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à la mort. Je ne dois point ôter le plaifir de voir les conjectures de l'Auteur fur ce point dans fon écrit où il les développe avec beaucoup de fagacité. Il ajoute que le Poëte eut toute la province de Pont pour exil, & que fa difgrace ne finit qu'avec fa vie, après avoir paffé fept ans moins quelques mois dans le lieu où il avoit été envoyé. M. de Rochefort termine fa differtation par quelques anecdotes fur les deux Julies, qui méritent la curiofité du lecteur.

La même raison qui m'a empêché de parler de cette differtation dans les deux derniers volumes, m'a moins permis encore de rendre compte de la vie de Tibulle tirée de fes écrits, qui n'a été publiée qu'en 1743. à Paris en deux volumes in-12. C'eft le fruit du commerce de M. Gillet de Moyvre, Avocat, avec les Mufes. La Littérature & le Barreau ne font point ennemis; & M. Gillet n'eft pas le feul de fa profeffion qui ait cherché à tempérer par les agrémens de la poëfie, la fécherelle inféparable de l'application aux affaires civiles. Ce qui eft beaucoup plus rare, c'est de trouver un Auteur affez indifférent pour les productions

pour ne les laiffer voir que plus de trente ans après leur naiffance, principaleinent quand ces écrits ne refpirent que l'amour profane. Si la paffion dicte ceux-ci dans un âge qui n'en eft que trop fufceptible, & dans lequel il est fi rare qu'elle ne foit point écoutée, on voit tous les jours les Auteurs de ces ouvrages les défavouer dans un âge mûr, & appréhender d'en être recournus pour les peres. M. Gillet a cru qu'il pouvoit penfer & agir différemment. Sa traduction en vers de la vie &des amours de Tibulle étoit achevée dès 171 3. & ce n'eft qu'en 1743. qu'il rompt les liens qui la retenoient depuis fi longtems captive. Au refte il affure

que

le feul amour du vrai l'a gaidé dans fon entreprile, & lui en a fait furmonter les difficultés. Fâché de voir que M. de la Chapelle avoit fait un Roman dangereux des amours de Tibulle & de Catulle, il a voulu montrer que fans recourir à des fictions étrangeres, on pouvoit donner l'histoire réelle de ces Poëtes par leurs feules poëfies. Il l'a tenté à l'égard de Tibulle & de Properce, & nous aurions celui-ci comme il vient de nous donner l'autre, fi quelque obftacle qui

n'a pû encore être vaincu, ne retenoit toujours ce dernier dans l'obfcurité où il eft auffi depuis 1713.

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Voici la méthode qu'il a fuivie. Pour effayer de faire connoître en notre langue les beautés des poëfies de Tibulle, pour peindre au naturel le caractere du Poëte, il s'eft appliqué à développer toutes les conjonctures où il s'eft trouvé, autant qu'il eft poffible de le faire. « Mais je n'ai Mais je n'ai pas traduit «< fervilement, dit-il, je me fuis imaginé qu'il m'étoit permis de fupprimer, de tranfpofer, de changer quelques <<< vers, même d'augmenter, & enfin <<< d'ajouter à la pensée de Tibulle. » Et il faut avouer qu'il a fi fouvent ufé de ces priviléges, qu'il ne m'a pas toujours été facile de reconnoître Tibulle dans la verfion. Je fouhaite que d'autres foient plus clair-voyans.

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Quoique M. Gillet s'étende beaucoup dans fa préface fur les difficultés de la traduction, il me femble que la plûpart de ces difficultés s'évanouiffent, quand on fe rend, comme lui, tellement le maître de fon Auteur que l'on en retranche ce que l'on veut, que l'on ajoute à fes idées, que l'on étend fes penfées jufqu'à employer fouvent dix

& douze vers François pour en rendre deux ou trois du texte, que l'on rejette dans les notes tous les endroits de l'original qui ne peuvent plus s'ajufter avec le plan arbitraire que l'on s'eft impofé la loi de fuivre.

Je conviendrai cependant que ceux qui font curieux de fçavoir l'histoire des amours de Tibulle, l'apprendront beaucoup mieux dans cet ouvrage que dans celui de M. de la Chapelle; mais j'aurois plus de peine à convenir avec M. Gillet qu'on ne courra pas, en lifant fon hiftoire, les mêmes dangers qui fe rencontrent dans le Roman de feu M. de la Chapelle, puifque l'on trouve également dans tous les deux prefque tout ce qu'il y a de libre dans le Poëte. L'hiftoire de Messala dans le troifiéme livre de M. Gillet, & celle de Sulpicie dans le fixiéme, m'ont paru curieufes, & ces deux morceaux font une nouvelle preuve de l'attention que M. Gillet a euë de réunir tout ce qui pouvoit contribuer à éclaircir l'hiftoire de fon Auteur. C'est auffi le but de fes notes; elles montrent une vaste. lecture; mais peut-être le montrentelles beaucoup plus qu'il n'étoit néceffaire pour l'intelligence de Tibulle. Je

ne dis rien des Remarques fur l'édition faite en 1723. de Catulle, Tibulle & Properce, par M. Couftelier, c'est-à-dire, imprimée chez ce Libraire; elles font une preuve de la fagacité de M. Gillet; mais elles ne fervent de rien à ceux que j'ai en vûë dans mon ouvrage. Il ne me refte prefque plus qu'à avertir, que dans l'article des traductions de Juvenal j'ai oublié d'indiquer le Juvenal en vers burlefques, par l'Abbé de la Faymas, fils du Lieutenant Civil de ce nom. Je le cite ici fur l'avis qui m'en a été donné ; mais je n'en ignore pas moins quand cet ouvrage a a paru. En parlant de l'ancienne traduction de Perfe, par Abel Foulon, j'ai eu tort de dire que Jean-Albert Fabricius la met en 1514. il falloit dire en 1544. comme on le voit à la page 554. du tome fecond de fa Bibliothéque Latine. Le même cite auffi au tome premier du même ouvrage, page 398. la verfion de Perfe par André du Chesne, imprimée à Paris en 1607. in-8°. & cette verfion, aussi · barbare que celle de Juvenal par le même, existe réellement. J'ai eu occafion de la voir depuis dans la Bibliothéque de feu M. le Chevalier de

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