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vant Méziriac fur l'Epitre d'Enome à Paris. Enfin il y a des Auteurs, & c'eft le plus grand nombre, qui foutiennent qu'Iphigénie fut véritablement immolée de la maniere que Lucrece (a), Virgile (b); Diodore & tant d'autres le racontent, & que la crainte qu'eut Agamemnon de perdre le commandement de l'armée, & l'occafion de venger l'affront de fon Frere, avoit fait céder l'amour paternel à l'ambition. La fuperftition, dit Lucrece, a fouvent fait commettre d'auffi grands crimes.

Sapius olim

Relligio peperit fcelerata atque impia faða.

Ce que l'on peut dire de plus affuré für un fujet fur lequel les Anciens varient tant, eft qu'Ulyffe étant part du Camp d'Aulide à l'infu d'Agameinnon, comme le racontent Dictys de Crête & plufieurs Scoliaftes anciens, emmena avec lui Iphigénie, fous prétexte que fon Pere vouloit, avant que de partir, la marier avec Achille, & s'affurer par-là de l'obéiffance d'un jeune Prince, qui commençoit à fe faire craindre dans l'armées qu'on fe difpofa à l'immoler à Diane, mais que fur quelques prodiges qui arriverent en cette occafion, ou que Calchas qui craignoit le reffentiment d'Achille & d'Agamemnon, publia dans le deffein d'effrayer ceux qui le preffoient d'achever le facrifice, on fubftitua en fa place une Biche, & on envoya fecrétement la Princeffe dans la Tauride. Par ce dénouement, qui eft du moins auffi autorisé par les Anciens, que la tradition qui porte qu'Iphigénie fur véritablement immolée, on leve la grande difficulté de l'oppofition d'Achille, & celle d'Agamemnon furtout, qu'on ne peut pas croire (a) Lib, I. [b] Æneid. Lib. II.

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avoir fouffert dans une armée qu'il commandoit qu'on immolât fa Fille malgré lui. Le R. P. de Montfaucon a fait graver le beau vafe qui repréfente le facrifice d'Iphigénie (a). En expliquant les figures qui y font reconnoiffables, il dit qu'on y voit Achille qui prie la Déeffe d'accepter cette victime pour le falut de l'armée; il me permettra bien de faire remarquer ici, que cette conjecture eft contre le fentiment des Anciens, qui difent tous de concert que ce jeune Héros étoit amoureux d'Iphigénie, qu'il fut outré contre Ulyffe qui l'avoit conduite dans le camp, & qu'il s'oppofa de tout fon pouvoir à ce Sacrifice. M. Racine, qui le repréfente tel que je viens de le décrire, avoit copié fon portrait d'après Euripide & les autres Anciens, & il n'y a nulle apparence qu'un Prince de ce caractere, joue dans cette Antique le rôle d'un dévôt, qui offre à Diane une victime fi chere. La figure repréfente un homme étonné, qui paroît rêver aux expédiens dont il veut fe fervir pour délivrer fa Maîtrefle; & c'eft certainement fous ce point de vue qu'on a voulu le graver.

Ovide qui avoit commencé dans ce Livre à raconter les aventures arrivées au Siége de Troye, continue de les expofer. Après que les Grecs eurent appaifé Diane, un vent favorable porta leur Flotte fur le rivage de la Troade. Les Phrygiens qui avoient eu le temps de fe préparer à cette guerre, fe trouverent en état de recevoir leurs ennemis, & firent tous leurs efforts pour s'opposer à leur defcente. Protéfilas qui s'apperçut que les Grecs, effrayés par un Oracle qui avoit prédit que le premier qui mettroit le pied fur le rivage feroit tué, n'ofoient defcendre de leurs Vaiffeaux, facrifia généreusement fa vie pour le falut de fa Patrie. [a] Ant, Expliq. Tome II,

Hector qui le vainquit, fit paroître dès-lors com bien il feroit redoutable dans la fuite de cette guetre. Cygnus qui fuivoit Hector, fit de fon côté plufieurs actions de valeur, & Achille s'attacha à un ennemi qui paroiffoit digne de lui. Il le poursuivit vivement, lui lança plufieurs traits fans le bleffer: enfin l'ayant joint, il le prit à la gorge, l'étouffa entre fes bras, & le précipita du haut d'un Rocher dans la Mer. On publia que ce Cygnus, qu'il faut bien diftinguer du Parent de Phaeton, & d'un autre Prince de ce nom qui fut vaincu par Hercule (a) étoit Fils de Neptune; parce qu'il étoit apparemment puiffant fur la Mer, ou Roi de quelque Ifle de l'Archipel; on dit auffi qu'il étoit invulnérable, parce que fes armes étoient à l'épreuve du trait. On ajouta enfin qu'il avoit été changé en Cygne, circonftance qui n'a fans doute d'autre fondement que la reffemblance des noms. Une origine qui annonçoit des Dieux pour Ancêtres, étoit la chimere de ces temps-là, & la métamorphose étoit la reffource ordinaire des flateurs.

[a] Voyez Héfiode Theog, Apollod. Lib. II. Paufan, in 'Atticis,

FABLES IV. V. VI. & VII.

ARGUMENT.

Comme pendant le feftin qui fuivit cette vicctoire,tout le monde s'étonnant de l'aventure qui venoit d'arriver, Neftor raconta qu'au combat des Centaures & des Lapithes, auquel il s'étoit trouvé, la Nymphe Cenis qui avoit répondu à l'amour de Neptune & qui avoit obtenu de ce Dieu d'être changée en homme & d'être invulnérable", s'y étoit fort fignalée, & on avoit été obligé de l'étouffer comme Cygnus. Néanmoins Neptune fe fouvenant de l'avoir aimée, ne voulut pas qu'elle périt entiérement & la convertit en Oifeau. Périclymene, l'un des douze fils de Nelée & frere de Neftors ayant recu de Neptune le pouvoir de fe revêtir de plufieurs formes, il s'en fervit heureusement contre Hercule;mais s'étant enfin métamorphofé en Aigle,pour se dérober aux coups de ce redoutable ennemi, il fut tué d'un coup de fléche dans le temps qu'il s'envoloit. Neptune,pour venger la mort de Cygnus, pria Apollon de fe déguifer; parce que le Deftin ne lui permettoit pas de la venger lui-même. Apollon entra dans le Camp des Troyens, & ayant dirigé la fleche de Paris, Achille

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en fut bleffé au talon, le feul endroit de cout fon corps où il n'étoit pas invulnérable. LE premier combat des Grecs contre les Troyens fut fuivi d'une Trêve qui dura fort long-temps. Les deux partis fatigués de la perte qu'ils y avoient faite, poferent les armes: les Troyens fe contenterent pendant tout ce temps-là de garder leurs murailles, & les Grecs ne fongerent qu'à fe retrancher dans leur Camp. Ils y célébroient une Fête pour rendre grace à Pallas de la victoire qu'Achille venoit de remporter fur Cygnus. Après que ce jeune Héros eut offert à cette Déeffe une Géniffe, & que la fumée en montant jufqu'au Ciel, eut fait connoître que fon facrifice lui étoit agréable, il diftribua une portion de la victime aux Sacrificateurs, & réserva l'autre pour le Feftin qu'il donna aux Capitaines Grecs. Lorfque le repas fut fini, on ne vit paroître ni Muficiens ni Simphonie pour divertir les conviés, & la converfation fit tout leur amusement. Elle dura une partie de la nuit, & roula toute fur la valeur & fur les vertus militaires. Après qu'on y eut parlé du dernier combat, chacun fit l'hiftoire des Batailles où il s'étoit trouvé: car de quelle autre matiere pouvoit parler le vaillant Achille, ou quel autre difcours auroit-on pu tenir en fa préfence qui lui eût été agréable ? On s'éten

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