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leur faire un crime d'une ignorance qu'ils prétendent invincible: « Nous nous traînons,» se font-ils écriez, » dans des ténébres profondes que rien ne peut »percer. Cette fiere raison, dont » on fait tant de bruit, n'est qu'une » étincelle qui nous éblouit, & qui l'inftant d'après nous rejette » dans des ténébres plus noires. »Si c'eft le hazard qui régle notre marche; c'eft lui qui fait nos » crimes : il doit en porter la pei »ne. Avant que de facrifier, il » faut connoître des Dieux ».

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Ainfi a parlé la Philofophie incrédule,tantôt présomptueufe juf qu'à la folie, tantôt timide jufqu'à l'imbécilité, & toujours fe réfutant elle-même par la contrariété de fes pensées. Elle qui parle fans ceffe du milieu, qui le conseille fans ceffe, elle ne peut s'y arrêter.

Mais qu'elle prenne le parti de l'évidence des caufes, ou celui

de leur obfcurité, elle doit toujours convenir que l'une eft traverfée de nuages affez épais, & l'autre, de rayons affez lumineux, pour ramener le doute pénible & l'intermittence douloureuse.

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On a vu que la nature des atômes & du vuide, ou d'une matiere fubftance unique, n'étoit rien moins que démontrée ; que les combinaisons des parties par le mouvement fortuit ou fpontané, pour former les Dieux, l'ame le fentiment, l'ordre des grandes & des petites parties de l'univers, étoient des misteres qui demandoient le facrifice le plus dur & le plus complet des lumiéres naturelles. Le mécanisme peut bien rendre raifon de quelques caufes & de quelques effets fecondaires, qui reffemblent à des caufes conditionnelles ; mais, nul Philofophe dans ce fiécle, n'a ôfé avancer que ce même mécanisme

pût être jufques dans l'action des causes premieres. L'évidence ne peut donc raffurer l'Epicurien.

Il en eft de même de l'obscurité. Tout eft miftere dans la nature, facer eft mundus ; c'est-àdire, que tout l'intérieur des caufes, dont l'homme n'eft point chargé de mouvoir les refforts, n'eft point montré à l'homme, pour des raisons dont on peut rendre grace à la fageffe de celui qui a bien fait toutes choses. Mais dans le fpectacle des effets, que d'ob jets frappans nous avertiffent qu'une intelligence en prépare & en conduit tous les refforts! Sans parler des rapports de deffein qui font fous nos yeux & qui brillent dans la compofition & l'organifation du moindre infecte, pour fa propre confervation & pour celle de fon efpéce, qui peut expliquer par des principes mécaniques pourquoi ces globes qui roulent fur

nos têtes ne font pas tous réunis au même point central ? pourquoi, ne s'étant pas réunis, ils ne fuivent pas tous de femblables routes dans l'efpace ? pourquoi ils en fuivent fouvent de toutes oppofées, quoique dans le même tourbillon? pourquoi ces aftres étrangers qui voyagent dans notre monde, n'y établiffent point leur demeure? pourquoi ils y reviennent au bout d'une certaine révolution des tems, en contrariant, par une irrégularité réguliere, tous les mouvemens qui s'obfervent dans les tourbillons qu'ils traverfent? En faut-il tant, je ne dis pas pour démontrer, nous n'avons pas befoin ici d'aller jufques-là, mais pour produire au moins des doutes dans l'ame de celui qui veut méconnoître l'action d'une Caufe libre & intelligente, & par conféquent, pour le rejetter dans le trouble & dans

l'inquiétude, & lui faire perdre par-là le fruit de fa prétendue philofophie?

Ainfi difficultez de toutes parts. Il y en a de grandes dans la Religion: il y en a de plus grandes encore dans l'irreligion. Et comme par-tout il eft évident qu'il faut réfréner fes goûts, & fe livrer à la pratique de la vertu, pour le bonheur même de cette vie; il 's'enfuit que c'eft toujours par la vertu qu'il faut commencer. Quand nos Philofophes la pratiqueront feulement autant que la Philofophie le demande, on a affez bonne opinion de leur efprit & de leur jugement, pour croire qu'ils defcendront en eux-mêmes, & qu'ils fentiront la jufteffe de ces mots énergiques d'un Payen: S'il y a des Dieux;les gens de bien ne doivent pas craindre la mort: & s'iln'y en a point; que font-ils fur la terre? Marc Antonin.

LA

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