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La différence, qui eft une troifiéme nature univerfelle, eft de trois fortes; fçavoir commune, propre, & très-propre.

La différence commune eft lorfqu'une cho fe differe d'un autre par un accident fépara ble; apportons un exemple pour mieux faire entendre la chofe: un homme qui fe promene à pied dans le Cours, differe d'un autre qui s'y promene affis dans fon caroffe; & il en differe, parce qu'il marche, & que l'autre eft en repos: or le marcher eft un accident féparable, parce qu'on ne marche pas toujours ; demeurer en repos à la même place, c'est auffi un accident féparable, parce qu'on n'y demeure que pour un tems.

La différence propre eft lorsqu'une chose eft différente d'une autre par un accident inféparable, par exemple, un geant differe d'un nain par fa grandeur ; & la haute ftature de cet homme eft en lui un accident qui n'en peut être féparé, parce que la grandeur des chofes leur refte toujours, à moins qu'on ne les endommage ou qu'on ne les détruife, comme on le voit; parce qu'on ne fçauroit ôter d'une chofe grande ce qui la rend grande, qu'on ne diminue tout autant de la chofe; comme fi à ce qui a vingt pieds, on en ôte dix, cette grandeur qui étoit de vingt pieds, fe trouve réduite à dix.

La différence très-propre, c'est lorsqu'une chofe differe d'une autre par une différence

fpécifique par exemple, l'homme differe des animaux par la raifon; l'efprit eft diffé rent du corps par la penfée, parce que l'efprit penfe, & que le corps n'a que l'étendue de fes dimenfions.

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Le propre eft de quatre fortes ; ainsi lorsqu'une chose convient à quelqu'un, comme d'être Médecin, Chirurgien, Apoticaire, ou de quelqu'autre profeffion, c'eft la premierę forte de propre: quand une chofe convient à toute l'efpece, comme aux animaux d'avoir deux yeux, c'eft la feconde forte de propre quand une chofe convient à toute l'efpece dans un certain tems, comme à l'homme & aux animaux de blanchir dans leur vieilleffe, voilà ce qu'on appelle la troifiéme forte des propre enfin, la quatriéme forte de propre, c'eft lorfqu'une chose convient à toute l'efpece, à elle feule, & toujours ; par exemple, à tous les gomines de rire & de pleurer; car il n'y a qu'eux capables de ces proprietez, tous les autres animaux ne pouvant rire ni pleurer; & fi l'on dit que fi le finge rit, ce font plutôt les mines grotefques de fon visage qu'un vrai ris. Pour les cerfs, on nous rap porte qu'ils pleurent, lorfque poursuivis par les chaffeurs, ils fe fentent aux abois; qu'ils fe laiffent tomber de laffitude fur le derriere; & que penchant la tête, ils verfent (dit-on) un torrent de larmes, qui eft la marque de la trifteffe qu'ils reffentent aux approches de la

mort. Mais ces larmes ne feroient-elles point plutôt l'effet des agitations & des courfe sextraordinaires de cet animal: car fi en courant, on fe trouve après tout en fueur, ce qui marque une grande féparation de lymphe, pourquoi la même chofe n'arrivera-t-elle pas dans les glandes lacrimales de ce cerf, qui doivent faire une filtration abondante, à caufe de la rapidité avec laquelle le fang a été porté par les arteres carotides de ce furieux animal, qui en courant donne mille fecouffes à la tête, ce qui peut bien obliger la lymphe à se séparer en abondance, quand l'animal n'a prefque plus de force.

L'accident eft de deux fortes, féparable, & inféparable. On appelle accident féparable, ce qui furvient de nouveau à un fujet ; com me le dormir, à celui qui ne dormoit pas; le travail, à celui qui fe repofoit; une maladie, à celui qui étoit en fanté. Ces chofes font des accidens féparables, qui ne font pas tellement attachez à leur fujet, qu'ils ne s'en puiffent, féparer, comme on le voit dans les exemples que nous venons de donner: la maladie est un accident qui nous peut arriver'; mais c'est un accident qui fe féparera de fon fujet, quand on guérira: le travail eft un accident qui paffe quand on le quitte : le dormir eft de même un accident qui ne dure pas toujours.

L'accident inféparable eft comme la noirceur d'un Ethiopien, qu'un Baigneur ne fçau

roit blanchir, quand il le laveroit un fiéclela grandeur est un accident inféparable; car à un homme grand, on ne lui ôte pas fa grandeur en le coupant en deux ; ainsi c'est une chose inféparable; & quand on eft grand C'eft pour toujours. Voilà ce qu'il y avoit à dire fur les univerfaux de notre Chapitre fingulier: fi on traite ces chofes plus amplement, on fait mal; parce qu'un jeune Chirurgien n'a que faire de Logique, qui eft la partie de Philofophie où toutes ces chofes font traitées fort au long, pour former les jeunes gens au raifonnement.

Combien la Chirurgie a-t-elle de parties?

Guy de Chauliac les divife en deux, fçavoir en génerales & en fpéciales. Les génerales, felon Paul Æginette, font divisées en parties molles, & en parties dures : les parties molles font la peau, la graiffe, les mufcles, les vifceres de la poitrine & du basventre, & ce qui eft dans le crane; comme auffi tous les vaiffeaux fanguins, les ligamens, les tendons, les nerfs, & toutes les membranes: les parties dures font les os, les cartilages & les ongles.

Les parties fpéciales ou particulieres de la Chirurgie, font les maladies qui lui font fujettes, comme les apoftêmes, les playes, les ulceres, les fractures, les luxations, & toutes les autres qui demandent l'opération de la main, pour être guéries avec méthode..

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étran

La Chirurgie fe peut encore divifer, ou par rapport à fes opérations, ou par rapport à fon fujet, & à fes différentes maladies. Par rapport à fes opérations, on la divife en finthefe, diérefe, exérefe, & prothese : la finthese unit; la diérefe divife; l'exérefe ôte les corps. gers; & la prothefe ajoute quelque organe qui manque à la néceffité ou à la perfection du corps. A l'égard du fujet de la Chirurgie, qui eft le corps humain, elle exerce fes opé rations fur les parties molles, & fur les par

ties dures.

Que faut-il entendre par la matiere fujette à la Chirurgie?

On entend le corps humain, qui est le sujet propre de la Chirurgie, les inftrumens & les médicamens qui fervent à la guérison des maladies.

pour

Le fujet d'une fcience fe prend auffi F'objet auquel on rapporte toutes les propriétez & toutes les conféquences qu'on peut tirer de cette fcience : ce mot fe prend encore pour la matiere fur laquelle un ouvrier employe toute fon adreffe pour faire fon ouvrage. Enfin les Chirurgiens entendent par le mot de fujet, comme nous venons de dire, le humain. Les inftrumens & les médicamens qui fervent à l'opération, ne font que le fujet impropre de la Chirurgie, entant qu'ils font les moyens pour guérir la maladie & pour conferver la fanté.

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