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Harlay.

Un Confeiller dont le pere, dit-on, Traits & avoit porté la mandille, avoit une bons mots culote de velours rouge. Monfieur de de M. de Harlay qui crut qu'elle étoit indécente dans un Magiftrat, lui dit: Je ne fuis point furpris de vous voir cet ha billement cavalier, on aime les couleurs dans votre famille.

JDeux Magiftrats habillés en PetitMaître l'allerent voir dans fa maison

de campagne. Leurs amples fteinkerques qui ferpentoient dans leurs boutonnieres fraperent Monfieur de Har lay. Après les premiers complimens, il leur dit avec cette liberté qui fied fi bien dans le commerce du monde : Meffieurs, vous voulez bien me permettre de finir une petite affaire domeftique. Ils lui témoignerent qu'ils feroient très-fâchés de le gêner. Il fit venir fon Intendant à qui il ordonna en leur préfence qu'il mît dehors Petit-Jean, fon Valet de Chambre, après lui avoir payé fes gages. Cet ordre donné, il continua la converfation, Un moment après, l'Intendant revint lui dire qu'il avoit fignifié à Petit Jean fon congé, que ce Domestique ignoroit la caufe de fa difgrace; que connoiffant fon Maître infléxible.

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il

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Traits &

Harlay.

n'ofoit pas efpérer qu'il revoquât bons mots l'ordre qu'il avoit donné de le chaf de M. de fer; mais qu'il demandoit pour toute grace d'apprendre de fa bouche la faute qu'il avoit commise, Hé bien, dit Monfieur de Harlay, qu'il paroiffe devant moi. Petit-Jean qui étoit à la porte, vint la larme à l'œil, embraffer les genoux de fon Maître, qu'il preffoit, en lui difant: Que n'ayant rien oublié pour lui plaire, il étoit bien malheureux de lui avoir déplu, & d'ignorer fon crime. Ce difcours fut à chaque mot interrompu par des fanglots qui attendriffoient les fpectateurs. Monfieur de Harlay lui dit alors: Puifque vous m'obligez à vous dire votre crime, vous en aurez toute la confufion. Quoi! yous ofez porter une fteinkerque, à l'exemple de nos Magiftrats, vous vous oubliez jufqueslà. Ce n'eft point à vous à fuivre une mode qui leur eft réfervée, & à vous habiller comme eux en Petit-Maître. Les Magiftrats fentirent le contrecoup de la réprimande, ils intercederent pour Petit-Jean,& obtinrent fa grace. ¶N** célébre Partifan accaparoit des bleds dans une année de difette, Monfieur de Harlay l'envoya querir.

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Le

Trairs &

de M. de

Harlay.

Le Partifan vint dans un carroffe doré, comblé de Laquais devant & derrie- bons mots re. Les courfiers fringans qui faifoient retentir le pavé, en entrant dans la cour firent un fracas qui imitoit le bruit du tonnerre. Il avoit de gros diamans aux doigts, & un habit relevé d'une broderie d'un goût exquis. Monfieur de Harlay affecta de le laiffer morfondre dans fon antichambre; il le fit enfin entrer. Quand je vous ai fait attendre, lui dit-il, j'ai confulté ma vanité, votre carroffe orne ma cour, & votre perfonne mon antichambre. Son vifage ferein devint enfuite fombre tout à coup. Monfieur, pourfuivit-il, je vous ai mandé pour vous dire que j'ai appris que vous prévalant de la cherté des bleds, vous en faifiez de grands amas. Vous prétendez vous enrichir par la mifere du peuple, & vous engraisser de sa subftance; j'arrêterai le cours de votre projet. Si tous ces bleds que vous avez amaffés ne font pas vendus dans un mois, je vous ferai pendre; la faveur & le crédit ne vous déroberont point à la Juftice. Le Partisan interdit fe retira, il ofa porter fes plaintes au Roi fur le difcours du Magiftrat. J Tome I.

D

Traits & vous confeille, lui dit le Roi, d'exébons mots cuter les ordres qu'il vous a preferits; car s'il vous a menacé de vous faire pendre au cas que vous lui désobéif→ fiez, il le fera comme il l'a dit.

de M. de Harlay.

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Il étoit à Versailles, aflis fur un banc dans une antichambre: il atten→

doit que le Roi pafsât. Un Page qui
le vit dans cette attitude eut la malice
d'attacher, fans qu'on y prît garde,
la perruque de ce Magiftrat à la ta-
pifferie avec une groffe épingle. Un
moment après on cria: Voici le Roi.
Monfieur de Harlay fe leva avec beau→
coup d'empreffement, mais sa
fa perru
que refta où on l'avoit attachée, & il
parut devant le Roi avec un crâne
pelé, il ne fe déconcerta point, &
fans rien diminuer de fa gravité, il
dit au Roi: Je ne croyois pas avoir
l'honneur de faluer aujourd'hui Voë
tre Majesté en enfant de Chœur, Le
Roi eut bien de la peine à s'empêcher -
de rire; il comprit bien que c'étoit
un tour de Page; il voulut fçavoir
qui étoit l'Auteur de la piéce; le Page
parut ; & pour s'excufer, il dit: Que
c'étoit une petite repréfaille pour un
grand procès que ce Magiftrat avoit
fait perdre à fa famille, Le Roi lui

Traits & bons mots Harlay.

de M. de

ordona de ne point paroître qu'il n'eût demandé pardon à Monfieur de Harlay. Le Page attendit qu'il fût minuit pour exécuter l'ordre; alors il monta à cheval, & courut au grand galop chez Monfieur de Harlay où tout le monde étoit couché. On fut bientôt éveillé par le bruit qu'il fit à la porte, tout le quartier en fut ému. Les gens de Monfieur de Harlay parurent aux fenêtres. On demanda pourquoi on faifoit ce carillon. Il faut, dit le Page,que je parle à votre Maître, de la part du Roi. On fut avertir ce Magiftrat qui fe leva, & mit fa Simarré de velours cifelé, pour recevoir en habit décent le Courier que le Roi lui envoyoit. On l'introduifit en cérémonie dans la Sale des Audiences.Quand il fut entré, il dit: Monfieur, je fuis ici de la part du Roi, pour vous de-. mander pardon d'avoir hier accroché votre perruque. Monfieur de Harlay fans s'émouvoir, dit: Cela n'étoit pas. bien preffé. Le Page s'en retourna après avoir fait tout ce tintamarre, & parut le lendemain au lever du Roi, à qui on raconta ce que le Page avoit fait. Le Roi plia les épaules, en difant : Cela eft bien Page.

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