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Ciel qui lui donnez en partage,

Et pour l'efprit, & pour le corps

Les plus brillans de vos tréfors,

Confervez-la, c'eft votre ouvrage!

Amour, épargnez ses attraits,

Pardonnez-lui (pour vous ) fa haine ;

Et n'employez que vos feuls traits

Pour vous vanger de l'Inhumaine.

Sur nous tomberoit le courroux

Que vous feriez tomber fur elle,

Et nos cœurs fentiroient les coups
Deftinez à fon cœur rebelle.

Eft-ce trop peu pour nos tourmens ?
Que le mal dont elle est atteinte :

Combien d'horreurs ! Et quels momens
Entre l'efperance & la crainte,

Il eft des genres de malheurs,
Il eft de certaines douleurs,
Où l'on fe fait pitié foi - même ;
Mais malgré la rigueur extrême.

D'un fort fatal & malheureux,
C'est de voir fouffrir ce qu'on aime,
Qui des maux eft le plus affreux

POUR

MADAME

LA COMTESSE DE

A fa Toilette.

Contre le féduifant transport

D'une veine facile & tendre,
En vain je tâche à me deffendre;
Je ne puis éviter mon fort,
Phœbus, & vos charmes d'accord,
Se font unis pour me furprendre;
Il faut ceder à leur effort,

Il faut, ma Lyre, vous reprendre,
Et malgré moi quitter le port
Où le bon fens m'avoit fait rendre,
Pour tenter ce nouvel effort;

Charmante Reine de ma vie

Belle Varice! dont le nom

Ranime cette frénefie,

Qui fur un temeraire ton,
M'engagea fouvent sans raison
A me mêler de Poëfie;
Souffrez qu'ici je vous dédie
Ce que Phoebus & Cupidon
Infpirent à ma fantaisie,
Au fujet d'une vifion

Dont mon imagination
Fut agréablement faifie..

Dans le centre d'un Cabinet,

Tel que la Force pour retraite,
Donna jadis à Perffinet,

La Reine d'Amour en cornette,
Affife fur un Tabouret

Auprès d'un Miroir clair & net,
Effayoit une Colerette;

Certain Mortel à fa Toilette,

Sur Les

appas fit un Sonnet;

Et pour rendre fa Cour complette,

Les Graces, d'une main adrette,

Sur fes cheveux flottans attachoient fon Bonnet
Les Muses traçoient fon Portrait,

Et voici comme elle étoit faite ;
La troupe des Jeux & des Ris,
Et les Plaifirs fes favoris,
Reftoient dans l'Ile de Cythere;
Car alors de leurs teins fleuris

La Déeffe n'avoit que faire;

Et ce n'eft pas toûjours que la tendre Cypris A befoin de leur miniftere.

Mais à quoi bon ce vain détour!

Mon cœur reconnut ce qu'il aime ; Et celle que je vis dans cet éclat fuprême, N'étoit point la Mere d'Amour,

Belle.....! C'étoit vous-même;
Cependant vous trouverez bon
Que pour achever la peinture
De ce que m'offrit l'avanture,
Je prête en cette occasion,
Vos attraits & votre figure,
A la Mere de Cupidon,
Et ce n'eft pas lui faire injure.
Ses yeux brilloient de mille feux;
Sa bouche avoit à l'ordinaire,
Ces agrémens, ce charme heureux
Qui forment la bouche de Laire
Avec l'infaillible art de plaire,
Que tels objets gardent pour eux.
Ses épaules étoient d'yvoire,
Et fon fein de neige & de lys;
Mais pour le refte, notre Hiftoire
N'en fçauroit faire de récits ;
Quoiqu'il foit facile de croire
Que ce refte du même prix,
Egale pour le moins la gloire
De l'échantillon que je vis.
Le Dieu du Jour fous un nüage,
De honte cachant fes clartez,
Par quelques foûpirs repetez,
Rendoit un taciturne hommage
A l'éclat de tant de beautez;
Tandis qu'Amour à fes côtez

S'applaudiffoit de l'avantage
Que fur les autres Déitez,
Avoit le brillant étalage,
De tant de tréfors enchantez,
Alors le Dieu de l'Harmonie.

Me dit tout bas , pour cet objet,
Que la plus rare fymphonie
Des doctes Sœurs soit réunie!
Et toi! pour un fi beau sujet
Je vais te prêter mon génie.
Le tendre Amour, de fon côté
Me dit, Je veux que de ta Lyre.
Jufques à l'immortalité,

Les fons élevent la beauté
Que nous t'ordonnons de décrire ↓
N'er crains point la temerité,
Puifque c'est moi qui te l'inspire.

Mais hélas! ce fut bien en vain

Que pour ce glorieux deffein
Chacun voulut m'être propice.
Bien loin de me trouver en train
De mettre la plume à la main,
Séduit par un tendre caprice,
Regardant ...., avec délice,
Je dis, dans un transport foudain,
O trois fois, heureuse Madin ! *

* Femme de Chambre de Madame de ...

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