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pêcheroit de fuppofer que c'eft Dieu même qui a jugé à propos de conduire l'homme par cette voie infaillible, à la connoiffance du bien & du mal moral; gravant dans l'homme, dans l'effence mê me de l'homme, par l'impreffion de la douleur & du plaisir, fes devoirs naturels, tant envers la Di→ vinité, qu'envers fes femblables; nous donnant par le fentiment de notre foiblefse & de notre igno→ rance, les idées d'une puissance & d'une fageffe, où nous ne concevons point de bornes; nous faifant connoître par le mal que nous fentons nous mêmes, le mal que nous pouvons faire aux autres; & par la crainte de l'éprouver la défense de le faire éprouver à autrui. Alors la loi du bienêtre particulier devient le code de la fociété, & celle du bien-être de la fociété, la caution du bién

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être particulier. La crainte même qui, felon Hobbes, eft une cause dans l'état de nature,

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guerre devient dans l'état de fociété une cause d'union, & un principe naturel de loix & d'équité.

Qu'on ajoûte à ces principes nez des fenfations de l'homme pris folitairement, & comme un individu à part, ceux qui naiffent de la fociété conjugale, par laquelle chaque individu n'eft que comme une moitié d'un tout, liée à l'autre moitié par le penchant naturel des cours; on a une nouvelle fource de paix, d'union, & par conféquent de loix fociales. L'époux livré à fon épouse, n'a plus d'intérêt exclufif. L'amour de lui-même confondu dans l'amour de fon femblable, fe trouve enrichi par les facrifices qu'il lui fait. Ce fentiment heureux fuit le pro grès du fang. L'homme voit fon

être fe renouveller dans fes enfans, aller à l'immortalité par fes neveux, qui attachez directement & collatéralement les uns aux autres par les plus doux noms de là nature, forment comme un rézeau immenfe, dont les noeuds affermis les uns par les autres, couvrent la furface de la terre, de tous les rapports d'amour, d'union, d'égalité, de fubordination qui conftituent ce qu'on appelle la fociété.

En quels caractères plus lumineux Dieu pouvoit-il graver fes loix de juftice & de fageffe dans l'efpéce humaine?Quelle voix plus, forte pouvoit-il employer pour les publier? Chaque mouvement de notre ame, chaque impreffion des objets extérieurs fur notre corps, & de notre corps fur elle, eft une indication, ou un développement de la loi naturelle, qui ordonne lé

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bien & qui défend le mal.

Il s'enfaut bien que les Epicu riens anciens & modernes,l'entendent ainsi : & c'eft ce qui a fait le crime de cette opinion, déja dangereufe par elle-même. La Divinité n'ayant aucune influence fur la formation, ni fur le deftin de la nature humaine; l'homme dans leur fyftême, n'eft qu'une machine animée qui se brisera, soit par le dépériffement naturel de fes organes; dont les élémens, contraints par une forme accidentelle, doivent fe relâcher avec le tems; foit par le choc violent de quelque caufe extérieure, que la force ou l'adreffe n'auront pû détourner. Tout eft mécanique dans l'homme: c'est le poids, la masse, la figure, l'attraction mutuelle, la rencontre fortuite des atômes qui décident de tout chez-lui, comme dans le monde, où il n'y a ni or

donnance ni caufes finales, que par la tournure & l'habitude de notre imagination.

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Faut-il s'étonner, après cela, fi le jufte & l'injufte ne font que de vains noms, ou tout au plus, des conventions arbitraires, dont l'intérêt feul eft le noeud & le garant? Faut-il être furpris des conféquences odieufes que les adverfaires d'Epicure ont tiré de fon fiftême ? « Quand eft-ce, dit Plutarque, que les hommes vivront » comme les bêtes les plus fau»vages & les plus infociables? Ce »ne fera pas quand ils n'auront plus de loix; mais quand ils n'auront plus ces grands principes qui font les fondemens & l'appui » des loix. Ce fera quand on invi» tera l'homme à la volupté; qu'on »niera la providence des Dieux; → qu'on regardera comme fages. » ceux qui méprifent l'honnêteté

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