Imágenes de páginas
PDF
EPUB

dit beaucoup fur les circonftances de fon combat avec Cygnus, tout le monde paroiffoit furpris d'avoir vu que ce jeune homme étoit invulnérable, & Achille lui-même en paroiffoit étonné comme les autres, lorfque Neftor leur parla ainfi : « Il est vrai que Cy» gnus a été le feul homme invulnérable, que » vous ayez pu voir de votre temps; pour » moi je me reffouviens d'avoir vu autrefois Cenée qui lui reffembloit en cela. Quel>>ques coups qu'on lui portât, il n'étoit pas poffible de le bleffer, & ce qui doit encore » vous étonner davantage, c'eft qu'il étoit » né fille. Il fe rendit extrêmement célebre » aux environs du Mont Othrys où il habi» toit». Ce récit furprit toute l'affemblée, & on pria Neftor de raconter une Hiftoire fi finguliere. Achille fur-tout l'en preffa, en l'afurant qu'il feroit plaifir à la Compagnie. Sage & éloquent vieillard, lui dit-il, l'hom» me le plus prudent & le plus refpectable » de notre Siècle, apprenez-nous quel étoit » ce Cenée dont vous venez de parler; par

[ocr errors]
[ocr errors]

quelle aventure il avoit changé de Sexe; » en quelle guerre vous vous êtes trouvé » avec lui; quels exploits l'ont rendu célebre; » enfin quel a été fon vainqueur, fi toutefois » il a pu être vaincu? Quoique le temps, » reprit Neftor, ait effacé de ma mémoire le » fouvenir de plufieurs événemens arrivés

Tom III.

H

[ocr errors]

دو

[ocr errors]

» dans ma jeuneffe, il en eft cependant un grand nombre, dont je me reffouviens en» core parfaitement; mais de tout ce que j'ai » vu, foit pendant la guerre, foit pendant la paix, rien n'eft demeuré plus vivement » imprimé dans mon efprit que l'Hiftoire que » vous me demandez. On fait que perfonne » n'a vu autant de chofes que moi, puifque j'ai déjà vécu deux âges d'homme, & que je cours maintenant le troifieme *. Cenis, » fille d'Elate, la perfonne la plus aimable de » fon temps, s'étoit rendue fi célebre par fa » beauté, qu'elle avoit fait l'objet des vœux » de tous les Princes de Theffalie (car elle » étoit du même Pays que vous, mon cher » Achille), & de tous les autres Princes du » voifinage. Pelée lui-même auroit afpiré à » fa conquête, mais il avoit époufé la Déeffe » votre mere, ou du moins elle lui étoit def»tinée dès ce temps-là. La fiere Cenis fuyant » un tendre engagement rebutoit tous fes » Amans, & refufoit de choifir un époux. Un » jour, comme elle fe promenoit fur le ri

دو

* Quoiqu'Ovide, pour exprimer l'âge de Neftor fe ferve du mot bifcentum, deux cens ans, j'ai préféré l'expreffion de deux âges d'homme, pour me conformer à Homere, Iliad. Lib. I. qui s'en étoit fervi dans cette occafion. Le premier de ces trois âges fe rapporte à la prife de Pyles par Hercule pendant la jeuneffe de Neftor. Le fecond regarde le temps qui s'étoit écoulé depuis cette expédition jufqu'à la Guerre de Troye, où commence le troifieme, ce qui ne fournit au plus que 70 ou 80 ans.

כל

כל

»vage de la Mer, Neptune lui fit violence: » c'est ainfi du moins que l'on conte cette » aventure. On ajoute que ce Dieu ayant » promis de lui accorder tout ce qu'elle de» manderoit, elle lui tint ce difcours : L'ou» trage que je viens de recevoir me fait naî»tre un fouhait qui va vous paroître bien ›› extraordinaire. Pour m'affranchir à l'avenir » d'une pareille infulte, faites enforte que >> je change de Sexe; & alors tous mes vœux » feront accomplis. Cenis prononça ces der»nieres paroles, d'un ton plus mâle & plus » ferme, & on autoit pris la voix pour celle » d'un homme. Elle l'étoit en effet, Neptune » avoit déjà exaucé fes vœux, & lui avoit » accordé, outre cette faveur, le privilege » d'être invulnérable. Content de ce double » avantage, Cenée n'aima plus déformais » que les exercices qui conviennent aux hom» mes; n'ayant d'autre plaifir qu'à parcourir » les charmantes campagnes de la Theffalie, » où il s'acquit beaucoup de réputation.

[ocr errors]

Cependant le fils du téméraire Ixion; » Pirithous avoit époufé la belle Hippodamie; » & on célébroit la Fête de fon mariage dans » un vallon délicieux tout couvert d'arbres. >> Tous les Princes de Theffalie & les Cen>> taures avoient été invités au feftin des no» ces: il m'en avoit auffi prié, & je m'y trou » vai avec les autres Lapithes. Toute l'affem

دو

» damie

[ocr errors]

כל

» blée ne refpiroit que le plaifir & la joie. On » n'entendoit de toutes parts que des chants » d'alegreffe & des épithalames qu'on chantoit » en l'honneur des deux époux, lorfqu'Hippoparut fuivie d'une troupe de Dames. Tout le monde fut frappé de l'éclat de fa » beauté, & on eftima Pirithous heureux » d'avoir pour épouse une perfonne fi accom plie. Mais l'événement que je vais raconter » troubla bientôt fon bonheur. Le plus cruel » & le plus farouche des Centaures, Euryte, » enflammé par l'amour, & encore plus par » le vin, n'eût pas plutôt vu Hippodamie, » qu'il renverfa la table du feftin, & prit la >> Princeffe aux cheveux dans le deffein de » l'enlever. Les autres Centaures, à fon exem

[ocr errors]

ple, faifirent les Femmes qui leur plaifoient » le plus, ou qui fe trouvoient à la portée. La » fête changea tout d'un coup de face : tout > retentit des cris des Femmes qu'on enle»voit, & le lieu du feftin devint dans ce » moment, femblable à une Ville prife d'af» faut. Nous nous levâmes en même-temps, » & Théfée prenant la parole, s'adressa ainfi à Euryte: infolent, lui dit-il, quelle eft ta folie d'offenfer ainfi Pirithous pendant que je refpire; ignores-tu que c'eft offenfer en » même-temps deux perfonnes? Pour mon»trer qu'il ne faifoir pas de vaines menaces,

[ocr errors]

après avoir écarté tout ce qui lui faifoit

7

כל

ככ

כל

دو

دو

כל

» obftacle, il s'approcha d'Euryte & lui arracha Hippodamie. Le Centaure demeura interdit » & muet; qu'auroit-il pu dire en effet pour >> excufer une action fi lâche? Cependant pour » fe venger de l'affront qu'il venoit de rece» voir, il se jetta fur Théfée, & le repouffa » vigoureusement. Près de l'endroit où ils fe >> battoient, étoit un Vafe antique d'une » grandeur énorme, & qui étoit orné de figu»res relevées en boffe. Théfée s'en faifit, & l'ayant jetté à la tête d'Euryte, lui écrafa la >> cervelle, & le renverfa par terre. Le Cen>> taure fe roulant fur le fable, vomit avec fon fang le vin qu'il venoit de boire. Les autres Centaures voyant leur Frere expirer, de» viennent furieux, & crient tout d'une voix, » aux armes, aux armes. Le vin leur échauffe » le courage, & ils fe fervent pour armes de >> tout ce qui fe rencontre autour d'eux. On » voit voler de tous côtés, vafes, plats, urnes; » en un mot tout ce qui fervoit au Festin devient >> autant d'inftrumens de guerre. Amique, fils d'Orphion, prit un grand chandelier qui portoit plufieurs flambeaux; & le levant » comme on leve la hache dont on veut af » fommer un Taureau que l'on va immoler, >> il en donne un coup fur le front du Lapithe » Céladon, & lui écrafe le vifage. Le coup » lui fait fortir les yeux de la tête, fon nez >> rentre dans fa bouche; & ce malheureux

[ocr errors]

כל

« AnteriorContinuar »