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ful de Carthage, c'est-à-dire, gouverneur pour le roi. C'étoit l'homme d'Afrique le plus riche, & le roi qui avoit en lui une trés-grande confiance, lui manda que s'il obéïffoit à fes ordres, il le tiendroit pour le plus cher de fes domestiques. Victorien répondit: Dites au roi, qu'il m'expofe au feu ou aux bêtes, qu'il me faffe fouffrir toutes fortes de tourmens; fi je me rends, c'est en vain que je suis baptisé dans l'église catholique. Car quand il n'y auroit que cette vie, je ne voudrois pas pour un peu de gloire temporelle être ingrat au créateur, qui m'a fait la grace de croire en lui. Le roi irrité de cette réponse lui fit fouffrir de grands tourmens, & pendant long-tems: ainfi il confomma heureusement fon martyre.

pour

A Tambaïe deux freres prierent les bourreaux de leur faire fouffrir le même fupplice. On les tint fufpendus tout le jour avec de groffes pierres aux pieds. Un d'eux demanda quartier, & pria qu'on le defcendît: mais fon frere encore fufpendu, lui crioit: Non non, mon frere, ce n'eft pas là ce que nous avons juré à Jesus-Chrift; je t'accuferai quand nous ferons devant fon trône redoutable, que nous avons juré fur fon corps & fon fang de fouffrir ensemble lui. Par fes difcours & plufieurs autres, il encouragea fi bien fon frere, qu'il s'écria: Faites-moi fouffrir tous les tourmens que vous voudrez, je ferai comme mon frere. On leur appliqua tant de lames ardentes, & on les déchira tant avec les ongles de fer, que les bourreaux rebutez les chafferent, en difant : Tout le peuple les imite, & perfonne ne fe convertit à nôtre religion. Ce qu'ils disoient principalement, parce qu'on ne voyoit en eux ni meur

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pées.

X.

n. 6.

triffures ni aucune trace de tourmens.

A Typase dans la Mauritanie Cefarienne, les Langues cou- Ariens ordonnerent un évêque qui avoit été fecretaire de Cyrila, ce que voyant les habitans ils s'embarquerent tous pour paffer en Espagne, dont ils étoient proches : excepté un trés petit nombre qui ne trouverent point à s'embarquer. L'évêque Arien s'éforça de les pervertir, premierement par careffes, & puis par menaces: mais ils fe mocquerent de lui, & s'affemblerent dans une maison, où ils celebrerent publiquement les myfteres. L'évêque l'ayant appris envoya fecretement à Carthage une relation contre eux fur quoi le roi irrité, envoya un comte avec ordre de leur couper à tous la langue & la main droite, dans la place publique, en prefence de toute la province. Cela fut executé : mais quoiqu'on leur cût coupé la langue jufques à la racine, ils ne laifferent pas de parler auffi bien qu'auparavant : Et fi quelqu'un ne le veut pas croire, ajoûte Victor de Vite, qu'il aille à C. P. & il trouvera un foûdiacre d'entre eux nommé Reparat, qui parle nettement fans aucune peine, & qui par cette raifon eft fingulierement honoré dans le palais de l'empereur Zenon, 10. 2. p. 415. E. principalement par l'imperatrice. Victor n'eft pas

Bibl. PP. G. L

le feul témoin de ce miracle, Enée de Gaze philofophe Platonicien, qui étoit alors à C. P. en parle ainfi à la fin de fon dialogue AN. 484. fur la refurrection: Je les ai vûs moi même, & les ai oui parler, & j'ay admiré que leur voix pût être fi bien articulée. Je cherchois l'inftrument de la parole, & ne croyant pas à mes oreilles, j'ai voulu en juger par mes yeux, & leur ayant fait ouvrir la bou

che, j'ai vû toute la langue arrachée jufques à la racine : & me suis étonné, non de ce qu'ils parloient, mais de ce qu'ils vivoient encore. L'hiftorien Procope parlant de cette perfecution d'Huneric, dit: Il fit couper la langue à plusieurs, qui de mon tems fe promenoient à C. P. parlant librement fans fe fentir de ce fupplice. Mais il y en eut deux, qui ayant peché avec des femmes abandonnées, cefferent de parler. Le comte Marcellin dans fa chronique dit : Le roi Huneric fit couper la langue à un jeune homme catholique, muet de naiffance; mais fi-tôt qu'il eut la langue coupéc, il parla, & commença par donner gloire à Dieu; j'ay vû quelques-uns de cette troupe de fideles à C. P. qui avoient la langue & la main coupées, & parloient parfaitement. L'empereur Juftinien témoigne auffi l'avoir vû, dans une conftitution faite depuis pour l'Afrique.

Huneric n'épargna pas même les Vandales catholiques; & n'eut aucun égard à l'interceffion d'Uranius ambassadeur de Zenon. Au contraire, pour montrer le mépris qu'il faifoit de l'empereur & des Romains, il fit mettre le plus de bourreaux & les plus cruels dans les rues & les places de Carthage, où l'ambassadeur devoit paffer pour venir au palais. On vit long-tems les marques des cruautez exercées en cette perfecution : les uns étoient fans mains, ou fans pieds: d'autres fans yeux, fans nez, ou fans oreilles d'autres à force d'avoir été fufpendus, avoient les épaules démises & élevées au-deffus de la tête ; car étant attachez au haut des maisons, on les pouffoit avec les mains pour les jetter en l'air : quelquefois

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1

Paß.7.monach.

la corde rompoit, & ils fe caffoient la tête ou les jambes.

Dagila femme d'un échanfon du roi, qui avoit déja confeffé plufieurs fois fous Genferic, quoique noble & delicate, aprés avoir fouffert plufieurs coups de foüet & de bâton, fut envoyée en exil, dans un lieu fec & defert, où elle ne pouvoit recevoir confolation de perfonne, laiffant avec joye fa maison,fon mari & fes enfans. On lui offrit enfuite de la transferer à une folitude moins rude, mais elle le refusa.

Sept moines fouffrirent auffi le martyre, fçavoir: Liberat abbé, Boniface diacre, Servus & Ruftique foûdiacres, Rogat, Septime & Maxime fimples moines. Ils étoient du territoire de Capfe: mais on les attira à Carthage, & on les tenta d'abord par des promeffes flateufes, leur propofant une grande fortune, & même la faveur du roi. Comme ils demeurerent fermes dans la foi de la Trinité & d'un feul baptême, on les mit chargez de chaînes dans une obfcure prifon. Mais le peuple fidele ayant gagné les gardes par prefens, les vifitoit jour & nuit, pour recevoir leurs inftructions, & s'encourager au martyre. Le roi l'ayant appris, les fit charger de fers plus pefans, & fouffrir des tourmens inoüis jufques alors. Puis il commanda d'emplir un vaiffeau de menu bois fec, de les y attacher, & aprés les avoir menez en mer y mettre le feu. On les tira de la prifon, fuivis d'une multitude de peuple, qu'ils exhortoient au martyre: on fit des efforts particuliers pour feduire Maxime qui étoit encore fort jeune; mais il protef ta hardiment, qu'il ne vouloit point fe feparer de fon pere Liberat & de fes freres. Etant menez dans

le vaiffeau, ils furent attachez fur le bois ; mais comme on y eut mis le feu, il s'éteignit auffi-tôt, & quoiqu'on effayât plufieurs fois de le r'allumer, on ne put jamais y reuffir. Le roi confus & irrité leur fit caffer la tête à coups d'aviron; on jetta leurs corps dans la mer qui les rendit auffi-tôt contre l'ordinaire; & le peuple qui étoit prefent les ensevelit honorablement, conduit par le clergé de l'églife de Carthage, entre autres l'archidiacre Salutaris & le fecond diacre Muritta, qui avoient déja confeffé la foi par trois fois, & qui porterent les reliques. Elles furent enterrées avec le chant folemnel au monaftere de Bigua prés la bafilique de Celerine.

L'évêque Eugene étant déja en exil, on bannit aufli tout le clergé de Carthage, compofé de plus de cinq cens perfonnes: aprés leur avoir fait fouffrir la faim & les tourmens. Le diacre Muritta fe fignala entre les autres. L'officier le plus ardent à faire tourmenter les catholiques étoit un apoftat nommé Elpidifore, qui avoit été baptisé par les catholiques dans l'église de Faufte, & levé des fonts par le diacre Muritta. Comme on appelloit par ordre tout le clergé, pour être exposé aux tourmens: aprés les prêtres vint l'archidiacre Salutaris, puis le fecond diacre Muritta, qui étoit un vieillard venerable. Quand on commença à l'étendre, avant qu'il fût dépouillé, il tira tout d'un coup les linges dont il avoit couvert Elpidifore au fortir des fonts, & qu'il avoit cachez fous fes habits ; & les ayant étendus devant tout le monde, il dit à Elpidifore qui étoit affis comme fon juge : Voila les linges qui t'accuferont quand le grand juge viendra, & qui te precipiteront dans le puits de fouffre: parce

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- XII. Clergé de Car

thage banni. Viď. V. n. 9.

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