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de compofition: tout eft perdu, fi on peut foupçonner feulement, qu'il y ait en nous un atôme penfant, & par confequent fentant, par lequel notre être pourroit devenir malheureux, même après

notre mort.

Si on dit que les atômes, dont aucun ne fent, commencent à fentir quand ils font plufieurs; on n'apprend rien de nouveau à Epicure. Il l'a dit avant tous les Modernes; & c'eft fur quoi il auroit eu befoin, comme eux, d'une double démonftration: la premiere, pour prouver la poffibilité & le fait d'un être fenfitif compofé de parties qui ne fentent point; la feconde, pour prouver que cette compofition, n'eft, ni ne peut être exiftante après la décompofition du corps groffier.

Toutes les autres preuves d'Epicure contre l'immortalité de

l'Ame, se réduifent à fa dépendan

ce apparente des différens états du Elle femble fe développer, corps. fe fortifier, s'affoiblir avec lui; elle eft gaie, trifte, vive, languiffante, felon que le fang coule, où qu'on a bien ou mal digeré. Ariftote avoit répondu à cette objection faite long-tems avant Epicure. Dans un vieillard la mémoire tombe, l'imagination s'éteint toutes les facultez de l'ame femblent s'affaiffer comme le corps.

Mais le corps n'étant que l'inftru

ment de l'ame, ne peut-on pas attribuer à l'inftrument feul, ce qu'on veut attribuer à l'ame ? Donnez un œil de vingt ans à une ame de quatre-vingts; elle verra comme à vingt ans : & de même, l'homme de vingt ans verra comme à quatre-vingts,fi on lui donne un œil de quatre-vingts ans. J'écris rouge ou noir, avec de l'encre

rouge ou noire; gros ou fin, net ou brouillé, avec une plume bien ou mal taillée. L'application est aifée. C'en eft affez du moins pour ôter aux preuves tirées de la dépendance de l'ame, l'effet de la démonftration qu'Epicure prétend leur donner, & pour faire renaître les inquiétudes de l'obfcurité.

On ne lui parle point de ces opérations de l'efprit qui font toutes intellectuelles, & qui, quand même elles auroient des liaisons d'origine avec les fens, ne peuvent être l'ouvrage des fens. On ne lui parle point de ce tréfor immense d'idées de toute efpece, fur lef quelles l'activité de l'efprit se fixe, & travaille à fon gré, pour en compofer fes notions & fes raifonnemens. On ne lui demande point par quel art de fympathie,le corps aide l'ame à former de longues chaines de pensées infiniment sub

tiles, & toutes compofées d'une infinité d'idées. Epicure n'a pas porté jufques-là fes recherches. Mais on lui demande quel avan→ tage il a prétendu tirer de la mortalité de l'ame.

Il répond, fans mistère, que c'eft pour être plus tranquille en

cette vie.

ne feroit

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On lui réplique que quand même cette opinion feroit la plus probable, ce qui n'eft point, elle pas la plus fûre cela est évident. Si je me trompe, difoit le vieux Caton, quand je crois » que les Ames font immortelles, c'eft une erreur qui me plaît: » je ne veux point qu'on me l'arrache, tandis que je fuis vivant. >> Et fi, comme le veulent quelques Philofophes du dernier rang, je n'ai plus de fentiment après ma » mort; je ne crains point que les autres Philofophes morts, vien

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» nent

nent fe railler de ma crédulité (a): On lui demande en faveur de qui il a travaillé en bâtiffant un pareil fiftême. Tout le genre humain eft partagé en deux claffes, dont l'une comprend les gens de bien, & l'autre les méchans. J'entens ici par méchans ceux qui obfervent la loi par crainte, & qui la tranfgreffent par goût; & j'entens par gens de bien, ceux qui obfervent la loi par goût, & qui ne la tranfgreffent que par foibleffe.

Il n'eft point de méchans heureux: le vice, par la raifon feule qu'il eft vice, trouble & ronge toujours le cœur où il habite. La crainte du deshonneur, de la pu

minuti Philofophi cenfent) nihil fentiam : non

(a) Quod fi in hoc | Sin mortuus (ut quidam erro, quòd animos hominum immortales effe credam, libenter erro : nec mihi hunc errorem

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quo delector, dum vivo, extorqueri volo,

vereor ne hunc errorem meum mortui Philofophi irrideant. Cat. maj, n. 23.

F

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