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Il n'eft vertueux que parce qu'à fa vertu tient fon être, & fon bien être; fans quoi la vertu ne vaudroit pas pour lui un denier percé (a).

L'intérêt de fon être, s'il eft bien convaincu de fes principes," eft une foible garde. Que lui importe de vivre vingt ans de plus ou de moins? On fait en François la maxime des voluptueux; les Latins en avoient une pareille:

Mihi fex menfes fatis funt vitæ, feptimum orco fpondeo (b).

Epicure n'a-t-il point dit que ce n'étoit pas par la durée qu'on devoit mesurer la vie, mais par la jouiffance du plaifir ( c ) ? Le fage

138.

(b) Cic. L. 2. de

(a) Cette expref- & non pour elles-mêfion eft de Plutarque. mes. Lib. X. Seg. Diogène Laerce dit qu'Epicure penfoit que c'eft pour la volupté qu'on doit rechercher les vertus

Fin.

(c) Lettre à Méné

cée.

peut donc prendre fur fon être, pour ajouter à son bien être. Mais, s'il arrivoit qu'on fe fût trompé dans le calcul de l'avenir & que les plaifirs qu'on avoit cru devoir abréger la vie, ne la changeaffent qu'en une longue douleur; alors, l'Epicurien feroit livré à de cruels repentirs. Cette crainte ne fuffit-elle pas pour l'attacher à la pratique conftante de la vertu?

Voilà donc l'unique frein de la paffion. Ce n'eft plus la mort qui épouvante l'Epicurien; c'eft la douleur qui y conduit par un chemin trop long.

Qu'est-ce que cette crainte, fur-tout pour un Epicurien, dans l'inftant où domine déja l'avantgoût & le preffentiment de la volupté? Prefque tous les hommes s'y laiffent prendre. Quelque amour qu'ils aient pour la fanté

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pour la vie ; quelque autorité qu'aient fur eux la raifon, l'honneur, les loix qui puniffent, celles qui récompenfent, l'intérêt de la vie préfente, l'efpérance de la future; il en eft peu qui ne chancélent devant le phantôme du bonheur, qu'ils croient voir dans la volupté. Et Epicure veut que la feule crainte d'une douleur qui peut fuivre ou ne pas fuivre le plaifir; d'une douleur, dont on peut fe délivrer foi-même,fi elle ne nous délivre pas affez vîte de nous, conferve la vertu dans fa pureté! Ce n'eft point par amusement qu'on difpute en matiere fi grave; & fi on y va de bonne foi, on s'en rapportera à l'expérience & au jugement de ceux qui connoiffent le caractere des hommes, leur fenfibilité au bien préfent, & leur peu d'inquiétude fur le mal problématique de l'avenir...

ARTICLE VII

Partifans d'Epicure.

ON a recours aux autoritez pour juftifier Epicure. Peut-on croire, dit-on, que, fi les principes de ce Philofophe euffent été tels qu'on vient de les présenter; tant de gens de bien dans l'antiquité, & parmi les modernes, auroient pris fa défenfe?

Ciceron, lui-même, en plufieurs endroits de fes ouvrages, loue les Epicuriens pour leur droiture, leur probité, leur amitié réciproque entre eux (a). Il y a plus, Séneque, c'est-à-dire, un Stoïcien, qui, felon l'efprit de fa fecte, devoit être l'ennemi juré d'Epicure, Séneque a fait fon (a) Ciceron ne par- & nullement de la le que des hommes, doctrine.

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CC

apologie. Je ne penfe point, dit-il, comme la plupart de nos Stoïciens, qui affurent que la fecte d'Epicure eft l'Ecole du »vice: je dis feulement qu'elle a une mauvaise réputation; & j'ajoûte qu'elle ne la mérite point. » C'eft donc l'apparence qui trom>pe & qui infpire la défiance (a) ».

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Que dirons-nous des modernes, de Philélphe, de Rhodiginus, de Volaterran, de Laurent-Valle, de Quévédo, de la Mothe-le-Vahier, de Sorbiere, &c. dont les uns difent qu'Epicure eft de tous les anciens Philofophes celui qui a le plus approché de la vérité; & d'autres que c'eft injuftement qu'il a été attaqué & déchiré par fes

(a) Non dico quod plerique noftrorum, fectam Epicuri flagitiorum magiflram effe; fed illud dico: Male audit, infamis eft: &

immerito..... Frons ipfa dat locum fabula, & ad malam fpem invitat. Lib. de beat, vitâ, cap. 13.

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