naître, plufieurs n'en fçurent pas profiter. D'autres ont merité un meilleur fiécle; car tout ce qui eft bon n'eft pas toûjours élevé en honneur. Les chofes ont toutes en ce monde leurs viciffitudes; les belles qualités mêmes font à la merci de l'ufage. Mais le Sage fçait éternifer fon nom, malgré ces bizarreries: & s'il n'eft pas dans fon fiécle, plufieurs autres fiécles feront les fiens. MAXIME X X I. L'art d'être heureux. Ly a des régles pour être heu reux le fage ne commet point fon bonheur au pur hazard; il y contribue de fon industrie. Quelques-uns fe contentent de fe préfenter de bonne grace devant le palais de la fortune, & attendent après cela tranquillement que l'entrée leur en foit offerte. D'autres s'y prennent mieux avec une une honnête confiance appuyée fur leur vertu & fur leur merite, ils fçavent fe produire, fe procurer un accés dans le palais même de la fortune & en remporter quelque regard favorable. Mais en bonne philofophie,il n'eft point d'autres arbitres de la destinée de l'homme que la vertu & la conduite. On n'eft heureux ou malheureux qu'à mesure de fa fageffe, ou de fon imprudence, MAXIME XXII. L'érudition propre de l'honnête UN homme. Ne certaine érudition le- Unere certacie eft le par tage des honnêtes gens. Ils font au fait de toutes les affaires du tems, non à la façon du vulgaire; mais en connoiffeurs délicats: ils ont un recueil exquis de mots pleins de fel; ils en ont un autre de faits agréables: & ils fçavent l'art de placer à propos tout cela. Un avis dans un feul mot plaifant, eft quelquefois plus efficace que dans une grave remontrance. Combien de gens à qui la science propre de la converfation a été plus utile que s'ils avoient poffe» dé les fept arts liberaux. I MAXIME XXII I. Ne fe permettre nul défaut. que L n'eft point de perfection que l'on n'y trouve toûjours quelchofe à redire. Parmi les hommes très-peu font en effet fans défauts, foit dans le fonds du caractere, foit dans les manieres: & prefque tous tiennent à leur défaut perfonnel, bien qu'il leur fût aifé de s'en défaire. Les gens fages gemiffent de voir quelquefois un très-leger défaut fe mêler à l'af femblage des plus grandes qualités; car un nuage fuffit pour obscurcir tout le foleil. Les moindres défauts font des taches à la réputation ; la malignité les faifit d'abord, puis s'y arrête ce feroit un grand trait d'habileté de les convertir même en avantages. Jules-Cefar qui étoit chauve, fçût illuftrer en quelque forte ce dé faut naturel en le couvrant de fes lauriers. ΜΑΧΙΜΕ X XI V. Regler fon imagination. Eux manieres de mettre en régle l'imagination : c'est quelquefois de la retenir tout-àfait, & quelquefois de l'aider même: de ces principes fi conformes, d'ailleurs à la raison, dépend auffi notre bonheur. Une imagination fans frein entraîne après elle l'homme comme un esclave: elle ne nous affervit pas feulement à des idées, mais encore à des procedés qui en font les fuites na turelles : elle donne, pour le dire ainfi, toute la forme à notre vie, qu'elle rend heureuse ou malheureufe; parce qu'elle nous rend ou contens ou mécontens de nousmêmes, felon le genre de folie auquel elle fe tourne. Aux uns elle ne repréfente que des fujets de déplaifirs, fpectres cruels qui ne les quittent point; aux autres elle ne leur offre que des objets agréables, douces chimeres qui les jouent. Tel eft l'empire abfolu qu'éxerce fur nous l'imagination; lorfque la raifon ne le prend pas fur elle. MAXIME XXV. C Le bon Entendeur. l'Etoit autrefois le fouverain point de l'habileté que de comprendre bien les chofes: aujourd'hui cela ne fuffit plus ; il faut les deviner, & furtout pour n'être pas duppe. On ne fçauroit plus |