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couvert de fept cuirs, fe leva, & ayant regardé d'un œil farouche le rivage de Sigée où étoit la Flotte; comme il étoit brufque & emporté, il s'écria en levant les mains vers le Ciel : "Grand Jupiter! c'eft à la vue de nos Vaiffeaux que je plaide ma caufe, & l'on met Ulyffe en concurrence avec moi; Ulysse ,, qui n'ofa autrefois s'approcher de ces mê,, mes Vaiffeaux, lorfqu'Hector, la torche à la main, venoit y mettre le feu, & que moi je les fauvai de l'embrafement dont ils étoient menacés. Il faut, fans doute, ,, qu'il foit plus fûr de difcourir que de combattre; & quel avantage puis-je efpérer aujourd'hui, puifque fi je l'emporte fur Ulyffe par la valeur & par le courage, je dois lui céder la gloire de mieux parler >> que moi?

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,, Il eft inutile, ô Grecs, que je vous ra,, conte mes exploits, c'eft fous vos yeux ,, qu'ils fe font paffés: qu'Ulyffe qui n'eut d'autres témoins que la nuit & les ténebres, vous apprenne les fiens. La grace ,, que je vous demande eft, je l'avoue, d'un ,, grand prix, mais les prétentions de mon ,, concurrent m'enlevent l'honneur qu'elle m'auroit fait. Quelque flatteufe, quelque confidérable que foit une récompenfe, il n'eft plus glorieux de l'obtenir, dès qu'Ulyffea ofé y afpirer. Il a déjà remporté tout ,, l'avantage de cette difpute, puifque vain

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,, cu, il pourra encore fe vanter d'être entré ,, en concurrence avec moi. Si ma valeur étoit moins connue, je pourrois me prévaloir de la nobleffe de mon extraction. Fils de Télamon, qui avec Hercule faccagea la Ville de Troye, & qui accompagna Jafon à la conquête de la Toifon d'Or, j'ai pour ,, ayeul le jufte Eaque, qui juge les ombres dans le féjour, ou Sifyphe eft condamné à rouler éternellement une groffe roche. Ea,, que reconnoiffoit Jupiter pour fon Pere; ainfi je me vois le troifieme defcendant de ,, ce Dieu. Je renoncerois cependant à cet ,, avantage, fi je ne le partageois avec Achille; il étoit mon Coufin-germain; c'eft à ce titre que je demande fes armes. Qu'a de commun , avec ce Héros, un homme de la race de Sifyphe, fourbe & voleur comme lui? Veut-on ,, me refufer des armes qui m'appartiennent, », parce que je fus le premier qui m'armai pour ,, la querelle des Grecs, & que je n'attendis , pas qu'on m'y forçat? Me préférera-t-on un , homme qui n'eft venu à cette guerre que le dernier de tous, & qui contrefaifant l'infenfé, demeura honteufement dans fa maifon, jufqu'à ce que Palamede plus rufé ,, que lui, mais malheureufement moins fenfible à fes propres intérêts, découvrît son lâche ftratagême, & l'obligea de partir malgré lui? Eft-il jufte qu'un homme qui refufoit de prendre les armes, obtienne

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, aujourd'hui les plus belles & les meilleures ,, de toute l'armée, & que moi, qui, ayant droit d'y prétendre, & qui me fuis expofé ,, le premier au danger, je n'en voie hon ,, teufement privé? Plût au Ciel qu'Ulyffe eût été véritablement infenfé, ou qu'on ,, l'eût cru tel, que ce fourbe qui ne fait ,, confeiller que des crimes, ne fût jamais 5, venú fur les rivages de Phrygie! Malheu

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reux fils de Péan, vous ne feriez pas au ,,jourd'hui par notre faute expofé dans Pfle ,, de Lemnos. C'est-là qu'obligé de vous cacher dans les antres les plus fauvages, vous attendriffez les rochers même par vos lar, mes & par vos gemiffemens, & que vous 3, priez fans ceffe les Dieux de punir le perfide qui nous confeilla de vous abandonner: vos ,, vœux, s'il eft des Dieux dans le Ciel, feront exaucés. Hélas! ce grand homme, cet illuftre ,, Capitaine, qui s'étoit lié avec nous par un ferment folemnel, le feul héritier des flé ches d'Hercule, maintenant dévoré la par 3, faim, livré aux plus vives douleurs, eft obligé de fe fervit contre des oifeaux, de ce's Aéches auxquelles étoit attachée la defti née de Troye, fans d'autre nourriture que ,, ces mêmes oifeaux, ni d'autre vêtement que leurs plumes. Cependant tout mal

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Aulico de Velatur, aliturque avibus, on lit dans plufieurs imprimés Venatur, aliturque avibus. Il fe nourrit des oifeaux qu'il tue; mais M, Burman a cru devoir préférer la leçon qui porte velatur, il fe couvre des plumes des of

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» heureux qu'il eft, Philoctete refpire encore, ,, parce qu'il n'a pas accompagné Ulyffe. Si Palamede avoit été abandonné comme lui; il vivroit encore, ou du moins il feroit a mort exempt du foupçon qui le fit périr. Ulyffe pour le venger de ce que ce Capitaine ,, avoit découvert que fa folie étoit une feinte, l'accufa d'être d'intelligence avec l'ennemi; & ayant fait trouver dans fa tente l'argent qu'il y avoit caché lui-même, il fut le ,, convaincre d'un crime dont il étoit l'au, teur. C'est ainsi qu'Ulyffe, ou par l'exil Qu Par la mort de nos Chefs, fut affoiblir notre armée ce font-là fes victoires; voilà le feul endroit par où il s'eft rendu redou→ table. Quand il feroit plus éloquent que Neftor, pourroit-il fe juftifier d'avoir abandonné ce fage Vieillard, lorfqu'ayant fon cheval bleffe fous lui, il imploroit fon fecours? Diomede eft témoin que ce n'eft 2 point un crime que je lui fuppofe; il l'ap-pella plufieurs fois lui-même, & quoique fon ami, il ne put s'empêcher de lui re, procher une fuite fi honteufe. Les Dieux font les Juges de nos actions, & ils font des Juges équitables. Ulyffe tombe bientôt

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feaux qu'il tue: ce qui eft conforme à ce qu'en dit Ciceron Lib. I. de Finibus. Philodetam pennarum contextu corpori tegumenta feciffe. Ce fens eft plus beau, & Ajax réuflit mieux à rendre Ulyffe odieux; ce qui eft cour le but de fa Harangue.

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dans le même cas que Neftor, & il a befoin de fecours comme lui. On pouvoit fans injuftice l'abandonner, comme il avoit abandonné ce Capitaine; il en avoit luimême dicté la loi. Cependant je l'entends ,, appeller fes compagnons; je vole à fon fe,, cours; je le trouve pâle, tremblant, étendu », par terre, effrayé de la mort qui étoit préfente à fes yeux, je le couvre de mon Bou clier, & je lui fauve la vie. Je ne prétends point en tirer vanité; il n'y a point de gloire à fauver un lâche; mais fi après ce service, tu veux encore me difputer les armes que je demande; viens, Ulyffe, dans l'endroit où je te rencontrai, viens-y avec tes bleffu,, res, avec cette frayeur qui ne t'abandonna jamais, que l'ennemi foit préfent, cachestoi fous mon Bouclier, & là, fais valoir tes prétentions. D'abord il m'avoit paru fort affoibli par les bleffures: je le dégage, it ,, trouve des forces pour fuir. Cependant Hector paroît, & amene avec lui les Dieux ,, au combat: la terreur vole devant lui, & il répand tant d'épouvante par-tout où il paffe, que non-feulement Ulyffe, mais même nos plus braves Guerriers en font effrayés. Je m'oppofe à ce fier ennemi, & dans le temps qu'il paroiffoit le plus animé par le carnage, je le renverfai par terre d'un grand coup de pierre. Vous vous ref

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