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feme, il a fon affiette naturelle: c'eft-là qu'eft le vrai bonheur. Ecoutons maintenant les leçons du Philofophe.

Si vous êtes fans besoins, vous êtes auffi fans defirs. Si vous êtes fans defirs, vous êtes content; & par confequent heureux. Tâchez de vous maintenir dans cet état.

Si vous avez des befoins; leur objet eft dans la nature, ou dans le caprice d'une vaine imagination. Vous voyez, fans qu'on vous le dife, qu'il faut renoncer à tous les befoins de fantaisie: c'eft multiplier les chaînes & les douleurs de la vie, à pure perte. Mais fi cet objet eft dans les bornes & les loix de la nature; vous avez acquis en naiffant, le droit de vous y porter: cependant il faut encore dif tinguer.

Si cet objet vous eft absolument néceffaire pour votre conferva

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tion; nulle loi ne peut vous em pêcher de le pourfuivre. La loi de votre propre confervation paffe avant tout. Il n'eft point d'animal qui puiffe oublier l'intérêt de fon être : voilà la régle générale. S'il ne vous eft pas abfolument néceffaire ; je vous confeille de vous en abftenir encore, & de le renvoyer avec les befoins de pure fantaisie.

Qu'Epicure prefcrive ce régime philofophique à une ame paisible, dont les mouvemens foient doux, les idées pures & fans mélange; on conçoit qu'il fera bien reçu, & pratiqué fans effort. Mais il n'étoit point néceffaire. Cette ame eft faine, & n'a nul befoin des remedes de la Philofophie. C'eft un homme malade qu'il faut guérir. La Philofophie eft la médecine de l'efprit.

On lui propofe donc un homme,

jeune ou vieux (car il veut qu'à tout âge on travaille à fe rendre heureux (qui ait les befoins de la nature & ceux de l'imagination & même du caprice, & qui les ait à un degré violent. La cupidité enflammée a mis le trouble dans toutes fes facultez : la résistance & les combats n'ont fait que redoubler l'ardeur de fa fiévre. Guériffez-moi, s'écrie cet homme adreffant la parole à Epicure, jè viens à votre école: on dit que vous poffedez l'art de rendre l'hom me heureux.

Rien n'eft plus facile. Mais avant que de vous donner des préceptes, il faut vous donner des idées. Je ne ferai pas long.

Votre état eft un état de douleur. La douleur eft le fouverain mal, de même que la volupté eft le fouverain bien. Toute douleur eft une affection défagréable de

l'ame ou du corps. Toute vo lupté eft une affection agréable du corps ou de l'ame. Je vais vous donner les principes généraux feulement ce fera à vous-même d'en faire l'application à l'état où vous êtes.

Toute volupté eft bonne en foi: toute douleur en foi eft mauvaife. Mais la premiere eft quelquefois précedée ou fuivie de douleurs, & la feconde, quelquefois précedée ou fuivie de volupté. Il faut donc ufer de prudence, & fe conduire felon les régles qué voici :

I. REGLE.

Embraffer la volupté qui ne tient à aucune douleur.

II. REGLE.

Rejetter la douleur qui ne tient

à aucune volupté.

A

III. REGL E.

Rejetter une volupté qui en empêche une plus grande, ou qui tient à une plus grande douleur. IV. REGL E.

Embraffer une douleur qui délivre d'une plus grande douleur, ou qui tient à une plus grande volupté (a).

Voilà une balance que la Philofophie préfente à la Raison, pour péfer les intérêts de l'homme,& le déterminer par le plus grand poids.

On pourroit demander à Epicure, fi la raifon de l'homme dont il s'agit, qui n'a pour contre-poids ni la crainte des Dieux, ni l'idée d'une feconde vie, peut ufer de cette prétendue balance dans l'é tat où il eft.Son cœur eft aux abois; (a) Voyez la Lettre à Menécée.

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