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falloit bien fouvent en croire le Philofophe fur fa parole. Ses leçons paticulieres pour les adeptes, avoient mis en défiance tous fes auditeurs, fans exception. Qui pouvoit fe flatter d'être entiérement compris dans le privilége, & d'avoir vû intuitivement la penfée du maître ?

Le Portique, où s'étoit un peu apprivoifée la fecte des Cyniques, rendue fameufe par la vertu énorme d'Anthiftène, de Diogène, de Monime, de Cratès, & d'Hipparchia (a), retentiffoit des plus belles leçons. C'étoit là qu'on alloit chercher le fublime de la fa

un bâton. Il lui décou vrit même fa boffe pour effayer de la gué

(a) Hipparchia jeu- | fu, n'ayant pour tout ne Athenienne, de fa- bien qu'une beface & mille noble, fe prit d'amour pour le philofophe Cratès, au point qu'elle déclara à fes pa-rir de fa maladie.Non, zens qu'elle mouroit, fi elle ne l'époufoit pas. Cratès étoit laid, bof

dit-elle, je n'en veux ni un plus beau, ni un plus riche.

geffe & du bonheur. Mais cette prétendue fageffe étoit si fort audeffus des idées & de la portée du grand nombre; elle étoit accompagnée de tant de prétentions outrées, pour ne rien dire de plus, qu'elle effrayoit les uns & faifoit rire les autres. Ajoutez à cela le fatalifme, ce dogme fi déconcer→ tant pour l'amour propre, & l'idée bizarre d'un Dieu rond, confondu avec le feu, coupé en une infinité de parcelles, pour être diftribué dans tous les êtres. Qui pou voit digerer tant de paradoxes?

Falloit-il paffer la mer & aller à Cyrène chercher l'efprit d'Ariftippe? Ses fucceffeurs fe deshonoroient par leurs excès & leurs écarts philofophiques. Théodore, furnommé d'abord l'Athée, enfuite, par antiphrase, le Dieu, chaffé de toutes les villes policées, n'avoit trouvé de refuge que dans

la maxime qui dit, que le fage n'a point befoin d'amis. Bion fon difciple, avoit détefté en mourant, la folle témérité de fes maîtres & la fienne. Hégéfias, furnommé l'Orateur de la mort, váTOS & calculant la fomme des biens & des maux de la vie, avoit pouffé fi loin fes principes, qu'au fortir de fes leçons on alloit mourir. Il fallut que le Roi d'Egypte lui imposât filence, pour conferver fes fujets (a).

De tous les impies, qui vivent & qui meurent fans espérance c'étoit peut-être le feul qui eût raifonné conféquemment jufqu'au bout. Mais ces conféquences mêmes, quoique juftes, avoient degoûté de fa Philofophie bien des gens, trop amis de la vie pour la

(a) A Rege Ptole- | mao prohibitus eft illa in fcholis dicere, quod

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multi his auditis, mortem fibi confcifcerent. Cic. Tufc. 1. 34.

facrifier à une opération d'arithmetique.

C'eft là le moment où Epicure fe montre à la Gréce, prefque laffe de croire & d'efpérer aux promeffes des Philofophes.

Il avoit vifité toutes les Ecoles, entendu tous les maîtres; & s'il ne connut pas toutes leurs penfées, c'eft qu'il crut en avoir affez vû pour n'avoir bas besoin de connoître le refte.

Peu fatisfait de tout ce qu'on avoit voulu lui apprendre, il fongea à donner des idées nouvelles. Il fit un plan, qu'il préfenta comme neuf, & qu'il prétendit avoir exécuté feul, & de fes propres fonds, fans aucun emprunt (a). Il étoit aisé de l'en croire fur fa parole:

ta) Cependant il eft | Phyficis totus eft alie certain qu'il n'a rien à lui: il doit toute faPhyfique à Démocrite, in

nus, & toute fa Mo-' rale à Ariftippe.Voyez Cic. de Fin. 1.6.& 8.

C'étoit, dit Ciceron, un hom¬ me mal logé, qui se vantoit d'avoir bâti fa maison lui-même, fans le fecours d'aucun architecte (a).

Il compofa trois cens volumes, fans y faire entrer aucune citation; parce qu'apparemment il ne croyoit pas que la Philofophie dût citer, ou que fes prédéceffeurs méritaffent de l'être. On l'a même accufé de ne s'être pas toujours renfermé dans les bornes de ce filence, qui valoit une critique; & de les avoir crayonnez tous, à fa maniere, d'une façon qui marquoit fon mépris pour eux (b).

Diogene Laerce rapporte quelques-unes des qualifications dont on prétend qu'il avoit décoré Nau

(a) Quod & non prædicanti tamen facile quidem crederem: ficut mali ædificii domino, glorianti fe architectum

non habuiffe. De Nata Deor. 1. 26.

(b) Voyez Plut. dans. fon Livre contre les Epicuriens, pag. 1086.

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