voit faire, lui qui étoit un des plus grands Seigneurs du pays & defcendu des premiers Rois de l'ifle.

Conis époufa Darerea. Une preuve qu'elle fur l'épouse de Conan, eft 1°. Que l'Hiftoire n'en donne point d'autre à ce Roy. 2°. Qu'auffi-tôt qu'il eft établi dans l'Armorique, Darerea avec toute fa famille y paffe pour y prendre un établiffement. 3°. Les Auteurs, qui parlent de ce fait, difent que le motif de ce voyage étoit une affaire fans doute de conféquence, puifqu'elle portoit Calphurnius à quitter la parrie, & à la faire quitter à toute la famille. Rien n'avoit été capable de l'engager à faire une telle démarche, ni de le dédommager de ce qu'il abandonnoit, qu'un établiffement auprès de fon Gendre, devenu ti puiffant, & fi bien établi dans l'Armorique, par un effet de la protection de Maxime, qui venoit de faire mourir Gratien & de s'emparer de les Etats, & qui pour finit de ces exploits, jouiffoit tranquillement du titre d'Empereur. 4°. Le but de ce voyage étoit d'aller trouver un parent ou allié, Cognatum, & il n'en cft point de plus proche qu'un Gendre. 5. L'an 388. felon Ufferius, ou 398.

felon Bollandus, dans une defcente que les Pyrates firent fur les côtes de l'Armorique, Calphurnius pere de Saint Patrice fut tué, & fes enfans emmenés captifs avec plufieurs autres de l'un & de l'autre fexe.

Tout ce récit s'accorde parfaitement avec ce que nos Hiftoriens ont toujours dit des defcentes des Pyrates fur les côtes de Leon, fous les regnes de Conan & de fon fucceffeur; & Calphurnius combatant en cette occafion eft une preuve qu'il avoit quelque commandement, comme beau-pere de Conan. 6°. Le mariage de Conis & de Darerea ne put fe faire que vers l'an 387. & c'eft dans ce tems qu'on doit mettre celui de Conan. 7°. Enfin entre les enfans de Conis, il y en eut un nommé Mel, un autre nommé Rioch, & notre Hiftoire fait mention, fous les regnes de Conan ou de Grallon, d'un Maël, ou Malgus, d'un Rioch, ou fi vous voulez, d'un Riochat. Tant de rapports. fuffifente ce me femble pour perfuader que ce Conis, dont il est parlé dans la vie de Saint Patrice, ne fut autre que le Conan même de Geffroi de Monmouth. Aucun de nos Hiftoriens n'avoit fait cette remarque, & néanmoins

elle remplit un grand vuide dans la vie de ce premier de nos Roys Bretons.

X I.

CONO, CHOUN, CAUN, on CAN, ne font qu'un abregé ou une legere alteration du nom de CONAN.

Il me femble encore que Cono-malgus, ou Cono, dont il est fait mention dans quelques vies de Saints, n'eft qu'une legere altération du nom de Conan, & que Caun ou Can ou Choun dont il eft parlé dans quelques autres, n'en eft qu'un abregé : mais les éclairciffemens ou les preuves que je pourrois en tirer, ne valent pas le détail dans lequel je ferois obligé d'entrer pour en faire l'application: je m'arrêterai feulement un peu plus fur celui de Choun, ou Cone. Ma conjecture eft qu'il fe trouve affez femblablement marqué dans les Catalogues des Comtes de Cornouaille, je dis même dans ceux qui nous reftent, & qui font entre les mains de tout le monde. Celuiqu'ils mettent à la tête de ces Comtes eft appellé Rivelen, & fur-nommé: Murmarthon, & dans le Cartulaire de Kemper Murmarchon. Le Baud, d'Ar

gentré, Vignier, Albert le grand ont Tû Murmarchon & Murmacçon. J'efti me qu'il faut s'en tenir à cette derniere ortographe & lire Mur- Mac Con. Car Mur en langage Breton fignifie grand: Mac & quelquefois mab fignifie enfant, fils; en forte que ce furnom ne fignifieroit autre chofe que Rivelen le grand, ou l'aîné, fils de Cone. Le fecond de ces Comtes nommé fimplement Marchon, ou Ma-ccon, auroit été, comme le précédent, également fils de Conan, portant le même nom que fon frere; & c'eft pour les diftinguer qu'on auroit ajoûté au furnom du premier le mot Mur, pour marquer, que c'étoit le plus grand, ou l'aîné des deux. Il n'y a rien dans cette conjecture que de très-probable.

Ces deux Rivelen ne doivent point être confondus avec Rioval: celui-ci ne vivoit que plus de 100. ans après le premier Rivelen. Le Reith de ces Catalogues, qui eft ou le Rioval même, ou du moins fona fils de Rioval, n'a été que le fixiéme fucceffeur du premier Rivelen fur-nommé Mur-mac-con, & après celui-ci,& plus de foixante-dix ou quatre-vingt ans avant Rioval; Grallon, Daniel, Dremrus, & Budie,fucceffive

ment de pere en fils, ont poffedé cette Comté, ou fi vous voulez ce titre de. Comte de Cornouaille. Ce qui eft une nouvelle preuve tirée desCatalogues des Comtes de Cornouaille, c'eft-à-dire > d'un monument ancien, produit & approuvé par ceux mêmes qui font du fentiment contraire; puifque plus de cent trente ans avant Rioval, il y avoit un Cone ou Conan, & des Seigneurs Bretons, fes enfans ou fes fucceffeurs établis dans cette partie des Gaules, nommée dans ces Catalogues Cornouaille, dans Ingomar Létanie, dans d'autres Dommonie, & dans Geffroi de Monmouth, comme dans les Historiens Romains, Armorique.

Voilà donc, par cette explication, qui me paroît jufte & naturelle,une nouvelle preuve de Conan & de l'établiffement des Bretons dans ce pays, dès la fin du quatriéme fiécle, tirée de ces fameux Catalogues. Il eft d'ailleurs certain, au moins par le témoignage de le Baud, qu'un de ces Catalogues qui finiffoit à Daniel Buva dans le fixiéme fiécle, & qui par conféquent avoit tout Fair d'être plus ancien que ceux qui nous reftent, mettoit Conan à la tête de tous ces Comtes.