien vraie & bien réelle; fi elle va jufqu'au cœur.

On leur répond avec confiance, qu'il n'eft pas permis d'en douter. Et en effet, dit-on, fi cette vertu

étoit fauffe, elle ne feroit qu'un faux bonheur. Il faut donc que ce foit une vertu franche & fincere, qui porte fon empire jufqu'aux penfées les plus fecretes, jufqu'au germe du défir defordonné; dont la fourde activité fuffiroit pour fapper les fondemens du bonheur, & ôter au Philofophe tout le fruit de fa Philofophie.

Mais fi cela eft ainfi, permettez-, Epicure, qu'on vous demande à vous & à vos fectateurs, la raifon qui vous empêche de pratiquer cette même vertu par des principes plus rélevez, que celui de votre bien-être en cette vie? Car voici un raifonnement qu'on peut vous préfenter en passant : nous reviendrons après à l'examen de vos principes de vertus.

Quoique fans Dieu & fans loi, yous convenez que vous n'en êtes

pas moins obligez, pour votre propre confervation & pour votre repos, d'être vertueux: c'eft-à-dire d'être juftes, prudens, modérez, armez de force & de constance & d'avoir jufques dans le cœur, le fond & le principe effentiel de ces vertus; de peur, dites-vous, que la nature ne vous puniffe par l'inquiétude intérieure, & par la révolte des passions. Si cela eft: qu'auriez-vous de plus à faire fous la loi de la Providence? Que vous en coûteroit-il de faire ce que vous faites, parce qu'une Intelligence, qui veille à votre conduite & à votre confervation, l'exigeroit de vous pour votre propre bonheur? Car, encore une fois, vous êtes vertueux, vous l'êtes réellement: vous nous l'avez dit, & un Philofophe ne ment point. Qui vous empêche de joindre aux motifs que yous avez d'obéir à la

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nature pour votre santé, à la po lice pour votre sûreté, celui d'obéir à une Divinité pour l'affurance de l'avenir, contre lequel après tout vous n'avez point de démonftration géométrique ? Qué rifquez-vous? Il n'y a que la vertu qui coûte. Dès que vous la pratiquez fi bien, & dans tous fes points; un motif de plus, qu'on vous donne doit vous prêter des aîles, plutôt que de vous arrêter dans votre courfe.

Refuferez-vous de faire avec plus ce que vous faites avec moins? Ce refus, fans raifon, ne feroit pas digne d'un Philofophe.

Direz-vous qu'en vous délivrant de toute crainte des Dieux, vous espérez vous dédommager par des tranfgreffions fecretes? Vous nous avez donc trompé, quand vous nous avez affuré que yotre vertu étoit vraie & entierë.

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