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Bons mots

pour les autres, & jamais pour vous. Lagrace, pourfuivit le Roi, que vous & fentime demandez en faveur d'un de vos Louis XIV. amis, je l'accorde à votre fils.

Louis XIV. avoit l'air fier & impofant. Ce Prince a avoué au Comte de Buffi-Rabutin, qu'il n'auroit été que trop porté à tempérer la fierté qui le diftinguoit fi noblement; mais qu'il craignoit d'être obligé de punir le François né familier, qui pourroit peut-être lui manquer de refpect. Ainfi la fierté extérieure de ce Monarque prenoit fa fource dans sa bonté.

La vie eft un tréfor précieux qu'on ne doit commettre que fagement: comme on ne la doit pas épargner dans des occafions glorieuses, on ne la doit pas facrifier lorfqu'on ne peut acquérir aucune gloire. Un Capitaine aux Gardes attaqué dans Paris par cinq voleurs qui lui demanderent la bourfe, la leur difputa avec tant de valeur, qu'il en tua deux & écarta les autres; il fortit du combat bleffé dangéreufement. On louoit fort fa bravoure; mais Louis XIV. qui n'admi roit que ce qu'il faut admirer, dit dans cette occafion : Cet Officier eft

meus de

Bons mots très-brave, mais il aime bien l'argent, On doit ajouter aux réponses heu

& fentimens de

Louis XIV. reufes de Louis XIV. celle qu'il fit à un Courtifan, qui n'aimoit pas le Ma réchal de Choifeuil, à qui ce Prince avoit donné le commandement de fon armée en Allemagne. Le Courtifan repréfentoit au Roi, que ce Général avoit la vue baffe: Hé bien, lui répondit le Roi, il en verra les ennemis de plus près.

On ne doit pas oublier ce que ce Prince dit, pour louer le Duc de Vendôme, quand il apprit la nouvelle de la victoire gagnée à Villaviciofa fur les Alliés. Quoi, dit-il, cette armée qui a été vaincue, il y a trois mois, eft victorieufe à préfent! Voilà ce que c'eft qu'un homme de plus.

Je ne finirois jamais, fi je rapportois toutes les louanges délicates que ce Monarque a données à ceux qui les méritoient. Il dit au Marquis d'Uxelles, qui le vint faluer après avoir rendu Mayence au Duc de Lorraine • Vous avez défendu la place en homme de cœur, & vous avez capitulé en homme d'efprit. Le fouverain plaifir de l'amour-propre, c'est d'être loué par fon Roi.

mens

de

Monfieur le Prince venant faluer le Bons mots Roi après la bataille de Senef, ce & fentiMonarque fe trouva au haut du dé- Louis XIV. gré. Monfieur le Prince, à caufe de a goutte, montoit fort doucement; il dit au Roi au milieu du dégré: Je demande pardon à Votre Majefté, fr je la fais attendre. Mon Coufin, lui répondit le Roi, ne vous preffez pas; quand on eft chargé de lauriers comme vous, on ne fçauroit aller vite.

Le Sieur de la Pleigniere rendoit compte au Roi d'une affaire dont il étoit chargé ; il étoit immédiatement fous une gouttiere dans le tems d'une petite pluie, il ne changea point de fituation. Le Roi dit alors aux Dames de la Cour Vous voyez de la Pleigniere, il méprife également les dangers de la guerre & les injures de l'air.

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Ce Monarque ayant donné une penfion à M. Talon Avocat Général, Monfieur de Lamoignon, auffi Avo+ cat Général, alla faluer le Roi quelque tems après. Ce Prince lui dit : Monfieur de Lamoignon, vous ne me demandez point de penfion : J'attendois, répondit ce Magiftrat, que je l'euffe méritée. En ce cas-là, reprit le

"

Bons mots Roi, il y a long- tems que je vous en & fenti dois les arrérages, & il le gratifia d'uLouis XIV. ne penfion de deux mille écus.

mens de

Quand il donna l'Evêché de Nîmes à l'Abbé Fléchier, il lui dit : Ne foyez pas furpris, fi j'ai récompensé fi tard votre mérite, j'appréhendois d'être privé du plaifir de vous entendre prêcher, fi je vous faifois Evêque.

Voici un trait qui caractérise affez bien la bonté de ce Prince. On avertit un Portier du Parc de Verfailles, que le Roi devoit paffer par la porte qu'il gardoit: cependant quand Sa Majefté y arriva, il ne s'y trouva point. On s'empreffa de le chercher. Le pauvre homme, qui courut tant qu'il put arriva tout effoufflé; on l'accabloit de reproches: Hé pourquoi, dit le Roi, le tourmentez-vous? croyezvous qu'il ne foit pas affez affligé de m'avoir fait attendre ?

Ce Monarque avoit l'art de louet magnifiquement la vertu. Il dit au fujer d'une belle action de l'Abbé Jeannon: Cet exemple de probité & de défintéreffement me paroît fi rare, que je le regarde comme un ornement de mon regne.

Monfieur de Mesmes Premier Pré

fident, parlant de ce Monarque, dit: Bons mots Que Sa Majefté pouvoit auffi peu fouf- & fentifrir un mot hors de fa place, qu'un Louis XIV. foldat hors de fon rang.

Quand on apprit que le Duc de Vendôme avoit gagné la bataille de Caffan, le bruit courut à la Cour, que le Prince Eugéne avoit été tué ; Louis XIV. s'écria, Quel dommage!

Ce Monarque s'eft dépeint tel qu'il étoit, dans une Lettre qu'il écrivit au Duc de Vendôme, au fujet de la bataille de Calcinato.

« Je ne fçais qui eft le plus aife, ou de vous, ou de moi, de nos heureux fuccès. Rien n'eft fi brillant ni fi avantageux pour les affaires d'Italie, »que le commencement de cette cam"pagne : je ne doute pas que vous ne la fouteniez avec la même fageffe & » la même valeur. Perfonne n'en eft fi perfuadé que moi, ni ne le fouhaite » davantage, par toutes les raifons qui »nous font communes; penfant l'un » comme l'autre, & pour le bonheur de la France, comme nous faifons. »Vous devez être convaincu, que > dans toutes les occafions je vous ferai »>connoître mon amitié, & la con>fiance que j'ai en vous. »

mens de

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