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ARTICLE I

LETTRE D'EPICURE

à Ménécée (a).

Diog. Laër. Liv. X. Seg. 122. I 35

»LA jeuneffe, Ménécée (a), n'est point une raifon pour différer » d'embraffer la Philofophie, ni la » vieilleffe, pour ceffer de la fui»vre; puifqu'il n'eft point d'âge » où il foit indifférent de fe

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(4) Cette Traduc

tion a été faite d'abord fur le texte de Gaffendi, & enfuite revûe fur celui de l'édition de Westein, corrigée par Meibom. Nous n'avons pas cependant toujours fuivi les corrections de ce Commentateur. Il eft péceffaire que le Lecteur en foit averti. Nous n'avons jeté au

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pro

bas du texte de cette Lettre que des notes courtes, pour éclaircir quelques endroits qui nous ont paru n'avoir pas besoin d'une plus longue explication; renvoyant à la premiere Partie, les points plus importans qui ont befoin de plus grands détails & de quelques développemens.

ככ

curer la fanté de l'ame. Dire » qu'il n'eft pas encore tems de »fe livrer à l'étude de la fageffe, ou qu'il n'en eft plus tems, c'eft dire, qu'il eft trop -tôt, ou trop-tard, pour travailler à fe rendre heureux (a). On doit » s'attacher à cette étude quand on eft jeune; afin qu'en vieilliffant, on rajeuniffe toujours par le fouvenir agréable d'une fage conduite (b). On le doit

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(a) C'étoit une queftion dans les Ecoles de l'Antiquité, de favoir fi un jeune homme étoit digne difciple de la Philofophie. On entendoit par Philofophie principalement la partie qu'on nomme Morale. Il eft certain que la plupart du tems une jeune perfonne ne fent pas les beaux preceptes qu'elle entend. Sa fanté, fa vigueur

femblent la mettre aux deffus de tous les confeils. On n'apprend à économiser fes fonds, que quand on eft pref que ruîné.

(b) La fageffe de la conduite confifte felon Epicure, à se procurer de grands plaifirs à petis frais, & à éviter de grandes douleurs en facrifiant de petits plaifirs.

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quand on eft vieux, afin d'avoir » à la fin de fa carriere, la fécurité de la jeuneffe, qui ne fait 3 point craindre l'avenir.

כב

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» Il faut donc nous occuper de » ce qui peut faire notre bien-être; puifque nous avons tout dans le bien-être, & que quand nous ne l'avons point, nous faifons tout » pour y parvenir (a). Souvenez »vous, Ménécée, de ce que je vous ai dit & recommandé fouvent, & regardez-le comme fource & le principe du bonheur de votre vie.

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» I. Mettez-vous d'abord dans » l'efprit, que Dieu est un être immortel & heureux. Ceft la » notion commune que nous en avons tous (b). Gardez-vous

(a) S'il y a des cas où le crime eft plus für que la vertu pour arriver au bien-être de

dra la vertu ?

(b) Voyez ci-après, art. 2. dans les déve loppemens des Max,

cette vie, que devien- | 25. 26. & 27. ce qu'E

donc de lui rien attribuer qui » ne puiffe s'accorder parfaitement » avec fon immortalité & avec fon » bonheur ; ou de lui refuser rien » de tout ce qui convient à ce bon»heur inaltérable qui fait fon ef fence (a).

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Oui, il y a des Dieux : l'évidence des idées nous le démontre (b). Mais ces Dieux ne font

picure entend par

notion commune.
(a) Epicure ne don-
ne ces attributs à la
Divinité, que parce
qu'il les croit incom-
patibles avec la pro-
vidence. Voyez le
Chap. 3.& la Max. 1.
(b) Epicure en-
tend par évidence des
idées, non une no-
tion claire & diftinc-
te d'un Etre infini-
ment parfait; mais
une image corporel-
le, détachée de la fur-
face des corps divins,
& qui traverfant les

airs, fans fe rompre,
vient par nos yeux,
jufqu'à notre efprit.
Image qui, felon Epi-
cure,
ne peut pas
exifter fans modele.
Nous voyons quel-
quefois dans nos fon-
ges des géans, des fi-
gures colloffales;donc
il y a des modeles
femblables errans
dans la nature. On a
entendu des voix au
loin, venant de ces
modeles; donc ce font
des natures intelli-
gentes. Ces mêmes
apparitions fe fontfais

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point tels que la multitude les imagine, avec des attributs qui » en détruiroient la nature.

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L'impiété n'eft pas de nier l'exiftence des Dieux du vul»gaire ; c'eft de leur attribuer ce que ce même vulgaire leur at✩ tribue (a).

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Auffi les idées qu'il s'en fait, » font-elles plûtôt des lueurs fauffes que de vraies idées. Il croit

tes en différens tems & en différens lieux; donc ces natures font immortelles. Or ces êtres, géans, intelligens, immortels, font des Dieux; donc il y a des Dieux. Quelle eft leur forme? Humaine. Que font-ils de leurs membre? Rien. Leur corps eft-il folide? Ce n'eft qu'une vapeur circonfcrite qui n'a que le trait, Monogrammos Deos: des Dieux grê

les (Cic. de Nat. D. 23. Gaffendi excufe Epicure, difant qu'il n'a erré que par ignorance, & non par malice; Videri illum ignorantia non malitiâ lapfum fuiffe. In Lib. X. Laër. Il pourroit y avoir eu autant de l'un que de l'autre.

(a) Il veut dire que c'est une impieté de croire que les Dieux fe fatiguent à recom penfer la vertu, & à punir le vice.

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