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l'autre faifoient partie de la doctrine populaire concernant la Providence. A mon avis, dit M. Warburton ce qui contribua à entretenir les Payens dans l'idée des Métamorphofes, fut un certain tempérament mélancholique capable de produire les effets les plus furprenans. Il y avoit parmi les anciens une maladie affez commune qui naiffoit de cette difpofition; ils la nommoient Lychantropie. Celui qui en étoit attaqué, s'imaginoit qu'il étoit changé en Loup, ou en quelque autre animal fauvage. On ne doit point être furpris qu'une opinion confacrée par la religion, telle que celle des Métamorphofes, ait eu de fi grans effets fur l'imagination déja malade de perfonnes déchirées par le remords de leurs crimes & qu'elle leur fit conclure qu'ils étoient devenus l'objet de la vengeance divine.

Ce dérangement de l'imagination qui procédoit du dogme de la Religion fur la Métamorphofe, faifoit à fon tour beaucoup valoir ce dogme: en forte que la moindre bagatelle, un nom équivoque, un rien fuffifoient pour en conferver le crédit, & donner fouvent naiffance à des fables particulieres, ou à des embélliffemens inventés après

coup pour en foutenir le merveilleux. Plufieurs Auteurs graves firent des recueils de Métamorphofes, comme Nicandre, Boëus, Parthenius, Callifthéne, Dorothée & Adrien le Sophifte. On peut juger de la nature de ces recueils par celui d'Antonius Liberalis qui les a copiés; & c'eft de ces fources qu'Ovide a tiré fes matériaux pour en former un poëme d'un plan magnifique & régulier, où il s'eft propofé de donner l'histoire populaire de la Providence, depuis la création du monde jufqu'au tems où il vivoit, fuivant les hiftoires & les traditions des Egyptiens, des Phéniciens, des Grecs & des Romains. Quoique pour égaïer fon ouvrage, il y ait fouvent mêlé le récit des amours des Dieux, également autorisé en cela par les traditions religieufes, cependant il ne perd jamais de vûë fon objet principal, ayant foin de rappeller fouvent à fes lecteurs, que toutes les punitions dont il parle, font infligées par les Dieux pour fe venger des impies.

il en

Mais jaloux, pour ainfi dire, de la dignité fecrette de fon ouvrage, a donné lui-même la clef dans le dernier livre, afin que le lecteur intelli

gent ne fût point exposé à se méprendre fur le but & le deffein de fon poëme. Comme on croyoit que Pythagore étoit l'Auteur du dogme de la Métemplycole, Ovide fe faifit de cette circonftance pour apprendre à ses lecteurs; premierement, que fon poëme eft une hiftoire populaire de la Providence : fecondement, que le dogme de Métemplycofe eft la fource de celui de la Métamorphofe. Et c'eft ce qu'il fait. en introduifant Pythagore qui enfeigne & qui explique aux Crotoniates le dogme de la tranfmutation des êtres. Ce trait de l'art d'Ovide eft également juste & beau, & cette conclufion philofophique de fon ouvrage eft entiére-, ment dans le goût de l'antiquité. C'est auffi par rapport à ce but, que le Poëte fe promet à lui-même l'immortalité, & qu'il fe vante d'avoir fait un ouvrage que ni le fer, ni le feu, ni la colere de Jupiter, ni la voracité des tems ne pourront détruire. Telles font les réflexions de M. Warburton; je les crois. nouvelles, & d'autant plus dignes d'être connues qu'elles paroiffent folides, & que l'ouvrage qui. les contient eft rare en France.

On trouvera auffi des idées neuves

dans la Differtation fur l'exil d'Ovide, par M. R. D. R. imprimée en 1742. à Moulins, in-8°. L'Auteur, qui m'a fait l'honneur de m'envoyer fon ouvrage, mais lorsqu'il n'étoit plus tems que j'en fiffe mention dans le mien, eft M. Ribaud de Rochefort, qui fait sa réfidence à Gannat en Bourbonnois, où il cultive avec beaucoup de fuccès la Philofophie, l'Hiftoire & les belles Lettres. Il fe propofe d'examiner quatre chofes dans fa differtation, l'année, la caufe, le lieu & la durée de l'exil d'Ovide, & il ne tire fes preuves & fes conjectures que des écrits même du Poëte. C'eft en fe fondant fur eux qu'il montre, qu'Ovide avoit cinquante & un ans commencés lorfqu'il fut envoyé en exil fur la fin de l'an 761. & qu'il arriva à Tomes à la fin de l'hyver de 762. Qu'il faut diftinguer la cause vraie de fa difgrace de la caufe apparente. Que celle-ci fut d'avoir compofé l'art d'aimer : on fuppofoit que ce poëme trop libre avoit corrompu la jeuneffe Romaine. Il eft fi vrai, dit l'Auteur, que ce poëme ne fut qu'un prétexte qu'Augufte faifit pour fe difpenfer de rendre compte des vrais motifs qui l'engageoient à reléguer Ovide ;

qu'il y avoit eu un long intervale entre l'année où ce poëme avoit paru, & celle où l'Auteur fut exilé. Quelle eft donc la vraie caufe? Ovide dit clairement, que ce fut d'avoir commis quelque action qui avoit offenfé directement l'Empereur. Mais quelle étoit cette action? La plupart des Ecrivains difent qu'Ovide devint fufpect à Augufte, parce qu'on crut qu'il avoit aimé Julie fous le nom de Corinne, & que ce fut la caufe de fon exil. M. de Rochefort prétend, & le prouve, que les loix de la critique ne permettent pas d'adopter ce fentiment. Il réfute pareillement le fyftême de ceux qui fe font figurés que le Poëte avoit encouru l'indignation d'Augufte, parce qu'il avoit été témoin de l'incefte de ce Prince avec fa fille Julie. Quelle caufe affigne-t'il donc lui-même à la difgrace d'Ovide? I conjecture que ce Poëte fe l'attira par fes liaisons criminelles non avec Julie fille d'Augufte & de Scribonie, mais avec Julie fille de la premiere & de Vipfannius Agrippa, & femme de L. Æmilius Paullus fils du Cenfeur en forte que le Poëte s'étoit rendu coupable d'adultere, & qu'on lui fit grace en ne le condamnant point

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