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ne peut la définir, ni la décrire, ni la défigner: on la fent: c'eft tout ce qu'on en fait (a).

Nous pourrions nous dispenser d'indiquer les preuves d'Epicure, puisque nous n'avons promis qu'une expofition vérifiée de fa doctrine. Si nous en offrons içi quelques-unes; ce ne fera que pour rendre notre expofition plus complette.

On ne peut concevoir, a-t-il dit, aucune fubftance ou être fublui-même

,

fiftant par que l'atôme & le vuide : donc on ne doit point en admettre d'autre.

Il n'eft perfonne aujourd'hui qui ne fente combien une pareille conféquence eft ridicule. Tout eft plein de chofes dont nous ne pour rions croire même la possibilité, fi leur existence n'étoit pas fentie (a) Voyez Cic. 2. Col. pag. 1118. De Fin. Plut, adverf.

de la maniere du monde la plus évidente.

Il fembleroit au moins par ce raisonnement, qu'Epicure auroit conçu bien clairement lui-même, ce que c'eft que vuide & qu'atôme. Si cela étoit aifé à concevoir, pourquoi tant de grands hommes, anciens & modernes, d'un efprit très-vif & très-pénétrant,auroientils déclaré qu'ils ne pouvoient le comprendre? Et en effet, qu'eft-ce qu'un atôme? Une étendue fo¬ lide, & indivisible.

Avons-nous dans la nature aucun exemple d'une pareille indivisibilité ? Pouvons-nous nous en faire une notion? Ne peut-on pas dire du vuide, qui eft oppofé au corps, tout ce qu'on dit du corps? Si le corps est étendu ; le vuide l'eft auffi. Si le corps est impénétrable au corps; le vuide l'eft au vuide. Si le corps pénétre le vui

que

de confideré comme espace; le vuide confideré comme espace, pénétre le corps dans le même fens. Si le corps eft mobile, parce qu'on le fuppofe dans l'efpace; l'efpace fera auffi mobile dans le corps fuppofé continu. Il ne refte l'indivifibilité. Mais fi on ne. la conçoit pas dans le vuide, parce qu'on y voit toujours de l'étendue; il eft évident qu'on ne la conçoit pas davantage dans le plein, par la même raison. L'étendue indivisible, & par confequent l'atôme, n'eft donc rien moins qu'aifée à concevoir.

Epicure dira qu'elle eft prouvée par le fait même de la nature. Quel eft-il ce fait ? La conftance des efpeces dans le monde physique. Les natures y ont toujours été les mêmes dans tous les tems: ce qui démontre qu'elles font fondées & établies fur des principes immua

bles, qu'aucune force physique ne peut ébranler, ni détruire, ni par confequent divifer.

On lui paffe cette raison, quoiqu'elle ne foit valable que dans le fiftême d'Anaxagore, qui fait les premiers élémens fimilaires, c'estdire, de même nature que les ef peces qui en font compofées immédiatement. Car alors il eft aisé de comprendre pourquoi le feu eft toujours feu, l'air toujours air, &c. parce que le feu eft compofé d'élémens qui font feu effentiellement, & l'air d'élémens qui font air. Mais dans le fiftême d'Epicuoù le feu, l'eau, la terre, l'air, ne font tels que par la combinaifon des atômes; cette combinai fon pouvant changer à tout moment, fi la nature ne change point; ce n'eft pas à l'indivifibilité des atômes qu'il faut en avoir obligation: cela eft évident.

re,

On

peut même tourner cette façon de raifonner contre Epicure. Il juge de l'existence & de la néceffité des indivifibles par les inductions qu'il tire des effets de la nature, dont il ne fauroit donner l'explication fans eux; pourquoi ne juge-t-il pas de la néceffité & de l'existence des efprits par les opérations & les productions dont on ne peut trouver la raifon, ni dans les atômes, fur qui rien n'agit, ni dans le vuide, qui n'agit fur rien? Les Modernes fuggéreront peutêtre à Epicure leur argument favori, Que nous ne connoiffons point toutes les proprietez de la matiére, & que nous ignorons fi elle ne peut pas penser.

Mais alors ils ne font plus dans l'idée du Philofophe. On renverse tout fon édifice, dont l'objet unique eft d'établir la fécurité de l'ame, fur l'évidence des caufes

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