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Bons

mors & fentimens

le service de la Majefté, étoit de prier Dieu pour l'heureux fuccès de fès ar

¿'HenriIV. mes. Le Roi mécontent de cette réponfe, dit: La priere fans le jeûne n'eft point efficace ; je ferai jeuner mon Coufin de Soiffons, en ne le payant point, afin que fes prieres puiffent être exaucées.

Ce Monarque étant fur le point de donner la bataille d'Yvri, écrivit à Gabrielle d'Eftrées ; il lui dit : Si je suis vaincu, vous me connoissez assez pour croire que je ne fuirai pas, mais ma derniere pensée fera à Dieu,& l'avantderniere à vous.

Il employoit la patience pour ramener les efprits des Ligueurs, il dissimuloit même leurs mauvaises volon tés: 11 difoit, qu'un fage Roi étoit comme un habile Apothicaire,qui des plus méchans poisons compofe d'excellens antidotes.

Dans le tems qu'on déploroit le feu que la ligue avoit allumé dans toute la France: Si je voulois, dit-il, je l'éteindrois avec un feul feau d'eau. Et comment, Sire, lui demanda un de fes Courtifans? En le faifant boire au Cardinal de Lorraine, répliqua-t-il en

fiant.

Je paffe des bons mots & des fentimens Henri IV. à ceux de Louis XIV. ces deux Monarques ont mérité le nom de Grand.

Quand on haranguoit Louis XIV. on avoit befoin d'une grande fermeté; parce que ce Prince regardoit un Orateur, comme s'il eût voulu lire dans fon ame. Un Prélat fort éloquent malgré la grande habitude qu'il avoit de parler en public, fut déconcerté dans un difcours qu'il fit à ce Monarque, & il héfita quelque tems: ce Prince tempérant alors cette noble fierté qui éclatoit fur fon front, dit d'un de ces tons de voix qui entrent dans le cœur, & qu'il fçavoit prendre fi à propos : Nous vous fommes obligés, Monfieur, de nous donner le Loifir d'admirer les belles chofes que vous nous dites. Le Prélat fe remit fur les voies, & continua fon difcours avec fuccès.

Ce que l'on doit le plus admirer dans Louis XIV. c'eft que les réponses concises & heureuses, partoient tou jours de fa bonté; la Lettre qu'il écri vità M, de Marfillac, pour lui appren

Bons mots & fentiLouis XIV.

mens de

Bons mots dre qu'il l'avoit nommé Grand-Maître & fenti- de fa garde - robe, fait également Louis XIV. d'honneur à fon cœur & à fon efprit. Elle commençoit ainsi :

mens de

Je me réjouis comme votre Ami, du préfent que je vous fais comme votre Maître.

Ce Prince ne s'étoit pas contenté de s'interdire la raillerie; il lui impo foit filence. Un petit-Maître voulant jetter un ridicule fur l'incapacité d'un jeune Seigneur, dit à ce Monarque qu'on feroit un fort gros Livre de ce que ce Seigneur ne fçavoit pas. Ce Prince prenant alors un air fevere, dit à ce Railleur: Et on en feroit un fort petit de ce que vous fçavez,

Monfieur le Duc de .... ayant eų dans fa jeuneffe une conduite qui déplut à ce Prince, voulut regagner son cftime au fiége de Mons: il alla au feu dans plufieurs occafions avec un fang-froid, une intrépidité & un jugement de Héros. Le Roi lui rendit alors fon eftime, & lui dit : Monfieur le Duc, vous n'étiez pas content de moi, je n'étois pas content de Vous oublions le paffé, & dorénavant datons

de Mons.

Il fit paroître la droiture de fon

cœur

meas de

cœur & fa fenfibilité à la mort de la Bons mots Reine: Eft-il poffible, s'écria-t-il, & fentique la Reine foit morte, & que je que je la Louis XIV. perde pour toujours, elle qui ne m'a jamais donné de chagrin que celui de la mort?

Ce Prince avoit des phrafes qu'il plaçoit avec beaucoup de jufteffe.

Le Maréchal de Catinat, oncle de M. Pucelle Confeiller au Parlement, le remercia du choix qu'il avoit fait de ce Magiftrat pour être Premier Préfident du Parlement de Dauphiné. Ce Prince qui affaifonnoit toujours des traits de fa bonté les graces qu'il faifoit, dit à ce Maréchal : Soyez perfuadé, Monfieur, que je ne fuis jamais en garde contre l'envie que j'ai de vous faire plaifir.

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Un Muficien parla fort mal d'un des premiers Seigneurs de la Cour, Son difcours fut rapporté à celui qu'il avoit offenfé. Il connut fa faute: afin de prévenir le malheur qui le ménaçoit, il alla se jetter aux pieds du Roi, pour lui demander grace d'un crime énorme qu'il difoit avoir commis, & que la honte l'empêchoit de confeffer. Le Roi lui demanda s'il avoit volé affaffiné: J'ai fait pis que tout cela, Tome I.

B

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lui répondit le Muficien, j'ai parlé mal de Monfieur.... il nomma le grand Seigneur qu'il avoit défobligé. Le Roi lui pardonna, après lui avoir fait une réprimande. Quelque tems après le Muficien chanta un Motet à la Chapelle de Verfailles, pendant que le Roi y entendoit la Meffe. Le Courtifan offenfé dit au Roi: Sire, Votre Majefté ne remarque-t-elle pas que ce Muficien ne chante plus bien? Vous vous trompez, répondit le Roi, il chante bien, mais il parle mal.

Defpréaux ayant fait l'éloge du Roi, préfenta fon Ouvrage à ce Monarque, qui lui dit après l'avoir lu: Je vous louerois fi vous ne m'aviez pas loué.

C'est ainsi que commencent les Mémoires de la Reine Marguerite *: Je louerois davantage votre œuvre, fi elle ne me louoit tant. Elle parle au Baron de la Chatagneraye, Chambellan du Duc d'Alençon.

pour

Un des premiers Valets de Chambre du Roi lui demanda un Bénéfice un de fes amis, Ce Prince lui répondit d'un ton grave; Et quand cefferez vous de demander? Il ajoûta en riant,

* Elle étoit fœur d'Henri III, elle époufa Henri IV.

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