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ARTICLE I

Siécle d'Epicure.

EPICURE né 342 ans avant Jefus-Chrift (a), dans un bourg d'Athènes nommé Gargette, fe livra de très-bonne heure (b) à l'étude de la Philofophie, piqué, dit - on - on, contre fon maître de Grammaire, qui, lui faifant lire la Theogonie d'Héfiode, n'avoit pû lui expliquer ce que c'étoit que le cahos.

Il ouvrit fon Ecole à trente

deux ans, d'abord à Mitylène, puis à Lampfaque, & cinq ans après à Athènes, dans un jardin qu'il avoit acheté quatre-vingts mines (c). Ce fut là qu'il paffa

(a) Olymp. 109. 3. I ans, felon d'autres, à Selon Diogene 12.

Laerce, à l'âge de 14.

(c) Quatre-vingts B

le refte de fa vie avec des amis qu'il s'étoit formez pour lui-même, felon les principes de fa Philofophie.

La fublimité de l'École de Platon où regnoient Xénocrate & Polémon; la science profonde de celle d'Ariftote, où parloit le fameux Théophrafte; l'éclat naiffant de la vertu de Zenon, qui raf fembloit tant d'auditeurs dans ces galeries célébres qu'avoit peint Polygnote, n'effrayerent point fon courage. Il oppofa hardiment fes dogmes à ceux de fes rivaux; perfuadé que l'infcription même de l'Ecole (a) qui annonçoit la volupté, attireroit d'abord l'attention des hommes; & que l'agrément de fes jardins, joint à une

mines équivalent à 6400 livres fur le pied où eft l'argent aujourd'hui, à 50 livres le

marc.

(a) Infcriptum hortu lis:Hofpes hic bene manebis: hic fummum bonum Voluptas eft. Sen. Ep. 21.

idée de vertu, retiendroit chez lui une partie de ces auditeurs nombreux, qui rempliffoient cha que jour l'Académie, le Lycée, & le Portique.

Il fembloit même avoir quelques avantages fur les autres Philofophes. Il paroiffoit d'un caractere franc, ingenu, plus occupé du bien des autres que du fien propre. Il fembloit propofer fes idées fans art, & fans détour; fe déclarant hautement contre les couleurs de l'Eloquence, & contre les fineffes de la Dialectique affectant d'attaquer en plein jour, fans cafque, ni bouclier, avec une forte de confiance qui en donnoit à ceux qui l'écoutoient (a).

(a) Cependant S. Clement d'Alexandrie affure que les Epicuriens avoient des dogmes fecrets

auffi

riciens & Platón, & qu'ils ne permettoient pas à tout le monde de lire les livrées où ils étoient renfermez. Lu

bien que les Pythago-5. Strom. Mais qu'a:

· Le divin Platon avoit été ad-
miré lorsqu'il parloit des perfec
tions de l'Etre fuprême, de l'im-
mortalité de l'ame, des charmes
& des récompenfes de la vertu.
Mais fes écrits, qui préfentent tou-
jours le pour & le contre avec des
traits également forts, & des cou-
leurs également vives, donnoient
trop d'exercice, & trop peu de
nourriture, à la plupart des lec-
teurs, dont l'efprit, après une
certaine mefure de travail, aime
à fe repofer fur quelque verité. Ses
fucceffeurs Speufippe, Xénocra-
te, & Polémon, qui avoient été
moins attachez lui à la ma-
que

voient-ils à cacher la justice n'eft rien?
après avoir dit hau-
tement que la Divi-
nité ne fe mêloit point
des affaires des hom-
mes; que l'ame mou-
roit avec le corps,
que la volupté eft le
fouverain bien, & que

Peut-être y avoit-il
quelques développe-
mens trop cruds, qui
n'auroient pû passer à
la Police d'Athénes
malgré fon extrême in-
dulgence pour les Phi-
lofophes.

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niere de Socrate, n'ayant rien inventé de nouveau, la grande idée qui étoit restée de leur maître abforboit une partie de leur gloire; & l'habitude d'entendre depuis 60 ou 80 ans les mêmes chofes, avoit émouffé le goût du peu ple d'Athènes toujours avide de nouveauté.

Ariftote, genie hardi, profond, lumineux quand il traitoit les fujets qu'il vouloit éclaircir, ou qui pouvoient l'être, avoit présenté les matieres qui concernent la Divinité, l'Ame, & les autres caufes fondamentales du bonheur, avec un art qui n'appartenoit qu'à lui. Tout paroiffoit précis, articulé, analyse; mais ce n'étoit qu'un éclat extérieur jeté fur un fond obfcur. Les idées étoient devenues fi minces, dans la décompofition, qu'un œil ordinaire ne les appercevoit qu'avec peine. Il

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