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en l'un & en l'autre : la prodigalité du François, même quand il étoit pauvre, affez approchante de la liberalité du Romain: un autre Horace en vous digne affûrement d'être comparé à celui de Mecene; Toutes ces reffemblances m'ont fouvent frappé; mais je trouve dans Mecene je ne fçai quoi de trop ferieux pour le Comte de Grammont. Je croi que Mecene étoit trifte; c'étoit un Philofophe plein de foucis, & toujours occupé de fa fortune; il avoit de l'efprit, il difoit de belles choses, il aimoit les Lettres, il étoit fçavant, mais je ne croi pas qu'il fût vif & plaifant comme le Comte de Grammont. Ne feroit-il point mieux de comparer le Comte à Petrone; cet homme né pour les plaifirs, qui vivoit dans une volupté fi fpirituelle ;

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quelqu'un dira que le Comte de Grammont ne dort ni nuit ni jour; mais il faut bien que le Proverbe fe verifie, & que toute comparaifon cloche en quelque chofe.

Petrone étoit comme le Comte de Grammont maître de la politeffe, & arbitre du bon goût, difeur de bons mots, railleur fouvent dangereux. Vous fçavez comme il mourut.

Nul ennuyeux

N'ofa fe montrer à fes yeux;
Ses oreilles n'étoient pas faites
Pour les entretiens ferieux.
Tranquille en d'aimables retraites,'
Et dans fa mort délicieux,
Se faifant lire des fornettes ;
Avec de douces chanfonettes,
Par des concerts harmonieux
Il fit au monde fes adieux.

Mais enfin il mourut, dira encore quelqu'un : & le Comte de Grammont, en cela bien different de Petrone, nous affure que pour lui il ne mourra jamais. La comparaifon n'eft pourtant pas fi défectueufe en ce point; car quoique je commence à croire que veritablement le Comte de Grammont vivra toujours, nous n'avons pas laiffé de le voir déja deux ou trois fois badiner avec la mort : nous l'avons vû dans ces momens fi triftes pour les autres hommes, toujours libre & enjoué; non que le Comte de Grammont ne foit un très-bon Chrétien, mais il n'en yeut point faire les derniers devoirs prématurément.

Enfin, foit qu'il doive mourir un jour, foit que, comme il l'a refolu, il doive être éternel fur la terre; la pofterité n'aura de

lui, non plus que de Petrone, que des fragmens.

Parmi ces fragmens, on lira avec bien du plaifir la Lettre des deux Ecrivains de la Garonne; je ne doute pas qu'on ne demêle aisément celui qui leur a fervi de Secretaire, & qu'on ne pense, comme moi, que la Tamife fait une reftitution à la Seine, & lui donne en vous un autre Saint Evremont. Je fuis, Monfieur, votre trèshumble &c.

***

LA CHAPELLE.

REPONSE A MONSIEUR

de la Chapelle.

Ue maudits foient les deux Galcons,

Que

Qui fe font avifés d'écrire

Les fatigans Brimborions,
Que chacun eft fi las de lire!
Tandis que malgré les raifons
D'un Protecteur, qui les admire,
On ne peut s'empêcher de rire
De leur ouvrage & de leurs noms ;
Quoi tant que la journée est longue
On croira, fans être importun,
Pouvoir presenter l'Espalongue,
Et relire cent fois Pey run?

C'est ainsi que leur Secretaire

(Car vous voulez que je le fois)
S'eft recrié, toutes les fois

Que quelque Lecteur en colere,
Ou que le Copiste aux abois
L'avoient touché de leur mifere.

Mais, Monfieur, il n'eft plus question de tout cela, & nous refpirons depuis l'arrivée de votre Lettre; elle eft venue délivrer le Public d'une oppreffion manifeste. On ne prefente plus l'autre comme une eftocade à tous venans; car on vient arracher la vôtre des mains du Comte de Grammont, pour la lire & pour la copier. Elle eft fi charmante (d'elle-même) & fi flateuse pour moi, que j'y ai d'abord été pris; & j'ai crû de bonne foi, que vous penfiez une partie des chofes que vous difiez à mon avantage, fans faire réfléxion que c'étoit pour vous même que vous aviez eu la bonté d'étaler ce qu'il y a de plus gracieux dans le tour & l'harmonie des Vers; & ce qu'il y a de plus élegant, de plus pur, & de plus noble dans l'autre genre.

Le Comte de Grammont en eft fi tranf porté, que Meffieurs de la Garonne ne lui font plus de rien; mais permettez-moi de vous dire que je me fuis revolté contre le panchant qui nous entraîne toujours, lorf

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que des louanges (toutes outrées qu'elles puiffent être) nous viennent d'une bonne

main.

Vous parlez dignement du Comte de Grammont
De fon mérite & de fa race;

Mais à moi ! de me dire en face
Que j'habite le facré Mont!

Et que je fuis de la côte d'Horace!
Epargnez vos amis, de grace,
Ils fçavent trop bien ce qu'ils font,
Pour avoir feulement l'audace
De regarder Saint-Euvremont.

J'ai fait la premiere lecture de votre Lettre au Comte, felon votre intention : cela n'a point fait de tort à l'éclairciffement des faits; car quoiqu'il n'ignore rien (comme vous fçavez) le peu de commerce qu'il a depuis quelque temps avec les Romains, dont vous faites mention, les avoit un peu déguifés dans fon efprit: & il a été bon de lui donner une idée un peu plus particuliere que vous ne faites, des Gens à qui vous le comparez. Au reste, vous fçait fi bon gré de ce que vous venez de faire pour lui, qu'il eft bien refolu de ne vous donner ni paix ni tréve, que vous n'ayez tenu la premiere parole que vous lui avez donnée. Il eft ravi de voir par cet

il

échan

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