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(après le continuateur de Bede & (ur la foi des chroniques anciennes) que ces troupes vinrent s'établir dans l'Armorique. Il eft aifé d'en conclure que ce pays étoit dès-lors celui des Bretons.

En effet, par un Edit des Empereurs dreffé l'an 395. dont je parlerai plus amplement dans la fuite, on apprend qu'il y avoit encore alors, (c'eft-à-dire fept ans après la défaite & la mort du Tyran, & douze ans entiers après fon paffage quelques uns de fes Partifans qui poffedoient les mêmes fonds qu'ils avoient reçûs de fa liberalité. Ce qui s'accorde fort avec ce que nous filons de Conan, & dans la grande Notice de l'Empire, Ouvrage fait à peu-près dans le même tems, vers l'an 400. Je trouverois des preuves de l'établiffement des Bretons au-deça de la Mer, fi je voulois profiter de l'ouverture que nous donne un Jéfuite dans fon excellent Ouvrage fur les Préfets du Prétoire des Gaules. Car en parlant d'un Receveur établi pour l'ile de Bretagne, il cite ce paffage, comme s'il eût lû, la Bretagne au de-là de la Mer. Je ne trouve point ces derniers mots dans les éditions de Gui Pan cirole, d'Altiat & du P. Labbe. Mais

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s'ils étoient dans l'exemplaire dont le fçavant Jésuite s'eft fervi, ce feroit une preuve qu'on reconnoiffoit dès lors une autre Bretagne en deça de la Mer.

Ce qu'il y a de certain, c'est que dans cet Ouvrage il eft fait mention de deux fortes de Bretons; les uns qu'on nom. me Britanniciens, & les autres qu'on appelle fimplement Bretons. Il femble qu'on peut conclure de-là, comme d'autres l'ont fait avant moi,que leur demeure n'étoit pas moins differente que les noms qu'on leur donne, & que les uns étoient ceux de l'lfle & les autres ceux qui s'étoient établis dans la Terre ferme. Si néanmoins on veut abfolument que ces differens noms marquent la même nation, & les mêmes perfonnes, il faut toujours convenir que cette même Notice met dans les Gaules au moins deux Légions de Bretons, & peut-être trois, en comptant les Secundani, que la Notice appelle ailleurs Légion deuxième de Bretagne, ce qui feroit un nombre de vingt mille quatre cent quatre-vingt-dix hommes; en forte que fi ce n'eft pas une preuve pofitive, que ces Bretons étoient placés dans l'Armorique, au moins ç'en eft une, que ceux qui difent qu'il y en

avoit ›

n'avancent rien qui ne foit

conforme à l'Hiftoire Romaine. On dira fans doute qu'il ne s'agit point dans cet Ouvrage d'une nation,ou d'un peuple, mais feulement des troupes de l'Empire, d'une portion de l'armée, d'un certain nombre de foldats. Il eft vrai: mais auffi je ne prétends pas que ces Bretons établis dans l'Armorique fuffent autres que des foldats, aufquels on avoit donné, il y avoit feulement douze ou quinze ans, des terres à défricher, à cultiver, & à défendre, fous l'au torité des Empereurs, contre les incurfions des barbares, à la charge de fervis dans les armées, toutes les fois qu'ils feroient commandés ; ce qu'on appelloit Létes, comme je l'expliquerai plus amplement dans l'Article fuivant, où je répondrai aux autres difficultés qu'on peut faire à ce fujet, à proportion que j'avancerai dans la fuite de cet Ouvrage.

Vers les années 430: 450 & 460. je trouve dans l'Hiftoire Romaine nonfeulement des marques plus évidentes de cette conformité, mais encore des preu ves formelles de cet établiffement des Bretons dans l'Armorique, long-tems avant que ceux qui furent chaflés par

les Anglo-Saxons, euflent paffé dans les Gaules, s'il eft vrai, qu'ils y ayent paffé dans cette conjoncture. On voit que ce fait n'eft point un conte inventé à plaifir par Geffroi de Monmouth ni une de ces fables qu'on reproche à Nennius. C'eft un fait autorilé par le témoignage de plufieurs Ecrivains anciens & dignes de foi, & très conforme à l'Hiftoire Romaine; & c'est ce qui fait, que je ne fuis nullement furpris que Papyre Maffon dans fon Traité des Fleuves page 89. applique ce qu'Aufone avoit dit dans fon Epigramme 107. contre un Breton nommé Sylvius Bonus, & contre les autres de fa nation en général, aux Bretons de la petite Bretagne, & qu'il affure que c'est le premier qui en ait fait mention. J'ai même quelque lieu de croire, que c'eft auffi d'eux que Zofime vouloit parler, quand il difoit que les Bretons s'étoient révoltés contre les Romains, & avoient chaffe leurs Magif trats fous le regne du tyran Conftantin, & que tous les Armoriquains les avoient imités dans leur révolte. Car il ne paroît pas que les Bretons de l'Ile ayent eu lieu de fe révolter, ni qu'ils l'ayent fait effectivement dans

cette conjoncture, & fur-tout qu'ils ayent chaffé les Magiftrats Romains, comme je le ferai voir plus en détail dans la fuite.

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V I.

Ces Bretons établis dans l'Armorique furent d'abord Létes, c'est à-dire placez par l'ordre des Empereurs & foumis à leurs Loix.

Il est tems d'examiner quelle fut donc la nature de ce premier établissement des Bretons, & de voir s'ils dépendirent des Romains dans le commencement, & s'ils continuerent quelques tems dans cette dépendance, ou s'ils s'affranchirent auffi-tôt de cette fervitude: c'eft un point fur lequel nous trouverons encore quelque éclairciffement dans l'antiquité, & dans les Auteurs non fufpects Tels font ceux qui ont écrit la vie de Saint Patrice, & que j'ai déja cités dans l'Article fecond; ils appellent les pays occupés par ces Bretons Armorique Létane, ou Bretagne Létace, pays Léte de la Bretagne Armorique, pays de Létanie, & les nouveaux Habitans, Bretons Létes. De-là

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