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modé de ce fecret, il va dans un lieu écarté, fait un trou dans la terre, s'en approche le plus près qu'il lui eft poffible, & dit d'une voix baffe que fon maître avoit des oreilles d'âne, enfuite il rebouche le trou, croyant y avoir enfermé fon fecret, & fe retire. Quelque temps après il fortit de cet endroit une grande quantité de rofeaux, qui, étant fecs au bout d'un an, & étant agités par le vent, trahirent le Barbier en répétant fes paroles, & apprirent à tout le monde que Midas avoit des oreilles d'âne.

Apollon, après s'être vengé de Midas, abandonna le Mont Tmole, & prenant fon effor au milieu des airs, paffa le détroit de l'Hellefpont, & s'arrêta dans les Etats de Laomédon. A droite eft le Promontoire de Sigée, à gauche celui de Rhetée, & au milieu de cet efpace un Temple dédié à Jupiter Panomphée. Ce fut de-là qu'Apollon apperçut Laomedon qui commençoit à faire bâtir les murs de Troye : ouvrage difficile à exécuter, & qui ne pouvoit l'être qu'avec beaucoup de peine & de dépenfe. Neptune & lui fe déguifent, & s'étant préfentés devant ce prince, ils s'offrent de conftruire les murailles de fa ville, & conviennent d'une fomme d'argent pour leur récompenfe. L'ouvrage étant fini, le Roi manqua à fa parole, refufa de les fatisfaire, & pour comble de

perfidie, il joignit le parjure à l'injustice. «Ton crime, lui dit Neptune, ne demeu,, rera pas impuni,,. La vengeance suivit de près la ménace, & on vit dès ce moment couler les eaux de la Mer vers le rivage de Troye, avec tant d'impétuofité, qu'en peu de temps tout le Pays en fut couvert, les Campagnes inondées, & l'efpérance du Laboureur enfévelie fous les flots. Peu content d'un châtiment fi terrible, Neptune exigea encore que la fille de Laomedon fût expofée à la fureur d'un Monftre, qui devoit fortir de la Mer. On attache Héfione à un Rocher, & Hercule la délivre. Ce Héros demande au pere de la Princeffe l'attelage de Chevaux qu'il lui avoit promis pour un fervice fi important. Le Roi toujours perfide le lui refufe, & Hercule faccage la Ville de Troye. Télamon reçoit Héfione pour fa récompenfe; parce que Pelée fon frere, qui avoit aufli accompagné Hercule dans cette expédition, avoit déjà épousé une Deeffe. Quoique ce Prince eût Jupiter pout Ayeul, fa naiffance toutefois lui faifoit moins d'honneur que ce mariage, puifqu'il étoit le feul des mortels qui pût fe vanter d'avoir épousé une Déeffe; au-lieu que plufieurs perfonnes pouvoient fe glorifier comme lui de tirer leur origine du Souverain des Dieux.

* Thetis

Explication des Fables IV. V. & VI.

MIDAS,

IDAS, felon Paufanias (a), étoit fils de Gordius & de Cybele, & régna dans la grande Phrygie, ainfi qu'on l'apprend de Strabon (6). Le premier des deux Auteurs que je viens de nommer, dit qu'il avoit bâti la Ville d'Ancyre, aujourd'hui Angoura, & celle de Peffinonte fur le Mont Agdiftis, devenue célebre par le tombeau d'Attis; & le fecond dit feulement que lui & Gordius fon pere, faifoient leur réfidence auprès du Fleuve Sangard, dans des Villes, qui, au temps où il écrivoit, n'étoient plus que de méchans Villages. On ignore le temps auquel Midas a vécu; mais s'il a été contemporain de Tmolus, comme il paroît par Ovide, ce que je dirai de ce Prince à la fin de cet Article, fervira à fixer l'époque de fon Regne, Comme Midas étoit fort riche & fort économe, on publia qu'il convertiffoit en or tout ce qu'il touchoit; & l'on ne fait peut-être intervenir Bacchus dans cette Fable, que parce qu'il étoit le Dieu de la Vigne, & que Midas l'honoroit d'un culte particu lier. On peut ajouter encore que ce qui a donné lieu à cette Fable, c'eft qu'il fut peut être le premier qui trouva de l'or dans le Pactole. Strabon (c), en parlant des lieux d'où quelques Princes avoient tiré leurs richeffes, dit feulement que Midas avoit trouvé celles qu'il poffédoit dans les Mines du Mont Bermius. Dès fon enfance on avoit prévu qu'il feroit extrêmement riche & fort ménager, fur ce que des Fourmis s'étant approchées de fon Berceau, lui avoient mis des grains de blé dans la bouche. Comme il étoit fort groffier & fort ftupide,

(a) In Atticis. [b] Lib. XII. page 571.
[c] Lib. XVI. page 630.

on inventa la Fable du Jugement qu'il avoit porté en faveur de Pan contre Apollon; & on ajouta que ce dernier, pour marquer fa ftupidité, lui avoit donné des oreilles d'âne. Le Scoliafte d'Ariftophane, pour expliquer cette Fable, dit qu'on avoit voulu marquer par-là qu'il avoit l'oreille très fine, comme cet animal, ou parce qu'il entretenoit des Efpions dans tous les Etats, ou enfin, parce qu'il habitoit ordinairement dans un lieu nommé Ovara, les oreilles d'âne (a). Strabon rapporte que Midas avala du fang de Taureau dont il mourut; & Plutarque (6) ajoute que ce fut pour se délivrer des fonges fâcheux qui l'affligeoient depuis longtemps. Si on pouvoit favoir le temps auquel les Cimmériens entrerent dans la Phrygie, il feroit aifé de fixer l'époque du regne de Midas, puifque Strabon dit qu'ils y arriverent au temps de fa mort. Comme Ovide parle du jugement de Tmolus, que Midas défapprouva, il eft à propos de parler de ce Tmolus & de fa Généalogie,

:

Tmolus, Roi de Lydie, fi nous en croyons Clitophon, étoit fils du Dieu Mars & de la Nymphe Théogene, & felon Euftathe, de Supylus & d'Eptonia. Un jour comme ce Prince chaffoit, il apperçut une des Compagnes de Diane qui fe nommoit Arriphée. Elle étoit parfaitement belle : & Tmolus, fur le champ, en devint éperduement amoureux les paffions des Grands font prefque toujours violentes. Le Roi réfolu de fatisfaire la fienne, pourfuit vivement cette jeune Nymphe qui pour ne pas tomber entre fes mains, prit le parti de chercher un afyle dans le Temple de Diane. Mais que peut la crainte du Ciel fur le cœur des Tyrans? Arriphé fut violée au pied des [a] Lib. I. page 61.

[b] Traité de la Superslition,

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Autels; un affront fi fanglant la jetta dans l'accablement, & elle ne voulut pas furvivre un infant au malheur qui venoit de lui arriver. Les Dieux ne laifferent pas fa mort impunie. Tmolus enlevé par le Taureau, tomba fur des pieux dont les pointes le firent expirer au milieu des douleurs les plus cuifantes. Ainfi périt ce Prince qui fut inhumé sur la Montagne, qui depuis porta fon nom. Plutarque & Tzetzès après lui, le mettent au nombre des Rois de Lydie. Je le croirois plus ancien que le siége de Troye de fix-vingt ans ou environ; car entre Tmolus & Agamemnon, on trouve Tantale, PéJops & Atrée. Ce qui forme précisément quatre générations. Or quatre générations, felon le calcul reçu le plus univerfellement, répondent à ce nombre d'années que je viens de déterminer. Examinons maintenant pourquoi Tantale fait partie de cette Généalogie. Si l'on en croit Diodore, Paufanias, & plufieurs autres de nos plus célebres Ecrivains, Tantale eft fils de Jupiter, & dès-lors il ne fauroit plus avoir rien de commun avec la Maifon des Atyades. Mais M. de Meziriac a déjà obfervé que les Auteurs font très-partagés fur l'origine de ce Prince. En effet, le Scoliafte d'Euripide auffi bien que Tzetzès, le font naître de Tmolus, & de Pluto, fille de Théoclymene. Ces deux Compilateurs avoient fans doute confulté des monumens qui ne fubfiftent plus aujourd'hui; & leur témoignage doit être de quelque poids auprès des perfonnes éclairées. Ariftide lui fait jetter les fondemens de la Ville de Sipylus, qui pour cette raifon eft appellée Tantalis dans les Ecrits de Pline le Naturalifte. On ne convient pas de fa fituation, non plus que des Provinces qui compofoient les Etats de Tantale. Les uns les renferment dans les bornes étroites de la Lydie: quelques autres le font régner en Phrygie: & ily

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