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que les Bretons, qui furent pris pour cette expédition, fe montoient à cent mille hommes. On ne trouvera fans doute rien d'outré dans ce nombre, rien qui ne s'accorde parfaitement avec les termes de Gildas & de Bede. Il faut que Vignier ne les ait pas affez pelées, puifqu'il ne parle dans cette occafion que d'une poignée de Bretons: mais ce qui mérite une attention particuliere, eft que tous conviennent, que ces troupes ne retournerent plus déformais dans la Grande Bretagne.

Cette nombreuse jeuneffe qui fuivit le tyran Maxime, ne retourna plus déformais dans fon pays, dit Gildas le fage; le vénérable Bede s'explique de la même maniere. Maxime, dit-il, enleva de la Grande Bretagne toute la jeuneffe, à laquelle il avoit fait prendre les armes, & toutes les troupes,

Exiu Britannia omni armato 'milite, militaribus copiis uniuerfis, totâ floridæ juventutis alacritate fpoliata, quæ tyrannorum temeritate abducta, nufquam domum rediit, prædæ tantùm patuit, ut pote omnis belli ufus penitus ignata. BEDA. Ecclef. Hift. Gentis Anglorum, 1.c. 12.

Maximus Britanniam omni penè armatâ juventute, copiifque militaribus fpoliaverat, quæ tyrannidis ejus veftigia fecuta, in Gallias nufquam ultrà domum rediere,

Idem l. de Nat. rerum.

qui le fuivirent dans les Gaules, ne retournerent plus déformais dans leur pays: de-là vient, dit Gitard de Canbrige, que la Grande Bretagne privée de ces fecours demeura dans un triste état & dans une extrême défolation. (a) Tous les autres Hiftoriens Bretons que je citerai dans la fuite,difent la même chofe.

On voit deja que ces Auteurs DOUS ouvrent une belle carriere, & qu'ils nous laiffent une entiere liberté de placer ce grand nombre de Bretons dans tout autre lieu que dans l'Ifle de Bretagne. Gildas & Bede nous fourniront dans la fuite quelques autres preuves. If fuffit préfentement d'observer qu'ils ne difent rien en ce point, qui détruife le fentiment de ceux qui affurent, que ces Bretons furent établis dans l'Armorique, & qu'au contraire ce qu'ils difent fuppofe ce fentiment, ou du moins Pautorife & le confirme.

[4] Spoliata emarcuit Britannia.

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Les plus anciens Auteurs de la vie de S. Patrice prouvent qu'il y avoit des Bretons dans l'Armorique depuis Pan 383. jufques vers l'an 398.

Les plus anciens Auteurs de la vie de Saint Patrice ferviront à nous découvrir ce que devint ce grand nombre de troupes. Ils nous apprennent, que dès l'an 388. cinq ans après le paffage de Maxime, il y avoit dans l'Armorique des Bretons Letes. Ils appellent cette partie des Gaules, Bretagne Armorique, & Letane & Letanie. Ils affurent que Calphurnius Prince Breton, avec fon fils, & le refte de fa famille, avoit passé dans ces lieux pour y voir les parens 3 qu'il y demeura le refte de fa vie, qu'il y fut tué, & que dans le même tems Saint Patrice fut enlevé dans ces lieux, & mené captif en Hibernie avec ane de fes fœurs. C'est ce que nous apprenons d'un ancien Scholiafte cité par Colgan. (a) Ufferius convient da

[a] Colgan. p. 4. col. 2. n. s. p. 7. col. 2. 11. I. & P. 117.

mérite de cet Ecrivain, & lui donne toujours le titre d'ancien, ou très-ancien; & Colgan prétend qu'il écrivit avant la fin du fixiéme Siecle vers l'an 580. L'Auteur de la vie Tripartite, qui felon Colgan n'eft pas moins ancien, & Probus qui vivoit dans le même fiécle felon quelques Sçavans, ou du moins dans le feptiéme, conviennent des mêmes faits. De-là vient que les autres qui nous ont donné la vie du même Saint, plus anciens que ceux que je viens de citer, fçavoir, les Auteurs de la deuxiéme & troifiéme vie (Colgan eftime qu'ils furent Difciples de ce Saint,) appellent fimplement Bretagne le lieu d'où ce Saint fut emme né captif.

On ne doit pas néanmoins conclure de-là, que ce pays eut alors abfolument perdu fon ancien nom d'Armorique, pour prendre communément celui de Bretagne. Ce changement ne fe fit que près d'un fiécle plus tard, lorf que d'un côté les Scots & les Pictes,& de l'autre les Anglois & les Saxons, eurent affez affermi leur domination dans rifle,pour la regarder comme leur conquête: j'en rapporterai les preuves dans la fuite. Mais parce que ceux qui ont

parlé de ce qui s'eft paffé dans l'Armorique depuis l'an 383. jufques vers l'an 398. y ont trouvé des Bretons établis, quelques uns d'eux n'ont pas fait difficulté de s'exprimer comme on faifoit de leur tems, & d'appeller Bretagne des lieux que des Bretons occupoient, & qui portoient communé ment ce nom, lorfqu'ils écrivoient.

C'est ce qu'il est aisé de remarquer dans la quatriéme vie, que Colgan regarde comme un Ouvrage du feptiéme fiécle. Quand il s'agit du lieu d'où le Saint fut emmené captif, l'Auteur n'employe point d'autre nom que celui de Bretagne, ch. XV. Mais dès le Chapitre premier, il nous fait affez entendre qu'il parle de la Bretagne Armorique. Ileft à remarquer que ces Auteurs, qui s'accordent tous à reconnoître des Bretons établis dans l'Armorique depuis l'an 383. jufqu'en 398. en parlent feulement comme en paffant & fans aucun deffein de traiter notre Hiftoire; circonftance qui rend leur témoignage moins fufpect. Au refte qu'on dife tout le mal qu'on voudra de ces légendaires; qu'on le moque des faits extraordinaires, miraculeux, incroyables, qu'ils rapportent; qu'on examine tout à la A iiij.

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