Imágenes de páginas
PDF
EPUB

distance légitime, la bonne difpofition de l'organe, la convenance. du milieu, & la perfévérance de la même impression.Par conféquent, je ne jugerai fûrement que la tour. eft ronde ou quarrée, que quand je l'aurai vûe de près.

En deux mots: toutes les fenfations font vraies de la vérité d'exiftence; parce que dès qu'on fent, il ya néceffairement deux chofes qui exiftent, la fenfation & la caufe de la fenfation : ce qui fait que cette vérité d'existence pourroit aufli être appellée vérité de connexion. Mais elles ne font vraies de la vé-` rité de conformité, que quand elles ont été vérifiées & confirmées par les fenfations revêtues des conditions qu'on vient de mar quer.

On réplique: Ce.langage réduit aux termes de la précision, ne fignifie autre chofe que ce qu'on

dit communément, qu'il y a des fenfations vraies, & qu'il y en a de fauffes, en prenant la vérité & la fauffeté dans le fens ordinaire. Et fi cela eft, l'objection revient dans toute fa force. Voici le raifonnement: S'il y a des fenfations vraies, & s'il y en a de fauffes; comment les diftinguera-t-on les unes des autres? Parmi les raifons qu'Epicure a employées pour prouver qu'elles font toutes vraies, il y a celle-ci : qu'une fenfation ne peut en réfuter une autre; parce que fi elles font dans un genre différent, elles ne peuvent point rendre témoignage fur le même objet, & que fi elles font dans le même genre, elles ont autant d'autorité les unes que les autres. Si cela eft, pourquoi juge-t-il d'après celle qui lui a fait voir la tour quarrée, plûtôt que d'après celle qui la lui a fait voir ronde? Il faut les en croire toutes

deux, ou ne les en croire ni l'une ni l'autre (a). Et fi on ne croit aucune fenfation; on ne connoîtra démonftrativement ni l'étendue, ni le mouvement, ni les atômes, ni le vuide; & alors, tout le fyftême bâti fur la connoiffance démontrée des principes phyfiques s'écroulera & tombera en ruine.

35

[ocr errors]

» Si vous ne rapportez point tou»tes vos actions aux fins de la na» ture, & que pour fuir ou rechercher un objet, vous foyez déterminé par quelqu'autre point de → vûe, votre conduite ne fera point d'accord avec vos difcours.

[ocr errors]

XXIX.

Parmi les objets de nos défirs, les uns font naturels fans être néceffaires, d'autres font naturels & (a) Plut. adv. Col.

[ocr errors]
[ocr errors]

» néceffaires; les autres, enfin, ne font ni naturels ni néceffaires » mais l'ouvrage de la fantaisie & du caprice » (a).

Epicure appelle défirs naturels & néceffaires, ceux dont l'objet nous délivre de quelque douleur, comme de boire quand on a foif. Il appelle naturels & non néceffaires, ceux dont l'objet ôte la douleur dont on pourroit être délivré fans lui, comme les mets frians. Enfin, les défirs qui ne font ni naturels ni néceffaires, ont pour objet des chofes dont on peut fe paffer fans aucune douleur, comme les couronnes & les ftatues. C'eft Diogene Laëṛce qui fait ce

commentaire.

On l'entend. Le fage a permif

(a) Voyez Lettre à Men. & Cicer. de Fin. 1. 13. L'ordre des Maximes 29 & 30

eft différent dans quelques éditions: nous avons fuivi celui de Gaffendi.

fion de

manger quand il aura faim; de boire quand il aura foif, &c. Tous ces befoins font des douleurs; & le bonheur confiftant dans la délivrance des douleurs, il peut, il doit, fe délivrer de fes befoins. Si cependant, lorsque la nature pourvue de fon nécessaire, gardera à-peu-près le filence, (je dis à-peuprès) l'idée du plaifir, préfentée avec des mets friands & des liqueurs délicieuses, réveille le fentiment du befoin, faux ou vrai, qui s'annonce par le défir d'ufer: que fera alors le fage Epicurien? Il s'abstiendra; parce que ce n'eft plus la nature qui parle, c'eft le caprice. Soit. Mais ce caprice peuà-peu fe rendant le maître, jette dans l'ame où il eft, un trouble auffi violent, & même plus viofent que celui de la nature, lorfqu'elle demande ses plus juftes & fes plus preffans befoins. N'impor

« AnteriorContinuar »