Imágenes de páginas
PDF
EPUB

la larme à l'œil, lui répondit : Ah! Bong Sire, en me rendant l'honneur que mots & vous m'aviez ravi, vous m'ôtez la fentimens d'Henrily, vie; car j'en ferois indigne, fi je ne la facrifiois pas aujourd'hui à votre fervice. Il périt dans cette bataille.

Le foir, le Maréchal d'Aumont venant rendre compte au Roi de ce qu'il avoit fait, le Roi qui foupoit fe leva, alla au-devant de ce Maréchal; l'ayant embraffé, il le fit affeoir à table, en lui difant: Il faut bien que vous foyez du feftin, puifque vous m'avez fi bien fervi à la noce.

Il affectoit fouvent de dire dans le

tem's que fa Cour étoit la plus nombreuse, afin de faire voir le cas qu'il faifoit de la Nobleffe: Nous fommes tous Gentilshommes.

Varenne, homme de fortune, avoit donné un Gentilhomme à fon fils; Henri IV. demanda qui étoit cet homme qu'il voyoit ordinairement avec fon fils: Varenne répondit, que c'étoit un Gentilhomme qu'il lui avoit donné: Comment, dit le Roi, donner ton fils à un Gentilhomme ? je comprens cela; mais donner un Gentilhomme à ton fils, c'eft ce que je ne puis comprendre,

Bons mots & fentimens d'Henri IV.

Dom Pedre, Ambaffadeur d'Efpagne, exaltant la grandeur de fon Roi, & faifant des menaces, Henri IV. lui dit qu'il porteroit le feu jufques dans I'Efcurial, & que s'il montoit une fois à cheval, on le verroit bientôt à Ma→ drid: l'Espagnol lui répondit arrogamment, le Roi François y fut bien: C'est pour cela, repartit le Roi, que j'y veux aller venger fon injure, celle de la France & la mienne; puis abaiffant le ton de fa voix : Monfieur l'Am baffadeur, lui dit-il, vous êtes Efpa→ gnol, je fuis Gafcon, ne nous échauf fons point, nous poufferions loin la rodomontade.

?

Le Roi montrant à cet Ambaffadeur fes bâtimens de Fontainebleau, où il n'y avoit que deux Chapelles qui étoient affez petites, il lui dit : Que vous en femble, Monfieur l'Ambafladeur L'Espagnol répondit, qu'on avoit logé Dieu bien à l'étroit; le Roi piqué de ce qu'on taxoit fa piété, répondit: Vous, Meffieurs les Efpagnols, ne fçavez donner à Dieu que des Temples matériels, nous autres François, nous ne le logeons pas feulement dans les pierres, mais dans nos cœurs; quand il feroit logé dans

des vôtres, je craindrois qu'il ne fût encore dans des pierres.

Bons

mots & fentimens

Le Roi lui montrant un jour la ga- d'Henri IV, lerie du Louvre, lui en demanda fon avis: L'Escurial, dit Dom Pedre, eft tout autre chose. Je le crois, repartit le Roi; mais y a-t-il un Paris au bout comme à mes galeries?

Un jour cet Ambaffadeur voyant au Louvre l'épée du Roi entre les mains d'un Porte-manteau, s'avança, mit un genou en terre & la baisa, rendant cet honneur, difoit-il, à la plus glorieufe épée de la Chrétienté.

Le Maréchal d'Eftrées étant dans le carroffe du Roi, ce Prince lui montra un Garde qui marchoit à fa portiere: Voilà, dit-il, le foldat qui me blessa à la journée d'Aumale.

Il difoit dans les batailles qu'il avoit gagnées, qu'il ne pouvoit le réjouir de voir les François fes fujets étendus morts fur la place, qu'il achetoit trop cher le gain qu'il faifoit.

Il ne voulut point accorder l'abolition d'un excès commis fur des Officiers de Juftice: Je n'ai que deux yeux, dit-il, deux mains, deux pieds, comme mes fujers; je ne differe d'eux que

Bons mots & fentimens d'Henri IV.

parce que j'ai la force de ma justice en ma difpofition.

Il dit à un homme de condition, qui lui demandoit grace pour un affaffinat que fon neveu avoit commis: Je fuis bien fâché de ne pouvoir pas vous accorder ce que vous me demandez: il vous fied bien de faire l'oncle, & à moi de faire le Roi ; j'excufe votre demande, excufez mon refus.

Un Ambaffadeur d'Espagne, lui ayant témoigné qu'il étoit furpris de voir que quantité de Gentilshommes l'environnoient & le preffoient un peu: Un jour de bataille, dit-il, ils me preffent bien davantage.

Le Duc de Savoye lui ayant demandé ce que lui valoit la France: Elle me vaut, répondit-il, ce que je veux; le Duc voulant le preffer de s'expliquer davantage : Oui, repliqua-t-il, ce que je veux, parce qu'ayant le cœur de mes fujets, j'en aurai ce que je voudrai; & fi Dieu me laiffe vivre encore quelque tems, il n'y aura point de Laboureur dans mon Royaume qui n'ait le moyen d'avoir tous les jours une poule dans fon pot; & je ne laif ferai pas, pourfuivit-il, d'avoir de

quoi entretenir des gens de pour mettre à la raison ceux qui quent mon autorité.

guerre
cho-

Quelques troupes qu'il envoyoit en Allemagne, ayant fait des défordres en Champagne & pillé quelques maifons de Payfans, il dit aux Capitaines qui étoient demeurés à Paris : Partez en diligence, donnez-y ordre, vous m'en répondrez: quoi! fi on ruine mon peuple, qui me nourrira, qui foutiendra les charges de l'Etar qui payera vos penfions, Meffieurs 2 Vive Dieu, s'en prendre à mon peuple, c'eft s'en prendre à moi.

Quand il ne pouvoit pas affifter à la Meffe les jours ouvriers, il difoit aux Prélats qui étoient à la Cour : Quand je travaille pour le public, il me femble qite c'eft quitter Dieu pour Dieu

même.

Il difoit quelquefois à fes confidens: Les François ne me connoiffent pas bien, ils fçauront ce que je vaux quand ils m'auront perdu, puis levant les yeux au Ciel Seigneur, difoit-il, je fuis prêt à partir quand il vous plaira, mais que deviendra ce pauvre peuple?

Quand on lui représentoit qu'il ne

Bons

mots & fentimens d'Henri IV.;

« AnteriorContinuar »