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HISTOIRE

ECCLESIASTIQUE.

LIVRE TRENTIEM E.

G

Saint Eugene

ENSERIC roi des Vandales en I.
Afrique, étoit mort dés le commence- évêque de Car-
thage.
& Huneric fon vavit.lib.11.
ment de l'année 477.

part. 2.

fils aîné lui avoit fuccedé. Il fe montra n. 1. Ruin. hift. d'abord affez moderé, principalement envers les . 7. catholiques : enforte qu'ils recommencerent à s'asfembler dans les lieux où Genferic l'avoit défendu. Huneric rechercha foigneufement les Manichéens, Sup. xx7!1. il en fit brûler plufieurs, & en envoya plufieurs par mer hors de l'Afrique; & comme il trouva que

Tome VII.

A

7. 58.

prefque tous, principalement leurs prêtres & leurs diacres, tenoient l'herefie Ariene comme lui, la honte qu'il en eut l'anima encore plus contre eux. Un de ces Manichéens nommé Clementien & moine de profeffion, avoit en écrit fur fa cuiffe: Manés difciple de Jefus Christ.

L'églife de Carthage étoit fans évêque depuis vingtquatre ans mais enfin à la priere de l'empereur Zenon & de la princeffe Placidie, dont Huneric avoit époufé la fœur, il permit aux catholiques d'y ordonner un évêque. Pour affifter à l'élection Huneric envoya à l'églife, Alexandre ambassadeur de l'empereur Zenon, & avec lui un des fes notaires nommé Vitarit, portant un édit qu'il fit lire publiquement en ces termes : Nôtre maître à la priere de l'empereur Zenon & de la trés-noble Placidic, vous accorde d'ordonner un évêque tel qu'il vous plaira : à condition que les évêques de nôtre religion, qui font à C. P. & dans les autres provinces d'Orient, ayent la liberté de prêcher dans leurs églises, en telle langue qu'ils voudront, & d'exercer la religion chrétienne : comme vous avez la liberté ici & dans vos autres églises d'Afriquede celebrer les meffes, de prêcher & d'exercer vôtre religion. Car fi cela n'est pas observé, l'évêque qui fera ordonné ici & les autres évêques d'Afrique avec leur clergé, feront envoyez chez les Maures. Cet édit ayant été lû dans l'églife de Carthage le dix-huitiéme de Juin 481, les évêques catholiques qui étoient presens en gemirent, voyant l'artifice avec lequel on preparoit la perfecution. Ils dirent au commiffaire du Roi: A des conditions fi dangereuses cette église aime mieux n'avoir point

d'évêque, Jefus Chrift la gouvernera comme il a fait jufqu'ici; mais le commiffaire ne voulut point recevoir cette proteftation, quoique le peuple le demandât, par des cris qu'on ne pouvoit appaifer.

Eugene fut donc ordonné évêque de Carthage avec une joye incroyable du peuple. Car il y avoit un grand nombre de jeunes gens qui n'avoient jamais vû d'évêques affis dans la chaire de cette églife. Il s'attira bien-tôt par fes vertus le refpect & l'affection, non-feulement des catholiques, mais de tout le monde; car il étoit humble, charitable, plein de compaffion, & faifoit des aumônes incroyables. Il eft vrai que les barbares poffedoient tous les biens de l'églife, mais on apportoit tous les jours de grandes fommes au faint évêque ; & il diftribuoit tout fidelement, fans en rien referver que pour les befoins de chaque jour : car il ne gardoit jamais d'argent au lendemain, à moins qu'on ne lui eût apporté trop tard, pour le donner avant la nuit. Sa reputation lui attira bien-tôt l'envie des évêques Ariens, & principalement de Cyrila, le plus puiffant de tous. Ils representerent au roi, qu'il étoit dangereux de fouffrir qu'Eugene continuât de prêcher. Ils vouloient qu'Eugene lui-même empêchât que perfonne, ni homme ni femme ne parût dans l'églife en habit de barbare; mais il répondit que la maison de Dieu étoit ouverte à tout le monde. Ce qu'il difoit principalement à caufe des catholiques, qui fervant dans la maison du roi, étoient obligez à porter l'habit des Vandales.

ท. 3.

II

Préliminai

cution.

Aprés cette réponse de l'évêque, Huneric fit met- res de la perietre à la porte de l'églife des bourreaux, qui voyant

1. 4.

#. 6.

un homme ou une femme y entrer avec l'habit de leur nation, leur jettoient fur la tête de petits bâtons dentelez, dont ils leur entortilloient les cheveux: & les tirant avec force arrachoient la chevelure avec la peau de la tête. Quelques-uns perdirent les yeux, d'autres moururent de douleurs : plufieurs furvêcurent long-tems. On menoit par la ville des femmes avec leur tête ainfi écorchée, precedées d'un crieur, pour les montrer à tout le peuple, mais cette cruauté ne fit quitter à perfonne la vraye religion. Alors Huneric s'avifa d'ôter les penfions aux catholiques qui étoient à fa cour, & de les envoyer travailler à la campagne. Ainfi des hommes nez libres & delicats furent conduits dans les plaines d'Utique pour couper les bleds à la plus grande ardeur du soleil. Un d'eux avoit la main feche depuis long-tems; & comme on le forçoit à travailler nonobftant une excufe fi legitime, il fut gueri par les prieres de tous les autres. Tel fut le commencement de la perfecution d'Huneric. Il étoit cruel même envers les fiens; car pour affurer le royaume à fes enfans, il fit mourir les autres parens les plus proches. Il fit brûler un évêque Arien nommé Jocondus, qu'ils appelloient leur patriarche, & plufieurs de leurs prêtres & de leurs diacres

Environ deux ans avant la perfecution generale, plufieurs perfonnes eurent des visions qui furent prifes pour des avertiffemens du ciel. L'un vit l'églife de Faufte, alors la principale de Carthage, ornée à l'ordinaire, tapiffée & éclairée d'un grand nombre de cierges & de lampes; mais comme il s'en rejoüiffoit, tout d'un coup ces lumieres furent

éteintes, & fuivies de tenebres & de puanteur; & une multitude de gens vêtus de blanc, qui étoient dans l'église, en fut chaffée par des Ethiopiens. Celui qui avoit eu cette vifion la raconta à l'évêque Eugene, en presence de Victor évêque de Vite, qui a écrit cette hiftoire. Un autre vit un grand monceau de bled encore mêlé avec fa paille, dont un grand vent d'orage emporta toute la paille, & laiffa le grain: enfuite vint un grand homme d'un visage & d'un habit éclatant, qui commença à nettoyer le grain, rejettant tout ce qui étoit maigre & mal nourri, en forte qu'il le reduifit à un petit monceau. L'évêque Quintien crut être fur une montagne, d'où il voyoit un troupeau innombrable de brebis, & au milieu deux chaudieres boüillantes, avec des bouchers, qui tuoient ces brebis & les jettoient dans ces chaudieres; enforte que tout le troupeau fut confumé. Quelques- autres eurent des vifions femblables.

Huneric ordonna d'abord que perfonne ne servît dans fon palais, ou n'exercât de fonctions publiques, qu'il ne fût Arien : & il y en eut un grand nombre qui renoncerent à leurs charges pour conserver la foi. Il les chaffa enfuite de leurs maifons, les dépouilla de tous leurs biens, & les relegua en Sicile & en Sardaigne. Il ordonna auffi que les biens des évêques catholiques appartiendroient au fisc aprés leur mort, & qu'on ne pourroit ordonner le fucceffeur, qu'il n'eût payé au fifc cinq cent fols d'or. Mais fes domeftiques lui reprefenterent, que l'on traiteroit de même, ou plus rigoureufement les évêques Ariens en Thrace & ailleurs : ce qui l'obligea à revoquer cette ordonnance. Il fit enfuite assembler les vierges fa

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