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Ce même Prince voulut après fa bataille de Steinkerque, que l'on mît dans nos chariots nos bleffés & ceux des Ennemis. Après le combat, dit-il, il n'y a plus d'ennemis fur le champ de bataille.

Il faifoit fouvent au Roi des leçons fur la politique; Je ne vous cacherai rien, Sire, lui difoit-il, pas même mes fautes.

Louis XII.

Louis XII. étant dans le Milanez Valeur he fe voyoit obligé de décamper. On lui roque de repréfenta que les Ennemis s'étoient emparés du feul camp qu'il pouvoit prendre. Sire, où camperez-vous ? lui demanda un grand Seigneur de fa Cour: Sur leur ventre, répondit-il. On repréfenta au Comte de Montal, qui alloit au- devant d'un Parti di Comte des Ennemis, qu'il devoit les envoyer de Montal reconnoître pour en fçavoir le nombre. Nous les compterons, dit-il, quand nous les aurons défaits.

Bon mot

Prince de

Le grand Prince de Condé nous Bons mots a retracé Céfar par la force & la viva- du Grand cité de fon efprit, & par fa fcience Condé. militaire. Il femble que la nature en le faifant paroître fur le théâtre du monde, ait voulu renouveller le même fpectacle qu'elle donna,lorfqu'elle

mit au jour les grandes qualités de ce célébre Empereur.

Un Maréchal de France, envieux & flateur, lui dit après la bataille de Rocroi: Que pourront dire à préfent les envieux de votre gloire? Je n'en fçais rien, lui dit Monfieur le Prince, voudrois vous le demander.

je

Monfieur le Comte D** grand parleur, voulut par fes difcours ennuyeux l'empêcher de dormir: Ou laiffez-moi dormir, lui dit ce Prince, ou ne m'endormez pas.

Un Député des Etats de Bourgogne, très- embarraffé, lui ayant fait une harangue fatiguante, lui demanda ce qu'il diroit aux Etats de la part de fon Alteffe. Dites-leur, répondit le Prince, que nous avons eu tous les deux bien de la peine, vous à achever votre harangue, & moi à vous entendre.

Un autre Orateur en le haranguant, bredouilla fi fort, qu'on n'entendit aucune parole. Le Prince en lui répondant, imita le même bredouillement, & puis il dit à fon Secretaire: Ecrivez la harangue & la réponse.

Le Duc de L*** fe promenoit avec ce Prince dans fa Cour de Chantilli,

Jui montrant la Statue Equeftre du Connétable de Montmorenci, dont il prétendoit defcendre, il lui dit : Voilà notre grand - pere. Le Prince indigné de ce parallele, lui répondit: Le vôtre eft entre les jambes du

mien.

pas

Lorfqu'il commandoit l'Armée du Roi en Flandres, il voulut dans une occafion faire avancer une petite troupe. Un Officier, bon Gentilhomme, qui la commandoit, n'obéit pas affez promptement; le Prince alla à lui la canne haute; l'Officier fur piqué jufqu'au vif de ce gefte menaçant, il fe crut deshonoré mais il ne laiffa de faire fon devoir. Le rang de celui qui l'avoit offenfé lui fermoit les voies toutes fortes de fatisfactions; il affecta néanmoins de fe préfenter devant lui avec un vifage extrêmement trifte. Le Prince partit pour Paris à la fin de la campagne, l'Officier le fuivit. Le Prince après avoir fait fa cour, alla à Chantilli; l'Officier s'y rendit auffi, & fe montra affidument à fes toutes les heures où il le pouvoit voir, toujours avec la contenance d'un homme pénétré d'une profonde douleur. Le Prince ayant fait attention fur les

yeux

affiduités de l'Officier, qui avoient commencé depuis l'affront qu'il lui avoit fait à l'Armée, le fit entrer dans fon cabinet, & feul à feul, il commença avec lui cette converfation: J'ai démêlé à travers toutes vos démarches & les foins que vous prenez de paroître toujours devant moi, que vous êtes très-fenfible à la menace que je vous fis à la tête de votre troupe; mais quand votre honneur feroit intéreflé, eft-ce que vous croyez qu'il

y

ait quelque remede à cela? L'Officier jugea bien qu'en répondant précifément à cette demande, il s'écarteroit du refpect qu'il devoit au Prince; il fe contenta de montrer un vifage plus ouvert, & de faire voir par-là qu'on étoit entré dans fa pensée. Le Prince pourfuivit : Vous ne me répon dez point, eft-ce que vous exigeriez que je vous fiffe fatisfaction? L'Officier continua toujours de garder le filence: Je vous entens, reprit le Prince, je veux vous contenter; trouvezvous demain matin dans la grande allée de Chantilli, j'y viendrai feul, yous m'y verrez l'épée à la main. L'Officier fit alors une profonde réverence, & montra par la joie qui

brilloit dans fes yeux, combien il étoit fenfible à l'honneur que le Prince lui faifoit. Il fe trouva au rendezvous; le Prince mit l'épée à la main, & lui ordonna de la mettre. L'Officier alors fe jetta à fes genoux, en lui difant: C'est trop qu'un grand Prince veuilie bien fe mettre en état de me fatisfaire, je demande à votre Alteffe mille pardons de ma témérité, & je vous fupplie d'excufer l'extrême fenfibilité d'un honneur qui s'eft cru bleffé. Le Prince reçut parfaitement bien l'excufe de l'Officier; il lui promit fa protection, & il travailla dans la fuite à l'avancement de fa fortune.

On a fait à la louange de ce Prince un Madrigal qui eft fi beau, qu'il n'a rien perdu de fa beauté, quoiqu'il foit devenu fort commun.

Portrait du Grand Prince de Condé.

J'ai le cœur comme la naiffance,
Je porte dans les yeux un feu vif & brillant,
J'ai de la foi, de fa conftance;
Je fuis prompt, je fuis fier, généreux & vail-

lant,

Rien n'eft comparable à ma gloire.

Les plus fameux Héros qu'on vante dans

l'Hiftoire

Ne me la fçauroient difputer.

Le Labou

reur.

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