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Par la Nature et la Fortune
Tous nos destins sont balancés ;
Mais toujours les bienfaits de l'une
Par l'autre ont été traversés 5.
O Déesses! une mortelle
Seule à votre longue querelle
Fit succéder d'heureux accords :
Vous voulûtes, à sa naissance,
Signaler votre intelligence,
En la comblant de vos trésors ".

Mais que vois-je? la noire Envie,
Agitant ses serpents affreux,
Pour ternir l'éclat de sa vie,
Sort de son antre ténébreux.
L'Avarice lui sert de guide;
La Malice, au souris perfide,
L'Imposture, aux yeux effrontés,
De l'Enfer filles inflexibles,
Secouant leurs flambeaux horribles,
Marchent sans ordre à ses côtés.

L'Innocence, fière et tranquille,
Voit leurs complots sans s'ébranler,
Et croit que leur fureur stérile

plus braves marins de son temps. Il remporta plusieurs avantages sur les Barbaresques, prit part au combat de l'ile de Wight (1690), et amena a bonne fin l'expédition de Carthagène (Amérique du Sud), dont il avait été chargé en 1697. Il échoua devant Gibraltar.

5. Sont-ce bien là des vers, et des vers lyriques? Comment la prose la plus ulgaire s'exprimerait-elle ? » LEBRUN.

6. An lieu de cette strophe qui ne peut s'appliquer qu'à la duchesse, l'édition de Hollande nous donne celle qui convenait au baron de Pointis; est-elle de Rousseau?

Les deux Mondes pleins de sa gloire
Semblaient l'assurer à jamais;

Et dans les bras de la victoire
Il goûtait les fruits de la paix.
La terre, les vents et Neptune

Avaient vu marcher la fortune
Sous ses pavillons déployés;
Et vingt superbes citadelles
Voyaient encor les étincelles
Sortir de leurs murs foudroyés.

En vains éclats va s'exhaler 7.
Mais son espérance est trompée :
De Thémis, ailleurs occupée,
Les secours étaient différés ;
Et, par l'impunité plus fortes,
Leur audace frappait aux portes
Des tribunaux les plus sacrés 9.

Enfin, Divinité brillante,
Par toi leur orgueil est détruit,
Et ta lumière étincelante
Dissipe cette affreuse nuit.
Déjà leur troupe confondue,
A ton aspect tombe éperdue;
Leur espoir meurt anéanti;
Et le noir démon du mensonge
Fuit, disparaît, et se replonge
Dans l'ombre dont il est sorti.

Quitte ces vêtements funèbres,
Fille du ciel, noble Pudeur :
La lumière sort des ténèbres,
Reprends ta première splendeur.
De cette divine mortelle,
Dont tu fus la guide éternelle 10,
Les lois ont été le soutien.
Reviens, de festons couronnée,

7. VARIANTE de l'ode à M. de Pointis:

L'innocence fière et tranquille
Méprise leurs lâches complots,

Et comme un rocher immobile
Croit résister à tant de flots.

8. Plus fortes qualifie l'Envie, l'Imposture, la Malice, etc., et non les portes, comme le voudrait la grammaire. On a permis aux poëtes ces sortes de propositions absolues, dont l'analyse régulière serait fort difficile.

9. On n'a pas assez remarqué l'énergie de ces deux vers; ils étaient dignes d'attirer l'attention de Lebrun.

10. Guide s'employait autrefois an féminin; il était même uniquement féminin dans le sens mystique : la Guide des pécheurs, etc. On dit la guide d'un cheval.

Et de palmes environnée,

Chanter son triomphe et le tien "'.

Assez la Fraude et l'Injustice,
Que sa gloire avait su blesser 12,
Dans les piéges de l'artifice
Ont tâché de l'embarrasser.
Fuyez, Jalousie obstinée;
De votre haleine empoisonnée,
Cessez d'offusquer ses vertus :
Regardez la Haine impuissante,
Et la Discorde gémissante,
Monstres sous ses pieds abattus.

Pour chanter leur joie et sa gloire,
Combien d'immortelles chansons
Les chastes filles de Mémoire
Vont dicter à leurs nourrissons!
Oh! qu'après la triste froidure.
Nos yeux, amis de la verdure,
Sont enchantés de son retour!
Qu'après les frayeurs du naufrage,
On oublie aisément l'orage
Qui cède à l'éclat d'un beau jour !

Tel souvent un nuage sombre,
Du sein de la terre exhalé,

Tient sous l'épaisseur de son ombre
Le céleste flambeau voilé.

La nature en est consternée,
Flore languit abandonnée,

11. Cette strophe a été faite pour la Duchesse, et a remplacé celle-ci:

Pour braver leur rage envieuse,

Veut que ta main victorieuse

Pointis, le grand roi que tu sers

Partage l'empire des mers.

Va donc, rien ne t'est plus contraire,

Va de l'un à l'autre hémisphère
Porter l'effroi du nom François.
Quelles nations innombrables,
Quels rivages impénétrables
Pourront arrêter tes exploits?

12. VARIANTE à l'ode à M. de Pointis: Que la gloire...

Philomèle n'a plus de sons;
Et, tremblante à ce noir présage,
Cérès pleure l'affreux ravage
Qui vient menacer ses moissons.

Mais bientôt vengeant leur injure 13,
Je vois mille traits enflammés
Qui percent la prison obscure
Qui les retenait enfermés.
Le ciel de toutes parts s'allume;
L'air s'échauffe, la terre fume,
Le nuage crève et pâlit:

Et, dans un gouffre de lumière,
Sa vapeur humide et grossière
Se dissipe et s'ensevelit "4.

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13. Des traits qui vengent leur injure, sont d'un très-mauvais style, et d'un goût plus qu'équivoque.

14. Cette ode est vague et pauvre il s'y trouve plus de cinquante épithètes, presque toutes communes. Rien de précis pour l'esprit. Avec de trèslégères modifications, Rousseau ou les éditeurs de Hollande ont pu tour à tour dédier cette ode à un homme et à une femme, à un marin et à une duchesse, et l'appliquer à deux procès très-différents. C'est une suite de tableaux sans netteté, de phrases sonores et creuses, où vingt divinités allégoriques paraissent et disparaissent. Rousseau fait de l'élégance en pure perte et de l'harmonie dans le vide.

ODE XII.

SUR UN COMMENCEMENT D'ANNÉE 1.

L'astre qui partage les jours,
Et qui nous prête sa lumière,
Vient de terminer sa carrière,
Et commencer un nouveau cours.

ODE XII.. 1. Cette ode (qui a paru dans le Mercure de 1711) se ressent beaucoup trop de la précipitation avec laquelle elle a été faite; c'est une improvisation, une pièce de commande. Il y a peu d'idées dans les seize strophes de cette pièce; elles sont toutes jetées dans le même moule, et ne présentent guère que des antithèses.

;

Avec une vitesse extrême
Nous avons vu l'an s'écouler
Celui-ci passera de même,
Sans qu'on puisse le rappeler 2.

Tout finit; tout est, sans remède,
Aux lois du temps assujetti;
Et, par l'instant qui lui succède,
Chaque instant est anéanti.

La plus brillante des journées
Passe pour ne plus revenir;
La plus fertile des années
N'a commencé que pour finir 3.

En vain, par les murs qu'on achèv
On tâche à s'immortaliser ";
La vanité qui les élève

Ne saurait les éterniser.

La même loi, partout suivie,
Nous soumet tous au même sort :
Le premier moment de la vie

Est le premier pas vers la mort.

2. Ces deux strophes sont bien faibles; la seconde n'est guère que de la prose la plus commune. Qu'il y a plus de grâce, de naïveté, de verve poétique dans le début inculte d'une ode de Dubellay sur le même sujet (Au seigneur Bertrand Bergier):

Voici le père au double front,

Le bon Janus, qui renouvelle

Le cours de l'an qui en un rond
Amène la saison nouvelle.

Renouvelons aussi
Toute vieille pensée,

Et tuons le souci
De fortune insensée! etc.

3. Voilà tout ce que la fuite des ans inspire à Rousseau! Quelle sécheresse! Il faut lire, pour retrouver la poésie, les vers de Lamartine sur le Premier Jour de l'Année. (Harmonies poétiques, liv. IV.)

4. Tâcher à... pour tacher de... n'est pas une licence; tacher à signifie riser à: l'idée du but prédomine; tâcher de signifie s'efforcer de..., c'est l'idée d'effort qui prédomine.

Je m'excite contre elle et tâche à la braver. (RACINE, Britannicus)

Et sur ses pieds en vain tachant de se hausser. (BOILEAU.)

La strophe finit heureusement.

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