LES METAMORPHOSES D'OVIDE. LIVRE ONZIE ME. FABLES I. & II. ARGUMENT, Tandis qu'Orphée chantoit ainfi fur le Mont Rhodope, les Dames de Thrace dont il méprifoit les tendres empreffemens, profiterent de la fureur que leur infpiroient les Orgies qu'elles célébroient, & le mirent en pieces; un Serpent qui voulut mordre fa tête que l'Hebre avoit portée dans l'Ifle de Lesbos, fut changé en pierre, & les Bacchantes qui l'avoient déchiré, en arbres de différentes efpeces. OR RPHEE attiroit ainfi par la douceur de fon chant, les animaux, les arbres, & les rochers, lorfque les femmes de Thrace cou Tome III. A vertes de peaux de bêtes féroces, l'apperçurent fur le mont Rhodope, qui accordoit fa Lyre au fon de fa voix. « Le voilà, dit une de ces Bacchantes, en branlant la tête, » le voilà cet homme qui n'a pour nous que » du mépris ». En parlant ainfi, elle lui porte contre le vifage un coup de fon Thyrfe, qui fe trouvant environné de feuilles, ne lui fit qu'une légere contufion : une autre lui jetta une pierre, qui, devenue fenfible au fon de fa Lyre, vint tomber à fes pieds, comme fi elle eût voulu lui faire réparation de l'emportement de ces femmes infenfées, qui, dans ce moment ne mirent plus de bornes à leur fureur. Le tumulte augmente, & on voit régner de tous côtés l'horreur & la confufion. Cependant les armes dont elles fe fervoient, feroient devenues inutiles, & la Lyre d'Orphée les auroit enchantées, fi les hurlemens & le bruit des Tambours & des Flûtes, n'avoient empêché de l'entendre. Au milieu de ce tumulte, l'infortuné Orphée fut bleffé de plufieurs coups de pierres; & après que les Bacchantes eurent chaffé les oifeaux, les Serpens, & ce nombre prodigieux d'animaux, qui, charmés de fes doux accens, formoient un cercle autour de lui, elles portent fur lui leurs mains fanglantes & l'environnent, comme les oifeaux qui apperçoivent pendant le jour un Hibou, ou comme les |