IDÉE DE LA VÉRITABLE GRANDEUR DES ROIS 2. O Dieu, qui, par un choix propice, Un homme qui fût parmi nous L'oracle de votre justice, Inspirez à ce jeune roi ", ODE V. 1. Ce psaume paraît avoir été adressé à Salomon; l'auteur en est inconnu; on en a fait de nombreuses applications. 2. « Cette pièce, composée dans l'extrême jeunesse de Louis XV, époque où le talent de Rousseau était dans toute sa force, emprunte un nouvel intérêt de la circonstance et du rapprochement que l'on peut faire avec le discours du grand prêtre Joad au jeune roi Joas; allusion qui, indépendamment du mérite de ce magnifique ouvrage, contribua si puissamment, en 1716, au succès d'Athalie, jusqu'alors si peu appréciée.» AMAR. L'ode de J.-B. Roussean a paru dès 1711 (dans le Mercure; avril). Elle ne peut donc faire allusion, comme semble le croire M. Amar, à l'avénement de Louis XV, qui était né l'année précédente, et qui avait d'ailleurs à cette époque un frère aîné, le duc de Bretagne, mort le 8 mars 1712. Enfin, ce qui détruit mieux encore la supposition du commentateur, c'est que le père de ces deux enfants, le duc de Bourgogne, vivait: il ne mourut que le 11 février 1712. 3. Daignâtes, etc. «Vers dur et prosaïque. » LEBRUN. — Entre tous, parmi double chute très-faible. nous, 4. Rousseau ne songe qu'à traduire David. C'est ainsi que Racan avait déjà dit: Bénis du Dauphin la naissance, et c'était à Salomon, au fils de David, qu'il donnait par analogie cette bizarre qualification; car Louis XIV n'avait pas encore de dauphin à qui elle put strictement s'appliquer; le grand dauphin naquit le 1er novembre 1661, et ces psaumes parurent en 1660. 5. La fausse vraisemblance, » expression bizarre et d'ailleurs très-peu poétique. 6. u Obscur, épithète d'une faiblesse extrême. » LEERUN. - Obscur, signifie qui rampe dans l'ombre, qui se déguise, qui se cache; Lebrun blâme à tort cette épithète. 7. Rousseau a dit ailleurs (Ode 1) le faste couronné. 8. Cette strophe est bien faite. Son règne sera ce qu'aux champs... » Racine a employé cette tournure dans Athalie (111, 7): Que du Seigneur la voix se fasse entendre, Et qu'à nos cœurs son oracle divin Soit ce qu'à l'herbe tendre Est, au printemps, la fraîcheur du matin. 9. Marot, dans sa langue encore informe, est plus gracieux et plus naïf : Il vient comme pluye agréable Tombant sur prez fauchez, Et comme rosée amiable Pourquoi cette poésie du xvie siècle, qui semble bégayer, a-t-elle pour nous un charme irrésistible, tandis que les strophes savantes de Rousseau nous laissent froids et indifférents? Il nous semble intéressant de comparer ainsi quelquefois l'enfance de l'art à sa maturité et le poëte novice au versificateur expert. 11. Cette strophe rappelle les belles paroles de Joad au jeune roi Joas dans Athalie (IV. 3): Promettez sur ce livre, et devant ces témoins, Que Dieu fera toujours le premier de vos soins; etc. 12. Il y a trop d'épithètes dans ces deux strophes; ce défaut, moins choquant dans la première, devient très-sensible dans la seconde : l'orphelin persécuté, l'équitable austérité, le faible pupille, l'usurpateur affamé, le pále calomniateur, le servile adulateur, le zèle désintéressé. Plus loin, nous tronvons sa juste renommée, sa puissante faveur; et dans les strophes qui précèdent nous avons eu les épithètes propice, sévère, obscur, libre, pûr, fastueux, humble, vertueux, et plusieurs autres. Seul digne de sa confidence, Alors sa juste renommée, Mettront leur orgueil à ses pieds; Ils diront: Voilà le modèle Et des eaux du siècle enivré 15. 13. Ces cinq derniers vers sont bien prosaïques. 14. Cette strophe, malgré le vague des expressions, ne manque pas nonie et de grandeur. d'har 15. L'ambitieux immodéré, faible. Enivré des eaux, expression singu lière, qui, pour être dans le goût des prophètes, n'en est pas meilleure. Les idées d'eau et d'ivresse ne s'associent guère. Il a d'ailleurs employé déjà une tournure analogue: Et de ses eaux enivré. (Ode 11.) 16. L'humble, pour l'homme humble. Dans Racine : Il entend les soupirs de l'humble qu'on outrage. 7. C'est encore ici plus qu'un souvenir de Racine, qui a dit Et les larmes du juste implorant son appui Sont précieuses devant lui. 18. « L'heureuse Arabie pour l'Arabie heureuse est une transposition élégante qui marque la différence de la prose et de la poésie. C'est ainsi que Boileau a dit : Il prend du saint jeudi la bruyante crecelle. » FONTANES. Quoi qu'en dise Fontanes, il est difficile de considérer comme des élégances poétiques ces transpositions d'adjectifs dans des mots dont ils sont devenus une partie intégrante. En outre, ne prête-t-on pas ici à J.-B. une intention que ce dernier n'a pas eue: a-t-il voulu réellement parler de l'Arabie heureuse? 19. Racan n'a pas cru devoir éviter les mots du texte qui donnent à ce morceau ce que nous avons appelé la couleur locale. Il n'y a lieu ni de l'en blâmer, ni de l'en louer; il ne l'a peut-être fait que par platitude : C'est par la valeur de ton bras Que la bruslante Ethiopie Verra son audace assoupie Baiser la terre sous ses pas : Les rois de Tharsis dans nos villes Porteront des thrésors utiles, Lestorax est une gomme odoriférante, mais dont le nom est bien dur en poésie. 20. « Chenue. » Mot vieilli. Boileau l'a employé : Mais aujourd'hui qu'enfin la vieillesse venue, Sous mes faux cheveux blonds déjà toute chenue... Malherbe avait dit les Alpes chenues, et Racan, par une imitation exagérée et ridicule, les ondes chenues. 21. « Chenue d'un chene est rebutant pour l'oreille. » LEBRUN. |