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ARTICLE IV.

Idée d'Epicure fur la nature de l'Ame humainė.

S'IL eft vrai que les Dieux ne font, ni ne fentent rien; l'homme bien fûr de leur impuiffance, n'a rien à craindre d'eux, ni pendant fa vie, ni après la mort. Epicurè croit l'avoir démontré.

Mais n'a-t-il rien à craindre de la nature même, qui, après tout, peut lui laiffer affez de fentiment pour le rendre malheureux dans quelque état, dont on peut imaginer la poffibilité? Le même Epicure nous affure que non.

La mort, ce mot qui fait frémir les humains, n'eft, felon lui qu'un vain phantôme, qu'il fuffit de regarder de près, pour en diffi→ per l'illufion. Comme il a vû dans

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l'espace infini les atômes állans & venans de la compofition des êtres à leur diffolution, & réciproquement; il étoit bien capable de nous apprendre ce que nous fommes & ce que nous devenons. Qui fuis - je, [ s'écrie l'homme qui fe difpofe à raisonner fur fon fort]? Suis-je un mélange de corps & d'ame; ou plutôt une »ame ufant du corps, comme le cavalier ufe de fon cheval? Ce » principe, par lequel j'ai l'intelligence, le raifonnement, l'ac» tion, eft-il proprement mon » être, de maniere que les orga» nes du corps, & les facultez de » l'ame, ne foient que les inftru» mens de cette premiere faculté ? » Suis-je un animal plus compliqué & plus furieux que Typhon, ou une nature fimple & paifible émanée de la Divinité ( a ) ? » (a) Plut, adv. Col. 1119.

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Vous êtes, dit Epicure, un rezeau d'atômes, un tiffu de certaines parcelles, formé par certaines combinaisons, que le hazard a exécutées d'une certaine maniére, & qui doivent fe rompre au bout d'un certain tems, par les loix effentielles de la nature (a). Votre ame même n'eft qu'un entrelacement de corps très-fubtils, répandus dans cette portion orga nifée de matiére fenfible, que vous appellez votre corps. Ce ne peut être autre chofe; puifque toute chofe eft effentiellement & néceffairement atôme & vuide: ou, fi vous le voulez, choix & arrangement d'atômes, combinez avec le vuide (b).

De quelle efpece font ces atômes? C'est quelque chofe d'approchant d'un foufle de flamme

(a) Lettre à Hérod. II. Part. art. 5. n. 13.

(b) Voyez Lett. à

Hérod.

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tenant à la fois de la nature de l'air. & de celle du feu; mais dont les parties furpaffent cependant en fineffe, celles de ces deux élemens: ce qui rend l'ame plus capable de fympathie.

;

Enfin, pour ne rien laiffer à defirer fur cette matiere, Epicure nous affure que la partie raifonnable de l'ame a fon fiége dans la poitrine, comme il paroît par les fenfations de joie & de crainte & que fa partie non raifonnable, eft dans le refte du corps (a). Nous nous mocquons des Grecs quand nous voyons chez eux de telles idées & de telles preuves; comme fi tous les Grecs les avoient employées, ou que perfonne ne les employât chez nous.

Il est donc demontré, comme on vient de le voir, que l'ame eft compofée d'atômes, de même que (a) Ibid,

le corps. Changez en quelque chose la position & l'ordre de ces atômes; l'homme d'heureux qu'il étoit, devient malheureux, ou de malheureux il devient heureux(a). Changez-la encore; d'être fentant qu'il étoit,il n'eft plus rien: fon être particulier eft rentré dans le fonds commun de la nature, où il trouve un repos éternel dans le néant de lui-même : la mort n'eft rien.

Cependant Epicure n'est point entiérement fûr de fa découverte. Il avoue qu'il a peine à tirer la penfée, la mémoire, le raifonnement, l'amour, la haine, des élemens dont il compofe l'ame; qu'il lui, faut une qualité. . . . comment la nommera-t-il? Elle n'a point de -nom (b). Quelle eft fa nature? On

(a) Epicurus fummum bonum definit σαρκὸς εὐσταθές κατασ. Thua. A.Gel. ix. 5. Métrodore définiffoit

de même le bonheur, felon Ciceron, 2. Tufc. & 2. de Fin, & 3.Of (b) Ea eft omnino nominisexpers. Luc.3.v.249.

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